Counterpart
7.1
Counterpart

Série Starz (2017)

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L'arrêt de Counterpart : meurtre en sous-sol contre la Kultur

L'une des règles essentielles pour réussir une série, c'est d'avoir une fin déjà prête avant de commencer à tourner le premier épisode. C'est ce qui donne la cohérence de la série, ce qui évite d'avoir des épisodes gratuits, souvent vaseux, qui ne contribuent pas au dénouement. Counterpart avait cette qualité essentielle d'avoir une cohérence totale - avec une explication historique qui ne vient pas avant l'épisode 6 de la deuxième saison. C'est ce qui participe à en faire une série majeure, et j'ose le dire, un chef d'œuvre. Avec bien d'autres qualités...


J'ai lu sur Sens Critique beaucoup de choses vraies à propos de cette série. En particulier l'analyse de Darrenkorb, notamment sur toute sa dimension philosophique et psychologique, avec ces questions récurrentes sur l'inné et l'acquis, le génétique et le culturel, le hasard et la nécessité voire, en poussant le bouchon, le rôle des inégalités d'Heisenberg dans l'existence du libre-arbitre, et donc la détermination inexorable de l'ordre ou du désordre du monde.


Dommage peut-être que la dimension politique, non négligeable, de cette réflexion (de la difficulté à s'entendre avec ses voisins que tout rapproche de nous) n'ait pas été assez pointée, alors que nous vivons dans un monde si divisé.


Pas la peine d'insister sur la qualité du jeu des acteurs principaux, ni sur l'esthétique très particulière qui est développée, monde technocratique un peu stalinien, superposé à de belles vues du Berlin d'aujourd'hui.


Non, inutile de répéter ce que plusieurs ont très bien dit, et ce qui me permet de développer quelques points particuliers.



  • Le thème de la série - deux mondes parallèles - est comparée à celui de Fringe avec lequel il y aurait quasi filiation. Je m'inscris en faux. Ce thème trouve sa source dans les travaux d'un physicien américain, Everett, qui, vers la fin des années 50, a émis l'hypothèse de la création permanente de mondes parallèles qui se dupliquent en permanence pour expliquer certaines particularités du fonctionnement de la matière au niveau quantique. Everett a été considéré comme un farfelu pendant des années, mais depuis une décade, de plus en plus d'arguments viennent soutenir son hypothèse, la théorie des mondes parallèles (dit "multivers") étant considérée comme probable aujourd'hui par 70% des physiciens. Et la découverte du passage est même expliquée, en deuxième saison, comme la création d'un trou noir, considéré dans la physique contemporaine comme une des possibilités de sortir de notre univers pour aller vers un autre. Bien entendu, tout cela est très arrangé, mais l'idée est là.


  • La lenteur et l'absence de rythme : là encore, je ne peux pas laisser dire cela. Oui, s'il s'agit de dire qu'on lit moins vite Flaubert que Maupassant, d'accord. Ce n'est pas la même épaisseur, ce n'est pas la même densité, ce n'est pas la même qualité ni la même richesse. La différence entre un génie et un auteur agréable. Tandis que ce dernier distrait, le premier entraîne dans une autre... dimension.



De plus, l'histoire racontée dans Counterpart est tellement finement articulée qu'elle nécessite qu'on prenne le temps de la digérer Personnellement, j'ai revu deux fois chaque saison, avec le plaisir, la seconde fois, de comprendre des détails qui m'avaient échappé et contribuaient à la solidité de la construction : le plaisir qu'on a à examiner l'organisation d'un mécanisme complexe méticuleusement réalisé.


Dans ces conditions, la faible audience de cette série n'est pas étonnante : cette série est exigeante. Elle ne peut pas faire le poids avec des séries qui sont d'accès plus aisé. Dommage, son abandon est un signe inquiétant de l'état de notre culture, où la facilité prime sur la qualité. Autrefois, on pouvait avoir les deux. Aujourd'hui, la structure économique du monde artistique nous condamne au moins riche.


PS : je vais peut-être surprendre, j'ai aussi trouvé dans cette série une forme de dérision, voire d'humour au second degré, dans la présentation caricaturale de ce monde d'espions et d'administrations centrales. Ne serait-ce que le doigt levé du traducteur quand le contre-espionnage rencontre par son intermédiaire et celui d'une machine lamentable le management... Ou encore les messages ridicules que s'échangent les agents dans les salles de communications. Sans oublier, tradition oblige, le méchant vicieux qui est affublé - forcément - d'un nom parfaitement français !


Enjoy !

neutrinou
10
Écrit par

Créée

le 18 févr. 2020

Critique lue 1.5K fois

3 j'aime

neutrinou

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