Châteauvallon
2.9
Châteauvallon

Série Antenne 2 (1985)

Gloire et misère du petit écran français

Parce que j'aime bien explorer les vieilles séries quand je tombe dessus, que je n'ai pas vu parce que j'étais trop jeune ou pas née, que c'est riche en enseignement sociologique et sur l'évolution de la télé, je me suis intéressée par curiosité, à une série qui avait fait un gros «buzz», mais à l'époque on disait plus poétiquement «faire couler beaucoup d'encre».ou «faire les choux gras de la presse à scandale», maintenant on fait plus court, «buzz» pour le bien ou le mal. Cette série a connu une gloire immédiate, et une fin brutale, dans le scandale, sa réalité sulfureuse a dépassé de beaucoup sa fiction.


Replaçons-nous dans le contexte: Milieu des années 80, la France découvre et se passionne pour les séries lessivières, Dallas, Dynasty, Santa Barbara, Côte Ouest, et des pires.
À cette époque, ce qui a bien changé, on regarde la télé en famille, devant le gigot du dimanche, c'est Dallas.


La famille de la ménagère après avoir rêvé aux stars hollywoodiennes inaccessibles et pleines de strass, s'extasient devant le destin chaotique des familles riches, et exotiques, vivant leurs splendeurs et misères par procuration. Il faut réagir, et récupérer l'attention du public, c'est une manne financière qui s'échappe. C'est alors que s'organise la riposte. Si on faisait un soap, avec les mêmes ingrédients, fric, fric, et fric, haine, trahison, frères ennemis, et refric. Si les Ricains savent le faire, on n'est pas plus cons qu'eux, hein?


Il y avait Dallas, ville du Texas, il y aura Chateauvallon. dans le beau Sud de la France, et tourné au chateau de Mauvières.
On reprend les mêmes ingrédients, argent, politique, familles rivales, mais on met une femme à la tête de l'empire, une femme forte et insoumise. Chantal Nobel a quand même beaucoup de classe, même avec les goûts vestimentaires des années 80, elle y réussi, et même avec le brushing mémère de Magguy (les brushings mémères étaient à la mode). On n'a pas de pétrole à Chateauvallon, alors ce sera un empire de presse. Un frère qui fait de la politique, et voilà tout ce qu'il faut d'ingrédients explosifs réunis: les rapports entre presse et pouvoir.


Sur cette trame, on a la bonne idée de faire appel à un écrivain prix Goncourt pour la trame du scénario des premiers épisodes, ce qui donne un début de trame très intéressante. Il se murmure même que les personnages et les situations ne sont pas si fortuits que ça, que ça rappelle un peu la lutte de la famille politicienne Baudis et de la Dépêche du Midi... Il paraît même que ça a faillit aller jusqu'au procès, et qu'on a fait rajouter la mention «Toutes ressemblances...».

On prend de superbes acteurs, Pierre Hatet, surtout connu pour le doublage, voie du Joker entre autres choses mémorables, Denis Savignat, Raymond Pellegrin, Jean Davy, de la Comédie Française s'il vous plaît, beaucoup de très beau monde, on est loin des stars sur le déclin, et des fonds de tiroir des séries comme Demain nous appartient. On ajoute un générique qui en jette au moins autant que celui de Dallas, avec une superbe musique signée Vladimir Cosma, la voie chaude d'Herbert Léonard, c'est une réussite, même si les paroles, à part «Monde ambitieux et mercenaire», inoubliable et juste, ne sont pas au niveau, sauf celui du kitsch. Peut-être plus de budget pour engager un poète.


Tout cela fait qu'on se bouscule devant le poste.

Le personnage de Chantal Nobel, qui est l'âme et le cerveau de la série, seul rôle vraiment important, est invité sur les plateaux de télévision. La série, innovante pour l'époque, est un franc succès, si bien qu'après l'émission de Drucker Champs Elysées, on doit signer pour la deuxième saison. Mais le destin, l'implacable destin. La Porsche de Chantal, conduite par son ami le joli cœur Sacha Distel, percute un arbre au milieu de la nuit. La belle est défigurée, restera 40 jours dans le coma, la vie suspendue à un mince fil, et restera lourdement handicapée au niveau des jambes.


Fini la gloire, fini le feuilleton; Bonjour la presse à scandale. Tout s'arrête net.

La série, la carrière, on est peu de choses.


C'est donc une série à la fin brutale, laissant tous en suspens, inabouti. Si les premiers épisodes étaient plutôt soignés, et supervisés par un écrivain, l'intrigue dégénère bien vite en partant dans tous les sens. Pour créer d'avantage de rebondissements et de cliffhanger scénaristique, les personnages se mettent à agir de façon illogique et imprévisible. La série avait un bel avenir du point de vue de l'audience, mais concernant la qualité, c'était plié.


Mais attention, comparée aux séries (surtout françaises) actuelles (surtout actuelles), cela reste une Rolls Royce. Même en s'embourbant et en devenant de moins en moins bonne au fil des épisodes, ouvrant de multiples portes, sans jamais les refermer, avec des intrigues tordues, même avec des acteurs, y compris les plus aguerris du casting, qui bafouillent par moment, montrant qu'on ne leur a pas laissé beaucoup de prises, pour aller vite vite vite, même avec ce jeu qui devient faux par moment, elle reste bien au-dessus de tout ce qui se fait en série française depuis plusieurs décennies.(Quelle est la dernière bonne série française? Je ne m'en souviens même plus). Elle aurait pu être bonne...


Le personnage principal, féminin, est attachant, contrairement aux héritières américaines aux dents de louves. Les dialogues, mêmes dans les situations scénaristiques improbables, restent soignés, bien écrits, l'humour ironique des personnages reste léger, la série ne passe pas son temps à donner des leçons, ou à essayer de tirer la larme. Au vu du générique, tout de même bien kitsch, je me serai attendue à bien bien pire. Dommage, qu'elle s'embourbe à ce point passés quelques épisodes. Il y avait de belles choses à faire, avec ce casting-là. Un gâchis, à tous les niveaux.

Perce-Neige
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le 14 oct. 2018

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