Saison 1 :
On se souviendra peut-être que Barbet Schroeder avait réalisé dans les années 70 "Maîtresse*", film sulfureux sur les pratiques sado-masochistes ritualisées, qui voyait un jeune homme extérieur à ce monde (Depardieu) devenir l'assistant d'une "maîtresse" (Bulle Ogier) et entrer peu à peu dans son intimité. Schroeder avait inséré dans son film des images réalistes de pratiques extrêmes, qui avaient choqué à l'époque le public "non averti"... Il est amusant de constater combien "Bonding", la série US de Rightor Doyle part du même principe (l'initiation d'un jeune homme à un monde caché, à la fois attirant, effrayant et vaguement révoltant) et s'essaie à un parcours similaire, qui est de montrer que, derrière l'étrangeté, ce sont toujours les mêmes tares et les mêmes souffrances que l'on retrouve. Avec deux différences de taille, qui sont que le registre de la série est foncièrement comique, voire petit à petit celui de la rom com la plus convenue, et surtout que le sado masochisme est principalement réduit ici à des humiliations morales, voire même à des pantalonnades vaguement grotesques, et que la souffrance physique est largement évacuée, voire ignorée.
Alors oui, la première saison de "Bonding" est drôle, voire même réjouissante. Oui, elle va titiller les frontières de la (large) tolérance actuelle vis à vis de l'homosexualité masculine en particulier - qui reste légèrement caricaturale, mais est au moins décrite avec empathie, voire avec chaleur. Oui, elle pointe du doigt l'incompréhension dont sont encore victimes les adeptes du bondage / SM. Oui, elle assume une certaine déviance que nous avons probablement tous, plus ou moins cachée, en nous-mêmes. Et pour cela, elle est un spectacle très réjouissant, d'autant qu'elle est portée par d'excellents acteurs, qui dégagent vraiment quelque chose et qu'on se prend très vite à aimer : Zoe Levin est très jolie en clone de Winona Ryder, mais ce sont surtout tous les mâles du casting qui font le show, s'appuyant sur des personnages complexes et paradoxaux comme on les aime, avec un premier lieu le formidable Brendan Scannell, véritable révélation de la série.
Mais on ne peut par contre que déplorer que Doyle n'ait pas le courage d'aller se frotter plus franchement aux zones plus obscures de l'âme humaine, et passe finalement un peu à côté de son sujet.
[Critique écrite en 2021]
Saison 2 :
Changement assez net d'atmosphère, voire de direction pour la seconde saison de "Bonding" : moins drôle, même si Brendan Scannell continue à faire le job au-delà de nos espérances, la série adopte désormais une approche plus conventionnellement "psychologique", explorant un mal-être général certes bien senti, mais finalement peu original. Quelques éclairs anticonformistes, voire déjantés illuminent encore la série ça et là, mais on les compte finalement sur les doigts d'une seule main. De plus, le scénario contribue maladroitement à "désacraliser" le personnage de "maîtresse" de Tiff (qui retourne ici à "l'école"), ce qui n'aide pas à maintenir notre intérêt envers le versant sado-maso de l'histoire. Zoe Levin, privée de son aura, déçoit, et c'est encore une fois les personnages masculins qui sont en charge du trouble qui reste dans la série : l'hilarant hétéro Frank assumant à moitié son attirance pour l'homosexualité, le touchant personnage de l'esclave "allemand" Rolph, les deux "fiancés normaux" que sont Josh et Doug, et surtout, une fois encore le régulièrement bouleversant Pete / Carter, avec ses numéros de "stand up" écorchés nous aident à tenir le coup même quand le scénario patine un peu.
Il est quand même dommage d'avoir le sentiment qu'après un démarrage pétaradant, "Bonding" est peu à peu devenue une série à peu près normale, exploitant les ressorts usés de la romcom contemporaine.
[Critique écrite en 2021]