BoJack Horseman
7.6
BoJack Horseman

Dessin animé (cartoons) Netflix (2014)

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Je m'étais juré de ne pas gâcher mes débuts sur Netflix en m'abandonnant aux affres du binge-watching, mais qu'importe : BoJack Horseman est sans doute l'oeuvre culturelle, tous supports confondus, qui m'aura le plus interloqué cette année. Et la série part pourtant de rien, malgré son univers anthropomorphique loufoque où règnent les règles les plus absurdes (souvent propices à quelques blagues bien senties), on se risque à la comparaison en permanence. Californication par-ci, Eastbound & Down par là, un peu d'Entourage pour le côté show-business, il en devient compliqué de ne pas s'adonner à des renvois permanents alors que le show lui-même met quelques épisodes avant de se trouver.


Malgré cela, l'ensemble fonctionne à merveille, sans doute grâce une deuxième partie de saison parfaitement huilée, mais aussi (surtout) grâce à un ton unique, casse-gueule mais réussi ; mélange improbable d'irrévérence, de loufoque, de politiquement incorrect, de cynisme et d'amertume. BoJack Horseman n'est pas une série humoristique, elle sait être drôle quand l'occasion se présente mais le coeur du propos est ailleurs, dans cette description d'une célébrité déchue, sournoise et égocentrique pour être exact. BoJack, le protagoniste, y est dépeint comme la parfaite antithèse du héros, Walter White chevalin amené par la force de mauvais choix de vie et de sa lâcheté à être inscrit sur le rang des méchants. Ce qui aurait pu n'être qu'un anti-héros de plus prend pourtant une nouvelle dimension après quelques épisodes, le temps que les scénaristes dégagent les vannes labellisées Seth MacFarlane (même si je dois admettre avoir adoré le passage de Todd en prison), et transforment une série comique à éléments à dramatiques en véritable drame jonché de petites touches comiques revigorantes.


BoJack Horseman est une série sérieuse, on ne rigole pas à gorge déployée mais les blagues gagnent en subtilité et sont de mieux en mieux amenées à mesure que cette première saison s'engouffre dans un spleen redoutable. Le show a été renouvelé pour une deuxième saison, et c'est tant mieux, car je m'en serais voulu de laisser en plan cet univers doucement installé et ces personnages parfaitement campés (inutile d'insister sur l'excellence des interprétations, entre le casting principal judicieusement choisi et les multitudes de guests hallucinants), mais d'un autre côté, cette première saison s'achève sur une note si triste, si juste, que l'on aurait aimé y voir une forme de point d'orgue à cette courte mais passionnante épopée ; à défaut d'y voir une métaphore sur l'éphémère de la célébrité, on se consolera en se disant qu'après la dépression, la peur du rejet et de l'exclusion, la procrastination, les regrets et la solitude, les scénaristes trouveront bien d'autre grands maux de la société moderne à aborder pour leur prochaine fournée. Si d'aventure celle-ci était aussi réussie que ce duo d'épisodes finaux (je suis resté bouché bée 15 bonnes minutes devant l'halluciné avant-dernier épisode), je signerai personnellement pour 6 saisons et un film.


Addenda saison 2


Toujours cette même maîtrise des personnages et de l'écriture comique, malgré la surprise de la saison 1 amoindrie. Cependant, à note égale, et malgré ce qu'en penseront les gens, j'ai préféré cette saison à la première (ce n'est pas une sinécure quand on sait à quel point je l'ai appréciée) : un rythme plus solide, des personnages plus travaillés, et surtout une véritable intelligence d'écriture. Chaque épisode est construit autour d'un idée directrice différente, l'ensemble se rassemblant dans un trio superbe en fin de saison. On pourrait penser à raison à une repompe de la structure narrative de la première saison, mais ce n'est qu'au générique final que l'on se rend compte à quel point tout est bien placé : les références, les gags récurrents, l'évolution des personnages... Seul un show Netflix peut se permettre, en 20 minutes, d'aller titiller les grands tels que Breaking Bad ou The Wire comme cela, d'une part car les spectateurs sont assurés de pouvoir voir tous les épisodes à leur guise, et d'autre part car le visionnage 'bingé' induit une certaine linéarité, inhabituelle pour un sitcom, mais proprement indispensable ici.


Avec cette deuxième saison, Raphael Bob-Waksberg prouve qu'il a su créer une série pour adultes dans le sens le plus littéral du terme, puisque seul un adulte, du haut de son expérience toute relative de la vie, pourra s'émouvoir des expériences vécues, et éprouvera de l'empathie pour nos héros, qui ont cette fois-ci le bon goût d'être tous les quatre logés à la même enseigne : à travers BoJack, Todd, Diane et Carolyn, c'est tout un questionnement existentiel que nous proposent les scénaristes, lourd de sens et de familiarité pour quiconque approche ou profite de sa trentaine.


Inutile de revenir sur le casting, toujours impeccable, rejoint par de petits nouveaux tout aussi enthousiastes, notamment Lisa Kudrow et Ben Schwartz, et toujours cette affluence incroyables de guests et de cameos qui ne prennent toute leur saveur que dans le plaisir de la découverte. Du reste, on retrouve encore plus de gags visuels d'arrière-plan, marque de fabrique de la série, à créditer à Lisa Hanawalt, et qui m'a ici fait penser aux meilleurs moments de Keno Don Rosa, et on retrouve une telle variété de blagues qu'une vanne peut passer totalement inaperçue chez quelqu'un et faire mourir de rire un autre, en fonction des sensibilités bien sûr mais pas que (beaucoup de blagues dédiées aux femmes m'ont bien fait rigoler, sensation étrange quand aucun mec autour de soi n'a pigé).


Pour beaucoup, la fin de cette deuxième saison ne sera pas un aussi gros choc que la première, principalement parce qu'en lieu et place d'un clôture, on a droit à une amorce vers une troisième saison qui vraisemblablement bouclera la série. Pour ma part, après l'avoir laissée reposer un peu, et mise en parallèle avec mon état d'esprit actuel, elle ne pouvait pas toucher plus juste, ni au meilleur moment. C'est une saison menée par le complexe d'un créateur inquiet de ne pas proposer son meilleur travail au public, se remettant perpétuellement en cause, et au milieu de toute cette insécurité émergent une sincérité à toute épreuve, ainsi qu'une pertinence sans commune mesure sur le Monde qui nous entoure. Cette saison n'était pas parfaite, mais avec le recul je commence à me dire que ça fait partie du jeu, et malgré cela son impact sera très certainement plus subtil mais plus durable que celui de la saison 1. Une chose est certaine, d'ici l'année prochaine BoJack et ses amis vont me manquer. Ils me manquent déjà, pour tout dire.

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le 20 sept. 2014

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HarmonySly

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