🔴Pour le lecteur pressé, en moins de 3 minutes : https://youtu.be/7OzHvuem4CY
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Un homme coupe une branche. Une femme regarde une fenêtre fermée. La pluie ne tombe pas, mais on l’entend. El Jardinero, ce n’est pas une série sur un jardinier. C’est une tragédie élégamment contenue, noyée dans le vert des Galices, où chaque geste est un présage et chaque fleur une énigme. La beauté y pousse de travers.
Elmer, homme de l’ombre au métier innommé, vit dans le contrôle absolu. Son quotidien est plus taillé qu’un bonsaï de compétition. Mais lorsque sa nouvelle cible, la troublante “China” Jurado, entre dans son univers, quelque chose déraille. Non pas violemment. Lentement. Comme une moisissure qui s’infiltre dans les jointures d’un mur trop lisse. Le récit prend le temps — parfois trop — de poser ses pièges. On y marche à reculons, comme dans un rêve où l’on n’est jamais sûr de qui suit qui.
Álvaro Rico (Elmer) ne joue pas, il respire à peine. Son regard est un soupir d’hiver. Rarement un tueur à gages n’a semblé aussi préoccupé par la bonne pousse de ses pivoines. Face à lui, Cecilia Suárez n’a pas besoin de parler : elle observe, elle attend. Elle est là comme une idée fixe que le scénario caresse sans jamais serrer. Il y a entre eux une tension qui ne dit pas son nom — ni sexe, ni violence, mais autre chose. Une lenteur troublante. Un besoin de s’abîmer l’un dans l’autre sans tomber.
Carral, le créateur, semble vouloir faire du polar un poème. Il y a du Bergman sous anxiolytique, du Tarkovski sous cloche. Les silences sont plus longs que les dialogues. Les dialogues plus absents que les gestes. Est-ce une force ? Peut-être. Ou un caprice de mise en scène ? À chacun d’en décider. Moi, j’ai pensé à une fugue de Bach jouée sur un accordéon désaccordé. Curieux. Hypnotique. Un peu vain aussi.
Le danger ici ne crie pas. Il pousse. Comme les racines d’un figuier dans le béton. Lents, obstinés, invisibles — jusqu’à ce que le sol craque.