Fargo
8.2
Fargo

Série FX (2014)

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Saison 1 (9/10) :


Drôle de projet, au départ : adapter le classique des frères Coen pour la télévision, difficile de réellement comprendre l'intérêt. Et pourtant... Jamais je n'imaginais un seul instant prendre une telle claque. Première surprise de taille : Noah Hawley s'est contenté de garder le cadre et l'ambiance du « Fargo » originel pour nous offrir une enquête totalement nouvelle, n'évoquant le film qu'à travers certains éléments de l'enquête et autres clins d'œil bien sentis. Le reste est un régal de réalisation, véritable modèle pour les yeux et les oreilles traversé par de nombreux moments cultes, parfois d'une audace inouïe


(le massacre intégralement suggéré, l'apparition de centaines de poissons au beau milieu de la neige),


faisant la part belle à l'imprévisibilité et aux dialogues insensés, parfois proches du Quentin Tarantino de « Pulp Fiction »


(John Travolta et Samuel L. Jackson sont rarement loin concernant l'improbable duo du FBI).


Plus j'avançais, et plus mon envie de connaître le dénouement devenait dévorante, inarrêtable, chaque épisode proposant au moins un élément nouveau et terriblement excitant, révélant quelque chose d'essentiel à l'intrigue et aux personnages, le tout avec un sens de l'ironie et de l'humour (très) noir constamment jubilatoire, porté par des personnages tous exceptionnels, interprétés par des acteurs l'étant tout autant. Franchement, que ce soit Martin Freeman, Allison Tolman ou les différents seconds rôles, les voir évoluer au milieu de cette enquête hypnotique et passionnante est un bonheur de tous les instants, mais surtout, surtout, que dire de Billy Bob Thornton.


C'est simple : je me demande s'il ne s'agit pas du plus grand méchant de l'Histoire de la télévision, un (anti)héros comme on en voit jamais, un assassin manipulateur de génie, dont quasiment chaque réplique est l'occasion de se réjouir intensément. Thornton et Malvo ne font qu'un, et c'est extraordinaire. Après, on pourra toujours déceler une poignée d'incohérences, un dénouement (très) légèrement décevant, mais qu'importe : moi qui étais un peu déçu des séries découvertes récemment, me voilà totalement récompensé avec cette œuvre géniale, enivrante et inoubliable : il va être difficile de patienter jusqu'à la deuxième saison, mais réjouissons-nous déjà qu'elle existe... Indispensable.


Saison 2 (7/10) :


J'avais adoré la première saison, l'un de mes plus grands coups de cœur de ces dernières années. J'avoue que celle-ci m'a laissé un peu plus dubitatif, tout en restant à un niveau plus qu'acceptable. Peut-être l'effet de surprise, mais surtout l'absence d'un personnage aussi monstrueux et mythique que Lorne Malvo, interprété par l'immense Billy Bob Thornton. Peut-être aussi cette guerre des gangs m'ayant paru d'un intérêt moyen (du moins au début), ou encore que des épisodes ne fassent pas énormément progresser l'intrigue. N'empêche, Noah Hawley garde un sacré talent pour offrir un moment télévisuel vraiment pas comme les autres. Il faut dire que déjà visuellement, ça a quand même une sacrée gueule. Plans hyper-précis, montage savant, photographie splendide... Du grand art, surtout que les différents protagonistes gardent jusqu'au bout un réel intérêt. Que ce soit l'attachant couple formé par Patrick Wilson et Cristin Milioti, celui beaucoup plus imprévisible qu'est Kirsten Dunst et Jesse Plemons ou encore cette figure de tueurs à gages bavard et intello joué avec délectation par Bokeem Woodbine, il y a de quoi faire.


