Mode je raconte ma vie : il y a des moments où j'apprécie de replonger dans des périodes de ma vie par l'intermédiaire de ce qui m'a marqué. La musique, les films, les séries, les lieux ou même les livres. Cette fois, c'est Dawson qui fut la victime de cette manie. J'ai regardé l'ensemble de la série et dès les premières images, je suis retombé quasiment 20 ans en arrière. Sans parler de nostalgie (L'époque de la diffusion étant loin d'être bénie pour moi) parce qu'elle s'est vite estompée pour apprécier ce que j'avais devant les yeux.
Depuis le début de sa diffusion, j'ai entendu beaucoup de reproches sur le côté trop bavard de la série et que les ados ne parlent pas comme ça. Désolé d'en décevoir certains, mais j'étais comme ça à cet âge là. Je savais aligner quelques mots compliqués pour briller dans les soirées où je n'étais pas invité. Le but du créateur était, de mon point de vue, de verbaliser les sentiments des adolescents vivants dans une ville dont ils cherchent à s'extirper par tous les moyens.
Dans le cas de Dawson (le personnage), c'est par l'intermédiaire du cinéma. Joey, sa meilleure amie (amoureuse / âme sœur), voit dans sa réussite scolaire, le moyen de fuir sa vie. Pacey, le meilleur ami / ennemi, sait qu'il y finira même si la vie lui offrira l'opportunité de la fuir quelques fois. Jen arrive à Capeside pour tenter de se reconstruire après s'être brûlée les ailes dans la ville de N-Y. D'autres personnages feront leur apparition et prendront une place importante : Jack et Andie, ainsi qu'Audrey dans les deux dernières saisons.
A partir de ce postulat, la série est un teen drama comme il en existait peu à l'époque. Beverly Hills parlant surtout de gosses de riches, ayant des problèmes de riches, couchant les uns avec les autres. Là où Dawson prend le parti de parler de gens simples ayant des problèmes simples. Alors oui, ils utilisent des mots compliqués (et encore, je trouve cela très exagéré) et répète sans cesse que leur vie est compliquée. Pour bien comprendre, ils vivent dans une ville où il ne se passe rien, dans un cercle restreint puisque ne faisant pas partie des gens importants qui ont une vie sociale excitante. La sortie la plus dingue se résumant à aller au cinéma. Rien d'étonnant à ce que le moindre petit tracas prenne des proportions démesurées pour combler l'ennui qui s'empare des personnages gavés au cinéma d'antan. Et c'est bien connu, se poser des questions évite d'agir.
Le personnage principal cale sa vie sur le cinéma et Joey, ainsi que Pacey tentent de le ramener à la réalité sans grand succès. La série, ainsi que ses personnages vont évoluer, aborder des problématiques avec intelligence. Sans être exhaustif : l'adultère, le divorce, l'homosexualité, le suicide, l'avortement, l'alcoolisme, la dépression, l'euthanasie,...
Il est évident qu'aujourd'hui, cela peut prêter à sourire, mais à l'époque, voir un garçon ado avouer son homosexualité et encore plus embrasser un autre garçon était un grand tabou à la télévision américaine. Sans oublier que la série parle ouvertement de sexe et même si les personnages n'agissent pas beaucoup, le sujet n'est pas glissé sous le tapis avec des sous entendus. D'ailleurs, la série tourne autour de ce thème et du rapport que les personnages entretiennent avec la chose.
Pour répondre à la grande question : en revoyant la série dans son intégralité, il est assez évident que Dawson et Joey ne sont pas faits pour être ensemble. Leur relation ne peut pas se satisfaire d'elle-même. Elle est surtout un moyen d'avoir un point d'ancrage solide dans sa vie et je pense que Kevin Williamson (créateur de la série) l'a bien compris, en plus de l'expliciter dans le final. A chaque fois qu'il essaie de vivre une relation exclusive, elle se désagrège parce qu'elle est vouée à empêcher les personnages d'avancer. Leur relation est celle du meilleur ami qui sera toujours là pour vous soutenir dans les moments difficiles, celui ou celle qui acceptera ce que vous êtes, à vous permettre d'avancer tout en sachant que le sentiment amoureux n'entre pas en ligne de compte. A l'âge des personnages, la confusion semble assez logique et surtout chacun est attaché au passé qu'ils ont cherché à fuir dès le début de la série.
Je vais faire un rapide bilan de la série en trois parties + un mot sur l'épisode final :
Saisons 1 et 2: Kevin Williamson est aux commandes, c'est lui le créateur de la série et ça se sent.
