Le sous-titre de la pièce de Tony Kushner dont est adaptée la série est le suivant "Angels in America: A gay fantasia on national themes" (1991). De ce titre nous pouvons tirer trois axes de lecture de l'oeuvre de Kushner (littéraire comme télévisuelle). En effet trois idées sont présentes sur le même plan: L’homosexualité, la politique et le délire . Ils ont la même valeur et la même puissance dans l'oeuvre. L'homosexualité est un nouveau facteur de division dans les Etats-Unis de Reagan ou gay est synonyme de SIDA dans l'esprit des conservateurs puritains. Toutefois, l'intégration de l'homosexuel en société n'est pas le moteur de l'intrigue.
Le SIDA dont est atteint Prior est la métaphore d'un pays, d'un monde malade, rongé par une gangrène qui revêt diverses formes comme la corruption politique, le trou de la couche d'Ozone, la mendicité etc. Le réalisme scientifique côtoie le calcul politique, mais dans un monde qui semble irrémédiablement engagé sur la pente du déclin. Cette rationalisation de la vie ne rejoint-elle pas un idéalisme abstrait et faussement rassurant ? En effet qui vit le monde, qui "est" au monde (pour reprendre l'idée d'un philosophe dont le nom commence par H et rime avec hamburger mais aussi la théorie d'un des personnage de la série, Belize) ? Est-ce le richissime avocat atteint du SIDA accro à l'AZT ou le gay lambda qui pourrit dans son appartement de Brooklyn ? L'accro au valium n'est-elle pas plus proche des réalités de ce monde que l'aveuglé mormon républicain ?
Bref, vous l'aurez compris avec l'homosexualité comme fil conducteur cette série soulève d'autres questions de société qui témoignent d'une période trouble des Etats-Unis à l'approche du Millénaire.
Remarques plus formelles sur l'oeuvre:
Le casting est l'un des grands atouts de cette série et lui confère une grande visibilité. Avec Meryl Streep (première raison pour laquelle j'ai voulu me lancer dans cette mini-série), Tony Kushner retrouve l'une de ses comédiennes vedettes, ayant fait appel à cette dernière lorsqu'il monta sur les planches la pièce de Brecht Mère courage et ses enfants.
C'est une adaptation très fidèle de la pièce de Kushner, que j'ai lu, notamment dans le jeu des acteurs qui endossent plusieurs rôles: il faut laisser la machine théâtrale visible.
De manière assez troublante, le fantastique et le comique s'associent à une réalité grave et un dramatique qui va de soi, ce qui paradoxalement nous rappelle qu'il s'agit d'une oeuvre de fiction mais aussi de faits quotidiens, que l'on rencontre à la sortie d'un métro, dans les journaux télévisés etc.
Ce décalage permet l'explosion d'une esthétique qui se définit par un épanchement du rêve dans la réalité, une normalisation de la folie et une aliénation de la norme.
Une fantaisie, UNE VÉRITABLE CLAQUE !