Surtout, « Fargo » n'a toujours pas son pareil pour dénicher des idées complètement dingues, que ce soit


l'apparition de Ronald Reagan dans le cadre de la campagne présidentielle


ou carrément cette soucoupe volante dès les toutes premières minutes : il fallait quand même oser. Malheureusement, après une deuxième partie de saison montant clairement en puissance et une violence assez inouïe (brillamment chorégraphiée), voilà que le dénouement, bien qu'assez cohérent et offrant une « vraie » fin à tout le monde, laisse un étrange goût d'inachevé, comme si après autant de fureur, voire l'histoire se terminer de façon presque posée, banale (enfin, toute relative!), du moins pas forcément dans la logique « destructrice » que l'on aurait pu attendre avait quelque chose de frustrant. Une légère déception, donc. Reste que si je pouvais mettre sept étoiles à toutes les déceptions que je voie, je signerais tout de suite : autant dire que cet acte II (presque) totalement indépendant du premier vaut donc largement le détour.


Saison 3 (8/10) :


La première saison était un chef-d'œuvre, la seconde correcte mais fort décevante, pourtant je croyais dur comme fer à ce « numéro trois » de « Fargo », notamment par la force de son sujet, laissant espérer un renouvellement presque total. Au final, j'avoue y avoir trouvé mon compte. Plusieurs raisons à cela : d'abord, on y ressent constamment l'ADN de l'histoire originelle : un plan médiocre qui aurait dû s'arrêter dès son exécution se transforme en véritable massacre à force de hasard, malchance et malveillance, emportant avec lui nombre de protagonistes, dont certains à la base très éloignés de ce point de départ.


Ce qui est drôle, c'est que cela pourrait presque se terminer dès la fin du premier épisode, une fois le


« coupable » tué (et de quelle manière!).


Il y a même un réel plaisir à voir comment cette intrigue relativement imprévisible va évoluer, parfois légèrement confuse mais parvenant presque toujours à se renouveler, si ce n'est une fin de saison un tout petit peu laborieuse (conclusion exceptée). Il y a toujours ces audaces, à l'image de la


mort du « co-héros » dès le milieu de saison,


ces apartés presque


« science-fictionnels »,


tel ce « hors-série » et très chouette épisode trois, cette idée de jumeaux tous deux interprétés par Ewan McGregor amenant une vraie part de nouveauté dans l'univers.


Le principal plaisir vient toutefois sans doute des personnages et ses interprètes : Carrie Coon est épatante en flic aussi posée que perspicace, Mary Elizabeth Winstead en « femme fatale moderne » irrésistible, sans oublier quelques seconds rôles : Olivia Sandoval, aussi bavarde qu'attachante, ou Ray Wise, dans un curieux rôle de « destin » beaucoup moins anecdotique qu'au premier abord. Mais celui qui marque totalement les esprits au point de devenir l'incarnation totale de cette saison, c'est David Thewlis. Non seulement ce méchant entre directement au Panthéon des plus mémorables salauds de l'Histoire de la télé (sans doute pas au niveau de Billy Bob Thornton et son Lorne Malvo, mais pas si loin!), mais est véritablement l'âme de cette nouvelle anthologie, lui apportant une folie, une étrangeté nous venant régulièrement à nous demander si tout ceci


ne se passe pas dans la tête


de ce « cher » Emmit Stussy et son fidèle Sy...


Quoiqu'il en soit, un modèle du genre, interprété donc par un Thewlis exceptionnel, où chaque geste, intonation semble avoir été savamment réfléchi. Et donc cette grande satisfaction de terminer sur un ultime épisode à la hauteur,


sanglant mais pas trop (bien que très meurtrier!), cette fin ouverte


étant probablement la meilleure des conclusions... Bref, si j'avais été (légèrement) refroidi par le volet précédent, me voilà redevenu totalement fan de « Fargo » qui, sans atteindre le génie de ces incroyables débuts, conserve son statut d'incontournable de la décennie 2010... et d'incontournable tout court.

Créée

le 9 juin 2020

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4 j'aime

Caine78

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