Quand on évoque les grandes séries de « l’âge d’or » du genre, au tournant entre le XXème et le XXème siècle, et dans les années 2000, on parle bien entendu des Sopranos, de The Wire, souvent de Six Feet Under, Lost, ou dans le domaine des plaisirs plus coupables, de Desperate Housewives ou The Shield, par exemple. Mais on mentionne rarement Dexter, la série – pourtant extrêmement populaire – sur un serial killer travaillant pour la police, et « tuant des tueurs » afin de respecter le « code » que son père, flic lui aussi, lui a inculqué, comme un pis aller l’autorisant à se laisser aller à ses penchants coupables. Dexter fut un succès grâce à un dosage bien pensé entre thriller, comédie et… gore. Mieux encore, Dexter fut l’une des rares séries dont l'intérêt ne fléchit pas au fil des saisons, jusqu’à un final malgré tout décevant. Une tentative de relance avec Dexter – New Blood n’émut pas grand monde, jusqu’à ce tout nouveau Dexter – Original Sin (Dexter : les origines en VF) qui vient d’être mis en ligne en France, et qui a tout de la (bonne, voire délicieuse) madeleine de Proust.

On s’explique : le point de départ est notre bon vieux Dexter Morgan (Michael C. Hall, un peu vieux désormais pour le rôle principal) qui voit toute sa vie défiler devant ses yeux alors qu’il va (peut-être) mourir. Ce qui donne aux scénaristes une justification – un peu bidon – pour un « prequel » racontant les premiers crimes de Dexter, alors qu’il est encore presque un adolescent, sous la « supervision » de son père, et son intégration dans le service médico-légal de la police de Miami… Bref, comment Dexter est devenu Dexter, mais – et là, l’idée fonctionne superbement bien – avec la voix off de Michael C. Hall comme narrateur.

Car la difficulté de ce « prequel », que Clyde Phillips transforme en une force de manière inattendue, c’est que presque tout ce qu’on voit ici, on le connaît : ça nous a été déjà raconté petit à petit, au fil des saisons de la série originale. Le culot du showrunner et de ses scénaristes est de nous faire « voir » des choses, des situations, dont nous avons déjà entendu parler, et de compenser l’absence quasi totale de surprises, qui sont normalement le carburant du thriller, par un insidieux, et très réel PLAISIR de se retrouver en terrain connu, mais juste un peu différent. Le plus étonnant est bien que ça fonctionne, en combinant intelligemment la nostalgie (oui, reconnaissons enfin qu’on adorait Dexter et tous ses personnages, et qu’on est ravi de les retrouver) et le décalage troublant induit par le rajeunissement général.

Pour que tout ça marche, il fallait deux choses : d’abord des acteurs crédibles dans les versions jeunes des personnages connus, et ensuite une reprise de la totalité des codes de la série originale (mise en scène, narration, dialogues, idiosyncrasie de personnages, etc.). Avouons-le, c’est une réussite ! Patrick Gibson fait un formidable Dexter jeune, copiant parfaitement la gestuelle, les expressions, le phrasé de Michael C. Hall, et même si le mimétisme peut être parfois moins parfait avec les autres acteurs / personnages, ce qu’il fait durant les 10 épisodes emporte totalement le morceau.

On savourera ainsi cette nouvelle série sans aucune honte, se réjouissant d’y retrouver tout ce qu’on aimait à l’époque, tant du point de vue dramatique (on a exagéré plus haut, il y a deux ou trois intrigues policières très bien ficelées dans Dexter – les origines) que comique (quel plaisir de retrouver la maladresse de Dexter, la grossièreté permanente de sa sœur Debra, les comportements répugnants de Masuka, etc. !). Et puis, en dépit de la « légèreté » plaisante de la série, il reste en filigrane suffisamment de « drame » dans le flashback (au sein du « prequel » – vous suivez ?) sur l’enfance de Dexter pour épaissir la sauce. Et finalement, ça fait plaisir de retrouver un Christian Slater qu’on voit trop peu désormais sur grand écran, et même une Sarah Michelle Gellar toujours pimpante, même si elle fait plutôt ici de la simple figuration.

Indiscutable réussite, Dexter – les origines est la garantie d’un bon moment pour tous ceux et celles qui connaissent l’original… mais laissera sans doute de marbre les autres, ce qui est évidemment la limite de l’exercice !

[Critique écrite en 2025]


https://www.benzinemag.net/2025/03/11/canal-dexter-les-origines-delicieuse-madeleine-proustienne/

Eric-BBYoda
7
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le 12 mars 2025

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Eric BBYoda

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