ALF
5.9
ALF

Série NBC (1986)

Saison 1:


Cette série pour enfants pas très sages a bercé mon enfance. Alf a été un rendez-vous bien réconfortant après l'école, un moment de petite subversion à petit prix.


Dans un schéma très classique, cette sitcom modeste au canevas tellement improbable (un alien vivant dans une banale famille américaine) a curieusement conservé ce charme qui opérait sur moi. Je m’attendais à ce que cette série ait vieilli. Or, je viens de revoir la première saison avec mon beau-fils et à ma grande surprise, Alf reste une série divertissante.


Certes, son humour repose uniquement sur le personnage de Alf. Son physique, ses mouvements, sa gestuelle, bref la façon dont le ou les marionnettistes ont su faire prendre vie au personnage est encore assez bluffante.


La personnalité d’Alf est ravissante : son impertinence, sa grande liberté alliées à une mauvaise foi redoutable en font un être comique de première force. Enfantin aussi, bien entendu. Il ne faut pas perdre de vue que la série s’adresse surtout aux enfants.


Dans ce cadre précis, je trouve la série pas conne, instillant parfois de la réflexion sur de nombreux thèmes, ce qui n’est pas à négliger. Par son attitude iconoclaste, Alf dynamise les épisodes. Son interaction avec les héros adultes surtout (Max Wright et Anne Schedeen) constitue le moteur principal des gags en fin de compte.


Alf est un garnement irresponsable la plupart du temps, jouissant sans entrave ni aucune espèce d’inhibition de la plus merveilleuse liberté, généreuse, hédoniste et ô combien humaine. En fait d’inconscience, il est surtout un provocateur. Pas étonnant que ce personnage ait ravi les mômes.


À souligner également les prestations marquantes de Max Wright, en père de famille à la fois bon et aimant, mais dépassé par les espiègleries de l’extra-terrestre. Celles des enfants ne sont pas des plus réussies et on ne s’étonne pas qu’ils aient abandonné leurs carrières de comédiens depuis.


La réalisation de ces épisodes très courts ne révèle rien de particulier. Visuellement très ordinaire, la caméra reste assujettie aux contingences techniques dues aux manipulations de la marionnette. Mais on sait que ce n’est pas la raison essentielle : bien d’autres sitcoms restent sages en matière de mise en scène sans qu’il y ait pour autant de marionnette. Seulement ici cela renforce cet aspect statique. Forcément, c’est un peu étroit. Et pourtant, la vie prend : le personnage peut même susciter de réelles émotions.


Une bonne série pour les enfants, avec un humour bon enfant, des répliques quelquefois mordantes dans une certaine mesure bien sûr, une série pas si bête que ça.


Petit bémol récurrent pour ce genre de productions : les épisodes “best-off” qu’on nous colle (2 ou 3 sur cette première saison), pour boucher les trous et parvenir artificiellement au nombre requis d'épisodes. Sale coutume ! Et pour finir, on peut regretter la rigidité du format, du cahier des charges scénaristiques de ce type de production, avec les rires enregistrés, les situations comiques classiques à force d’être utilisées ailleurs et comme intégrées artificiellement, souvent en fin d’épisode pour donner une conclusion forcément humoristique. Ces points négatifs ne doivent pas faire oublier cependant l’originalité propre à cette série dans le magma de séries du même genre à l’époque.


Captures et trombi


Saison 2:


J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de la série en général et en partie sur la saison 1. Je vais sans doute me répéter car la saison 2 est sur une très belle continuité. J’ai même la nette sensation que cette saison est bien plus percutante, en dépit du fait que je ne saurais l’expliquer.


Sans doute faut-il voir là la conséquence logique de l'expérience accumulée : la série est installée, les personnages ont trouvé leurs marques, les acteurs sont beaucoup plus à leur aise pour jouer avec l’interaction que suscite l’électron libre qu’est devenu l’extra-terrestre.


Les marionnettistes sont également peut-être plus à l'aise pour lui donner vie, consistance, folie et incarnation. On joue beaucoup mieux sur l'anarchisme et l'hédonisme forcenés qu’Alf endosse avec bonhomie. Éminemment sympathique, il l'était déjà, mais j'ai l'impression que sa psychologie est mieux structurée, et donc plus crédible. Pour être plus précis, l’Alf de la saison 2 a un côté enfantin plus prononcé. Paradoxalement, cet infantilisme est davantage maîtrisé par le personnage lui même. Dès lors, il apparaît plus sûr de lui la plupart du temps, mais des doutes, des failles plus sérieuses se font jour par moments.


Par conséquent, l'émotion ne vient plus seulement du rire, mais bien souvent des larmes. Je n'ai pas souvenir lors de la saison 1 que les scénaristes aient autant de fois et aussi bien maîtrisé la mélancolie et les angoisses du personnage. Le lien qu’il a tissé avec la famille Tanner semblent plus solides, plus sincères, de part et d’autre. La question de l'humanité de Alf non plus aux yeux de la famille Tanner mais de la société toute entière est posée à plusieurs reprises, engageant celle plus violente de son exclusion que les Tanner s’efforcent avec affection d'estomper.


Peut-être en corollaire de cette maturité dans l'écriture, j'ai aussi le sentiment que l'humour y est plus piquant, que les dialogues sont meilleurs. Vue de l’esprit? Possible. En tout cas, l’humour pince sans rire ou carrément absurde des dialogues l’emporte bien souvent sur celui des situations tout de même assez ordinaires.


On notera le caractère toujours aussi édifiant et moralisateur qui surgit ici ou là pour nous rappeler aux valeurs morales à défendre. Rappel qui n’est pas violent, mais qui contre-balance le côté subversif du personnage central. Hé oui, Alf reste une série comique familiale américaine, un peu prude donc, conciliant bonnes mœurs et zestes d’humour provocateur, une série destinée à faire rire les enfants et sourire les parents.


Il n’en demeure pas moins vrai et surprenant qu’elle fait preuve ici ou là d’audace, compte tenu de son caractère a priori mainstream, notamment quand elle aborde à plusieurs reprises des thèmes aussi durs que la mort. Comme quoi, la série pour enfants sait prendre parfois le taureau par les cornes et dans ce domaine comme dans d’autres, n’hésite pas à prendre des risques vis à vis de son audience.


Je lui trouve un charmant petit goût de reviens-y qu’il ne me déplaît pas de satisfaire. Joyeux retour en enfance pour ma part que je partage avec mon enthousiaste beau-fils du haut de ses 13 ans qui le découvre pour la première fois.


Captures et trombi

Alligator
7
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le 23 sept. 2016

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Alligator

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