C. B. Strike
6.9
C. B. Strike

Série BBC One (2017)

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Ce n’est pas vraiment de notoriété commune en France, mais l’une des créations « Post-Harry Potter » de la célèbre – mais plus très populaire depuis plusieurs déclarations discutables – J.K. Rowling est une série de romans policiers tout-à-fait dans la ligne de l’œuvre d’Agatha Christie : J.K. aurait annoncé dix enquêtes de son détective Cormoran Strike – accompagné de sa partenaire Robin Ellacott -, et quatre ont déjà été publiées, sous le pseudonyme de Robert Galbraith. Et ce sont ces livres que "Strike", la série TV de la BBC ("C.B. Strike" pour les Français) adapte sous un format original car variable. En effet, il est difficile de parler ici de « saisons » comme nous y sommes tellement habitués, au point que la définition de saisons donne lieu à des interprétations très différentes selon que l’on se réfère à l’IMDb ou à des sites web nationaux. Disons que chaque livre est adapté en un film, réparti sur un certain nombre d’épisodes d’environ une heure, et que leur diffusion se fait plus ou moins au fur et à mesure de leur production. En 2017, on a ainsi pu voir "The Cuckoo’s Calling" ("l’Appel du Coucou") en 3 parties, et "The Silkworm" ("le Ver à Soie") en 2. En 2018, les deux parties de "Career of Evil" ("la Carrière du Mal"). En 2020, la BBC a diffusé "Lethal White" ("Blanc Mortel") sur 4 épisodes… Et on attend la suite, non sans impatience…


… car si cette série TV n’atteindra certainement pas les sommets de la réussite commerciale – pas ou très peu d’action, aucun suspense ou presque, simplement des enquêtes plus ou moins minutieuses, à la manière Hercule Poirot ou Mrs Marple -, elle s’est avérée, depuis son premier épisode, absolument enchanteresse. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce qu’elle est construite sur deux personnages forts, et leur relation subtile, toute en non-dit et en ambiguïté (bon, on peut évidemment penser à ce niveau-là à Holmes et Watson, c’est indiscutable !), et que – c’est le bonus de la série TV par rapport aux livres – ces personnages sont interprétés par un couple charismatique qui crève littéralement l’écran. Lui, le détective privé, c’est Cormoran Strike, fils de « people » (rock star, top model) qui a plongé dans une quasi-clochardisation suite au trauma de la guerre d’Afghanistan où il a perdu une jambe : pour l’incarner, le quasi-inconnu hors de Grande-Bretagne Tom Burke (vu cette année en Orson Welles dans "Mank", quand même !), qui s’impose en quelques scènes comme un nouvel archétype du « private eye » du roman noir. C’est bien simple, depuis l’apparition de Bogart en Sam Spade dans "le Faucon Maltais", on n’avait pas été confronté à une telle évidence. Elle, l’assistante intérimaire qui va tomber amoureuse folle de son job (et peut-être un peu de son boss), et qui va accéder peu à peu à un rôle de partenaire professionnelle, c’est Robin Ellacott, jeune femme « normale » qui va voir un univers d’aventure s’ouvrir devant elle et lui faire oublier un avenir tout tracé en cador des RH dans un grand groupe : Holliday Grainger ferait fondre n’importe qui, avec sa fraîcheur, ses mimiques, et la manière étonnante dont elle « attrape la lumière ». Une star est née !


Les adeptes des livres de Rowling auront renâclé, logiquement, sur les libertés que prennent les scénaristes de la série, et on peut de toute manière trouver étonnant que des romans similaires puissent engendrer des films variant autant en durée, entre 2 et 4 heures : il est évident que des personnages secondaires ont été parfois sacrifiés, et que des raccourcis auront été pris dans des enquêtes par trop filandreuses.


On peut par exemple grincer des dents sur la manière pour le moins abrupte dont se résout la première enquête ("l’Appel du Coucou") – il est difficile de comprendre comment Strike a pu identifier le coupable, qui nous semble apparaître un peu comme un cheveu sur la soupe ! -, mais il est impossible de ne pas avoir savouré les multiples rencontres qu’ont faites pour en arriver là Strike et Robin, aussi bien dans la très haute société anglaise, dans les milieux de la mode, que dans les quartiers les plus déshérités de Londres. On se souvient alors que Rowling a toujours eu un regard juste sur la question des rapports de classe dans son pays, et que cette « conscience sociale » peut nourrir plus facilement des polars contemporains que des histoires de sorciers « hors du temps ». Si "l’Appel du Coucou" est l’enquête la moins passionnante de la série, elle reste totalement addictive grâce à l’alchimie parfaite entre Burke et Grainger


Avec son histoire de jalousies et de haine dans le « petit milieu » des écrivains et des maisons d’édition, "le Ver à Soie" nous propose une sorte de méta-fiction très amusante, où l’on peut très bien imaginer J.K. Rowling réglant ses comptes avec certains de ses « collègues », tout en poussant presque jusqu’à l’absurde – ou en tout cas jusqu’à la violence la plus extrême – les conséquences d’un tel règlement de compte : très original, le sujet de cette deuxième enquête en fait tout le sel.