Le personnage de Dawson est central, les références filmiques abondent et la musique omniprésente (Je crois que j'aime la soupe parce que j'ai aimé ce que j'ai écouté). La série n'hésite pas à mettre en perspective la vision fantasmée d'un cinéaste en herbe et la réalité qui vient contrecarrer les plans si bien huilés.
Beaucoup d'épisodes de qualité. L'apparition de Jack et Andie fait du bien à la série. Le quatuor élargit ses horizons et empêche la série de commencer à tourner en rond au bout de deux saisons.
C'est aussi les saisons les plus bavardes et pour moi, les plus intéressantes. Il y a de la fraîcheur et de l'innocence.
Saisons 3 et 4 : Le créateur s'en est allé, mais la série continue sur sa lancée. Le personnage de Dawson est mis en retrait pour permettre aux autres d'exister et c'est une très bonne idée. La série avance et fait évoluer ses personnages. En imposant une forme de mutisme à Dawson, elle se révèle moins cérébrale et plus ancrée dans le réel.
Pour ma part, je pense que la série aurait du s'arrêter à la fin de la saison 4 et ajouter l'épisode final pour conclure la série.
Les saisons 5 et 6 : Là, c'est le drame. La série a clairement perdu son mojo. A partir de l'instant où les personnages quittent Capeside, l'attrait de la série disparait. En effet, comment faire la difficile transition vers l'université et parler de l'après "j'ai enfin réussi à me barrer de mon trou".
Dans l'ensemble des deux saisons, il y a quelques épisodes à sauver (4 ou 5 pas plus) et le personnage d'Audrey (pas la partie, je suis trop déprimé) qui semble là pour apporter de la légèreté au show. Dommage que la légèreté se soit aussi transposé au scénario.
La série semble tourner à vide et n'a plus rien à raconter. Les personnages vivent leur vie chacun de leur côté, les interactions sont limitées au minimum pour faire avancer un semblant d'intrigue. Tout sonne faux et par moment, je me suis demandé si la série n'aurait pas du s'appeler Joey's Worthington pour les deux dernières saisons. La pire des deux étant clairement la saison 6 qui s'enfonce dans le néant du début jusqu'à pratiquement la fin.
L'épisode final : J'ai vu la version avec les scènes coupés pendant le revisionnage contrairement à l'époque de sa diffusion. Bien que je comprenne les coupes, j'ai apprécié de revoir Andie dans le final et quelques scènes qui ajoutent de la contenance à l'ensemble (Ok, c'est aussi un peu plus bavard avec).
J'ai bien senti que le créateur était revenu aux affaires pour conclure sa série avec un bond de cinq ans en avant. La mort d'un être cher est au centre de cet épisode et l'on retrouve ce côté que la série avait perdu : parler de ces évènements qui vous permettent d'avancer. Tout le casting est là ou presque. Audrey est à peine mentionnée.
J'ai trouvé la conclusion réussie et met un point final en reprenant ce qui faisait la force de la série : Capeside, les références au cinéma et des personnages avec du texte.
Si je devais conclure sur la série Dawson, je dirais que c'est la série qui m'a chamboulé à une époque difficile de ma vie. C'était mon rendez-vous du week-end pendant de nombreuses années. Malgré tout cela, c'est aussi une série de son époque ( Fin 90- début 2000) et aujourd'hui, elle peut paraitre totalement désuète, hors du temps. Difficile de concevoir un monde où les VHS existent encore, Internet ne s'est pas encore démocratisé, les téléphones portables très loin d'être accessibles au grand public et les réseaux sociaux inexistants.
Je pense qu'elle s'adresse aujourd'hui à ceux qui l'ont vu lors de sa diffusion ou peu de temps après. Personnellement, j'ai aimé replonger pendant 4 saisons dans cette époque et beaucoup moins dans les deux dernières. J'avais apprécié les quatre premières saisons étant plus jeune et beaucoup moins les deux dernières sauf le final que j'ai adoré. J'ai un peu le même avis maintenant. L'adulte que je suis a plutôt un regard bienveillant sur cette série sans être dupe. J'ai pris de l'âge, évolué et moi aussi, je suis sorti de mon trou. Si je la découvrais aujourd'hui, je n'aurais pas la même tendresse envers elle et je la qualifierais certainement de série surannée qui en dit trop plutôt que de passer à l'acte.
Elle m'a fait du bien à l'époque et rien que pour ça, je remercie Kevin Williamson (Aussi pour Scream, mais ceci est une autre histoire).
P.S. : Pour une fois que les acteurs ne sont pas des bellâtres et des bombasses sortis d'un magazine, ça mérite d'être souligné même en fin de critique.