Côte Ouest
3.3
Côte Ouest

Série CBS (1979)

Californie, 1979. Quartier résidentiel du haut de la classe moyenne léchant l'océan. Quatre habitations dans un cul-de-sac, genre villas avec piscines. Il y a la maison de l'avocat, celle du producteur de musique et celle du concessionnaire de bagnoles. Enfin, à côté, arrive le petit nouveau avec sa femme. Il n'a pas de travail. Sa famille de nababs du Texas est pleine aux as. Sa mère et son frère cadet l'envoient ici refaire sa vie après avoir été longtemps persécuté par son frère aîné et son père.


La fille du garagiste (ép. 1) est une adolescente manipulatrice. Sa mère, qui n'est pas la femme du garagiste, s'habille comme une élégante Miss Marple (ép. 8). Elle n'arrive pas à récupérer son « ex », alors elle tente le voisin avocat. Celui-là est un pleutre. Il roule des mécaniques, il veut jouer le père de famille raisonnable en toute occasion, mais ce n'est qu'un narcissique cupide, de surcroît plutôt conservateur sur les questions de mœurs (ép. 3) - somme toute assez inoffensif.


D'ailleurs, quand sa femme se fait violer (ép. 4), il montre son vrai visage de vieux macho couard qui agite plus de vent qu'il n'en fait fructifier. Ce raté a au moins le mérite d'être drôle. Richard est le personnage de la série qui présente le plus de potentiel humoristique. Sauf quand c'est lui le dindon de la farce (ép. 11) ce qui lui vaut de quémander l'aumône auprès de ses voisins et de son beau-père qui ne savent rien faire d'autre que de prendre en pitié le pauvre homme.


La petite bande de voisins s'invite constamment les uns les autres. Viens manger une grillade, non, passe plutôt chez nous, on a fait un gros gâteau. On n'a jamais vu des voisins aussi sympas devenir des amis aussi proches à cette vitesse. La femme du producteur -par ailleurs complètement délaissée par son mari qui flirte avec la chanteuse qu'il doit commercialiser pour connaître le succès (ép. 12) - est harcelée par un collègue de l'école maternelle où elle travaille (ép. 9), mais en fait elle va comprendre que non grâce à la femme du garagiste qui l'aide à mener l'enquête.


Karen (la femme du garagiste), est la pièce maîtresse du voisinage. Elle est souriante, épanouie, passionnée de fleurs, écologiste et généreuse. Mère comblée d'humeur toujours égale quelques soient les circonstances. Elle vient à la rescousse de tout ce qui déconne dans le cul-de-sac : ses copines desperate housewifes, ses enfants au bord de la crise d'adolescence, son mari et tous les autres – elle a toujours une heure ou deux, ou une tasse de café à consacrer. Après, ça va quand même un chouia moins bien quand elle tombe accidentellement enceinte (ép. 10) et qu'elle demande à ses ouailles ce qu'elle doit faire – le destin décide pour eux, in fine.


C'est elle qui mène la fronde anti-blousons noirs (ép. 7). Des motards sèment la zone sur la plage et le sentiment d'insécurité progresse à Knots Landing (le nom du patelin en version originale). Heureusement qu'elle et son courageux mari trouvent les ressources pour se substituer aux forces régaliennes du maintien de l'ordre malgré le montant assez faramineux d’impôts dépensé chaque année pour assurer leur sécurité (c'est le revers de la gentrification). L'entraide et l'humanisme - valeurs qu'on attribue généralement à la classe ouvrière - se trouve ici nichés au cœur d'un de ces quartiers où coulent les dollars avec abondance.


En moult circonstances, la communauté de voisinage se serre les coudes – et c'est toute l'Amérique middle-class qui se tient par la main, et ce sont les années 80 qui se pointent couleur océan, lumière surexposée, contraste minimal, photographie géniale de diapositive délavée. Les voilà qui fabriquent des petites pancartes pur protester contre le projet de forage pétrolier sur la plage voisine (ép. 2). L'avocat tente de jouer double-jeu car il y a peut-être une part de business à prendre. Mais l'infâme promoteur -le célèbre J.R. Ewing- devra être contraint à la marche arrière après que son frère aura déterré un lièvre fumant – prenant ainsi une sacrée revanche sur son sombre passé.


Revenons à Karen : certes, elle raisonne de façon très moralisatrice - qu'il s'agisse de voyous ou de grossesse. Mais elle est une femme intègre, et pure, même quand le charmant et controversé prof de sa fille lui fait des avances (ép. 3). Elle ne peut se faire que des amis tant elle incarne la gentillesse, l'amitié, la droiture faite femme – elle est l'épouse, la mère, l'amie que chacun rêve d'avoir. Son mari est à l'avenant : il ne lui faut pas un épisode pour embaucher le nouveau voisin – c'est par là que toute l'action débute.


Mais lorsque le passé refait surface, les copains sont là. Les voisins écoutent, comprennent, ne jugent pas – ils sont géniaux ! Et au petit jeu du passé qu'on déterre, le couple Ewing décroche le pompon : la mère de Val débarque à l'improviste (ép. 5) et l'on apprend que cette vieille peau a toujours préféré jouer la carte de sa carrière (ratée) de chanteuse folk plutôt que son rôle de mère. Cela a valu à l'ingénue épouse Ewing -qui a vraiment l'air aussi idiote que naïve par moments- de perdre la garde de sa fille. Les Ewing ont en effet une fille, Lucy – un personnage important de la série voisine Dallas – et ils tentent même de la faire revenir au bercail (ép. 6). On comprend alors que le couple a eu la petite très jeune et qu'il s'est ensuite séparé avant de se remarier juste avant d'arriver en Californie, soit 17 ans plus tard (l'âge de Lucy).


Mais le pire est à venir pour le pauvre Gary. Le canard boiteux de la famille Ewing s'était réfugié dans l'alcool pour échapper à la violence des hommes de sa famille – il a perdu sa femme et sa fille dans l'affaire. Il ne s'agit donc pas seulement de recoller les morceaux lorsque le couple emménage le long du Pacifique : il est aussi question de rédemption, de lutte contre des démons intérieurs qu'il suffit de deux coupe de champagne (ép. 11) pour faire resurgir avec une force incommensurable.


Tandis que le pauvre homme fait la tournée des bars de la côte ouest au bord du delirium tremens, ses voisins organisent la traque (ép. 12) et finissent par le capturer -il n'y a pas d'autre mot- pour l'envoyer en cure de désintoxication. La saison s'achève sur une promesse : Gary se pointe -enfin !- à une réunion des Alcooliques Anonymes. Nous ne sommes qu'à un an de l'accession de Ronald Regan au pouvoir et des jeux olympiques de Moscou, et c'est toute l'Amérique qui pousse derrière lui : il faut du courage pour tourner le dos au cynisme et à la dérision.

klinsmark
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le 13 avr. 2017

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