C’est avec le troisième volet, "la Carrière du Mal", que "CB Strike" capte totalement notre attention, et remporte enfin notre adhésion quasi-totale. D’abord, avouons-le sans fausse honte, parce qu’utiliser deux chansons du merveilleux Blue Öyster Cult ("Career of Evil", bien sûr, mais aussi "Mistress of the Salmon Salt"…) comme point de départ gagne forcément notre cœur. Ensuite, parce que le sujet – plus dur – de la violence domestique et de l’inceste ajoute un poids certain à une série que l’on peut parfois juger « trop légère ». Et enfin, parce que, en mettant pour la première fois en danger et Cormoran Strike, et la romance non-dite entre Robin et lui (comme dans une comédie romantique, Robin va devoir choisir entre ses deux hommes !), la série nous implique enfin vraiment émotionnellement.


Oui, répétons-le, on attend donc désormais avec impatience la diffusion du quatrième chapitre des enquêtes de Strike.


[Critique écrite en 2021]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2021/02/02/ocs-cb-strike-les-enquetes-impeccables-de-robin-et-cormoran/


"Lethal White", le quatrième volet des aventures de notre couple follement romantique Cormoran Strike et Robin Ellacott est sans aucun doute le plus ambitieux de tous, le plus complexe : il a d'ailleurs été développé sur quatre épisodes d'une heure, sans que pour autant on évite, surtout dans la dernière partie, que l'enquête est menée au pas de charge, et que les informations et explications nous sont dispensées à un tel rythme qu'on a quand même bien du mal à s'y retrouver. C'est là une limite indiscutable, et cela génère même une frustration qui nous gâchera un peu le plaisir des "retrouvailles".


Si le troisième volet, "Career of Evil" se fermait sur le mariage de Robin, avec cœur brisé de rigueur pour Cormoran, secrètement amoureux de sa belle collègue, et assumait pour la première fois clairement ses gènes de comédie romantique, "Lethal White" va mettre pleinement l'imbroglio sentimental au centre de l'intrigue : entre les difficultés rencontrées par Robin au sein de son couple, et l'impossibilité pour Strike de construire quelque relation que ce soit - sans même parler du retour maléfique de son ex-compagne toxique -, l'Amour (oui, avec majuscule) est bien au centre du jeu... Et déséquilibre un peu la série, parce que, admettons-le, notre petit cœur de midinette bat pour ce joli couple d'handicapés (lui, avec une jambe en moins, elle avec un trauma indélébile, qui prend ici de l'importance alors que son nouveau métier de détective pousse Robin dans des situations dangereuses) et se préoccupe un peu moins de la filandreuse enquête policière de circonstance.


Alors que l'épisode précédent se construisait autour de deux chansons du Blue Öyster Cult, "Lethal White" part de la magnifique et célèbre silhouette du "Cheval Blanc d'Uffington" (que nul fan de XTC n'ignore, puisqu'il illustrait la pochette de l'album "English Settlement"), transformé ici en lieu possible d'un crime ancien, plus ou moins déformé dans les souvenirs d'un enfant traumatisé devenu un adulte névrotique. Robin et Cormoran vont devoir, en remontant dans le temps, affronter l'impressionnante arrogance des politiciens d'aujourd'hui, mais aussi les conflits familiaux exacerbés par la cupidité : le tableau que peint J.K. Rowling de la upper class est particulièrement virulent, et on y retrouve cette problématique de classes sociales, tellement anglaise, et qui était déjà un grand sujet dans "Harry Potter". A partir de telles prémisses, il est donc un peu dommage que la partie purement policière de "Lethal White" se révèle aussi confuse, et, admettons-le, aussi peu intéressante.


Reste qu'on ne saurait déconseiller à quiconque de poursuivre la découverte de "C.B. Strike", puisque son moteur principal, cette fameuse alchimie entre ses deux acteurs, Holliday Grainger et Tom Burke, reste un puissant moteur de la fiction. Et le garant de notre plaisir.


[Critique écrite en 2021]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2021/02/23/ocs-cb-strike-blanc-mortel-la-comedie-romantique-ou-lenquete-policiere/

EricDebarnot
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le 2 févr. 2021

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Eric BBYoda

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