Démolir au grand jour les conformismes d’une époque aussi étriquée que les années 90, avec ses codes comportementaux, son jeunisme baveux et ses multiples corsets socio-culturels, ne va pas sans un certain courage. Ça a été sans doute un pari risqué, mais au final couronné de succès.
Avec beaucoup d’à-propos, Daria passe au vitriol les mœurs de son temps, et n’épargne rien ni personne : adolescents attardés, éducateurs engoncés dans leurs problèmes, psys amateurs, sans oublier le consumérisme effréné, la frivolité omniprésente, l’angélisme hypocrite ou les rivalités mesquines et récurrentes qui s’étendent jusqu’au noyau familial.
Le graphisme, quoique terne et minimaliste, accentue l’expressivité de cette série mature et désabusée laquelle fait un état peu flatteur de cette société de fin de siècle, ce Radeau de la Méduse sur lequel certains d’entre nous ont barboté.
Le trait est certes parfois forcé, avec un contraste criant entre la lycéenne à l’intellect hypertrophié et les balourds qui l’environnent, et les auteurs n’ont sans doute pas été sans une tentation de manichéisme.
Il faut noter toutefois qu’en nuançant son propos et en rendant son héroïne plus perméable aux autres, la série de MTV s’est peu à peu affadie et a perdu de sa verve, ce que j’ai regretté à l’époque. J’ai en fait surtout gardé en mémoire les épisodes des deux premières saisons, pour la plupart tranchants et caustiques.