C'est en revoyant Bob Odenkirk dans l'excellentissime "Fargo" que je me suis dit qu'après tout je me risquerais bien à visionner "Better Call Saul", le spin-off improbable de "Breaking bad". J'avais confiance en cet acteur mais moins en l'idée de réchauffer une série que j'avais adorée. Et bien, je suis très content de l'aventure car Better Call Saul est une réussite qui n'a pas à rougir de ses efforts.
Cette série nous fait bien retrouver Saul, l'avocat marron et un poil véreux de BB, mais c'est un Saul pas encore arrivé à sa maturité que l'on retrouve. On est en fait en présence de Jimmy McGill (le vrai nom de Saul), cet avocat encore vert et encore honnête qui essaie de se faire un nom, avant donc qu'il ne soit devenu le requin que l'on adore. Et là où d'autres se seraient glorieusement planté en tentant d'humaniser le lascar, Vince Gilligan et sa bande y arrive magnifiquement : Jimmy est un personnage attachant, complexe, plus grand que nature et Odenkirk l'habite de tout son talent considérable. Saul attendra, car Jimmy dépasse nos espérances.
Chaque épisode commence par un flash-back d'une dizaine de minutes avant que l'histoire reprenne. Jimmy est muni d'un diplôme de droit par correspondance, il est confronté à son grand frère, une pointure dans le métier. Une partie du scénario tournera autour de la relation entre ses deux frères. La personnalité de Jimmy est extraordinaire, éclatée qu'elle est entre son appât du gain, sa hargne de réussir, ses complexes vis-à-vis de son aîné, et une gentillesse naturelle qui l'encombre plus qu'elle ne lui sert. Odenkirk est tout simplement brillant. Et cette genèse de Saul est tout sauf ennuyeuse (bon, il y a des moments creux..) La série ne se refuse pas de jouer la carte "Breaking Bad" et ma foi, cela fait plaisir de revoir des têtes connues, surtout celle de Jonathan Banks qui trouve là l'occasion de travailler son personnage.
Sur le fond des choses, et à l'instar de BB, "Better call Saul" explore ces zones grises que les criminels en cols blanc exploitent pour commettre une félonie sans en éprouver pour autant la sensation de briser les règles. On retrouve chez eux et chez Saul cette construction compliquée de la fausse bonne conscience, qui a peu a peu corrompu un Walter White. Saul lui-même est un homme tiraillé entre son désir d'intégrité et cette autre nature que les autres voient en lui. Sa façon de tirer la conclusion de tous ses dilemmes, de trancher le noeud gordien qui lie son enthousiasme de jeune avocat et la frustration qui s'accumule, est savoureuse...
Une série plus profonde qu'il n'y parait, une construction minutieuse autour d'un personnage central plus complexe qu'on ne le pensait, une photographie et un ton très proches des beaux jours de BB, que demande le peuple ? Chaudement recommandé, guys et guysettes !