Big Love
6.8
Big Love

Série HBO (2006)

La polygamie. Au début je me suis demandé si le concept n’allait pas me rebuter un peu. On a tous en tête l’image des polygames de ces communautés aux Etats-Unis, vivant comme au siècle dernier, dont les femmes ont 5 gosses avant d’avoir 20 ans… Cependant, la série nous propose ici l’histoire d’une famille polygame moderne, vivant dans banlieue de Sandy (Utah), dans trois maisons voisines. Après visionnage on réalise qu’il s’agit davantage d’une série sur la famille qu’autre chose, sans faire réellement l'apologie ou la critique de la polygamie.

Il y a donc Bill Henrickson, un entrepreneur propriétaire de magasins, assez arrogant dans son genre, de plus en plus arriviste et opportuniste à mesure que passent les épisodes. Il a été éjecté de sa communauté mormone à l’âge de 14 ans. Il épouse d’abord Barbara (une mormone classique), puis Nicki, venue de la communauté, et enfin Margene, une jeune fille de 18 ans, même pas mormone mais très mignonne.

Ce qui est assez curieux, c’est que je n’ai presque aucune sympathie pour Bill. Il se croit le pacha, veut contrôler toutes les situations et c’est agaçant. On aimerait bien qu’il laisse à ses charmantes femmes un peu d’air. Ce sont donc logiquement elles qui m’ont gardée fidèle à la série. Elles ont des caractères très différents et souvent opposés, mais arrivent à faire fonctionner ce mariage tant bien que mal par amour pour Bill.

Barbara est celle pour qui ce mariage est le plus difficile. Très croyante, elle supporte mal d’avoir été mise à l’écart de l’Eglise et de sa famille, cependant elle est très attachée au Principe et à ses « sœurs-épouses ». Elle va toujours être en quête de spiritualité, d’un havre religieux où elle trouvera la paix.

Nicki a été élevée selon « le Principe », elle n’a donc aucun problème avec le partage, du moins au début. Toujours autoritaire, ni chaleureuse ni délicate, elle cherche à avoir le pouvoir dans cette famille, challengeant l’autorité de Barbara. Elle est paradoxalement la plus marrante, son absence totale de tact lui fait sortir des pics assez jouissives et parfois d’une grande cruauté. Elle est assez manipulatrice, avec une tendance à monter les deux autres l’une contre l’autre en changeant de discours comme ça l’arrange. Elle est également toujours attachée à sa communauté, et à son père, Roman Grant, qui en est le prophète autoproclamé. La communauté est d’ailleurs un élément clé des intrigues de la série, offrant une immersion effrayante et des personnages secondaires géniaux. J’aime beaucoup Nicki, elle et Margene sont celles qui vont le plus évoluer au cours de la série. Elle va peu à peu essayer de se détacher de l’influence de son éducation, même si elle conserve quelques horribles traits de caractères. Sa cruauté est vraiment frappante et plusieurs fois je me suis demandé comment elle a fait pour ne pas être évincée de ce mariage.

Margene, ma préférée, est à peine sortie de l’adolescence et se cherche encore. En tant que nouvelle venue elle est un peu la boniche et aux ordres des deux autres, mais son personnage va grandir et se trouver une passion pour le business. Elle va également trouver la foi, et la famille qu’elle n’a pas eue dans son enfance. Elle est peut-être naïve mais elle est attendrissante et a un cœur gros comme ça. Je pense que Margene, bien que peu croyante à la base, est peut-être celle qui tient le plus à l’unité de cette famille. Elle ne remet que très peu en cause ses engagements bien que très jeune. Elle va néanmoins se rendre compte que quelque chose lui manque : l’expérience de la vie. Mariée très jeune et toujours dans la nécessité de cacher sa situation, elle ressent rapidement le besoin de se faire des amis « extérieurs ».

On a donc ces trois femmes dont les relations sont pour moi le cœur de cette série. Elles vont tour à tour mettre cette union en difficulté, grandes rivales mais au fond très proches, je trouve que les scénaristes ont bien réussi à faire ressortir le lien fraternel qui les unie coûte que coûte.

Un focus est également fait sur les enfants de Bill et Barb, assez grands pour remettre en question leur situation parentale. Que feriez-vous si vous aviez trois mamans?...

La série explore très bien la foi religieuse (d’ailleurs j’ai presque fait une overdose de « heavenly father », toute cette religion peut être pesante…), une foi envahissante qui dicte entièrement la conduite de Bill, du moins c’est ce qu’il affirme. Les appels de son père Céleste correspondent étrangement à des ambitions personnelles! Il entreprend des choses risquées en envisageant rarement les répercussions négatives. Il reproche tout le temps à ses femmes de les mettre en danger mais en réalité c’est lui qui leur rend la vie difficile! D’ailleurs son machisme latent et le rigorisme de son esprit ne font que m’exaspérer, c’est à se demander ce que ses femmes peuvent lui trouver!

Si durant les trois premières saisons les Henrickson travaillent à leur quête de bonheur éternel dans l’au-delà, les deux dernières seraient plutôt leur chute, comment ramener cette famille à son unité quand les problèmes s’accumulent et que chacun aspire à une autre vie. J’aurai quand même quelques remarques à faire sur le scénario, à savoir son caractère un peu répétitif. Au final, les engueulades s’enchaînent, surtout durant la saison 4, la moins bonne à mon avis.

Attention spoilers !

Dans la saison 4, Bill se lance dans la politique et veut devenir sénateur. Or, à ce moment là, l’Eglise Mormone, la maison du gouverneur et le procureur savent déjà qu’ils sont polygames, alors comment, bon Dieu, comment cette vérité n’a-t-elle pas éclatée pendant la campagne ???!!!

Fin spoilers

Au final, HBO a encore su nous livrer une série originale, servie par d’excellents acteurs et sur un sujet qu’on pensait difficilement acceptable. J’ai même cru à un moment que la polygamie ne me posait plus de problèmes, on finit par s'attacher aux personnages et après tout chacun fait ce qu'il veut... mais il a suffit qu’une quatrième épouse soit envisagée par la famille pour que je fasse la grimace…
Melly
7
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le 25 déc. 2012

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