Il y a deux façons d’entrer dans Andor. Soit on attend un énième spin-off Star Wars, plein de clins d’œil et de fan-service. Soit on prend le temps de s’installer et d’observer sans détour l’effet réel de l’Empire sur les vies ordinaires — et comment, lentement, la révolte naît dans l’ombre. C’est alors qu’on réalise qu’on a devant nous la série la plus adulte, la plus aboutie, et peut-être la plus essentielle de tout l’univers SW.
Créée par Tony Gilroy (Michael Clayton, Rogue One), Andor est un thriller politique plus proche de The Wire ou Le Bureau des Légendes que d’un space opera classique. Ici, pas de sabres laser, pas de sauvetages de dernière minute... juste la lente montée de la colère, des décisions difficiles et des gens broyés par une machine impériale glaçante de banalité. On y suit Cassian Andor, un antihéros paumé, égoïste, qui va lentement devenir une pièce maîtresse d’un soulèvement qu’il ne comprend pas encore. C’est passionnant, car on ne nous vend pas un héros, mais un homme qui doute, qui échoue et qui survit. Ce réalisme justement, est la grande force d’Andor. L’Empire n’est plus une caricature du mal mais une bureaucratie oppressante, bien trop familière. La résistance quant à elle est désorganisée, divisée et méfiante. Le mythe s'efface au profit de l'humain.
Mention spéciale à l’arc carcéral de Narkina 5, d’un réalisme glaçant (Beau Willimon a encore frappé) et au discours posthume de Maarva Andor : parfaitement écrit.
Dans Andor le monde est sale, gris et palpable. On est très loin de la fantaisie lumineuse de The Mandalorian. Et pourtant, la magie opère. Pas celle de la Force mais celle du récit, de la mise en scène et de l’écriture. Chaque arc narratif est tendu comme un piège. C’est de la science-fiction politique, engagée et viscérale. Visuellement, la série tranche avec ses prédécesseurs. Cette fois, pas de fonds verts tape-à-l’œil mais des décors concrets, toujours vrais, souvent industriels, qui rappellent davantage Blade Runner que Tatooine.
Réalisme froid
La série transpose de façon marquée des éléments historiques, en particulier les régimes totalitaires. Certains y voient de la profondeur, d'autres un manque d’évasion. L’influence du nazisme, déjà présente en 1977, devient ici bien plus visible et directement assumée. Les uniformes impériaux rappellent clairement la Wehrmacht (coupe, insignes, couleurs). Les prisons sont industrielles, froides, déshumanisantes et la torture évoque les pires régimes autoritaires. L’univers bascule ainsi du symbolique vers quelque chose de plus réaliste, presque documentaire parfois. Contrairement à la trilogie d'origine qui stylisait l’Histoire, Andor l’intègre frontalement dans son récit. Ce choix installe un ton brutal et politique, mais réduit forcément aussi la surprise et la magie. Deux lectures sont alors possibles : soit le mimétisme historique rend l’univers trop prévisible et terrestre, soit la série ose montrer la montée du fascisme à hauteur d’homme avec une profondeur inouïe.
Andor est une œuvre à part. Même si elle peut être clivante et laisser une impression de froideur ou de déjà-vu pour ceux qui cherchent un récit plus poétique voire mystérieux, c’est une série qui fait enfin grandir la saga car elle ne cherche pas à plaire aux fans mais à raconter quelque chose de vrai. C’est sans doute ce qui la rend si précieuse. Une vraie œuvre de science-fiction engagée, désenchantée, actuelle et pertinente.