Freaks and Geeks
7.8
Freaks and Geeks

Série NBC (1999)

Je ne sais plus exactement comment j'ai connu Freaks and geeks, mais il n'y a pas à douter que ça a à voir avec son producteur executif, Judd Apatow. D'ailleurs, même si Paul Feig est le créateur, aujourd'hui cette série est désignée comme étant "la série de Judd Apatow".
Je ne suis pas fan du monsieur, d'ailleurs j'ai été déçu par la plupart qu'il a réalisés, même si dans ceux réalisés par sa clique il y en a que j'adore. Notamment "Superbad", dont Freaks and geeks semblait se rapprocher par son contexte et l'âge des personnages.
Il y a ça qui faisait que ça m'intéressait, mais aussi tous les avis très positifs sur cette série.


Sachant qu'Apatow est lié à la série, je savais aussi qu'au casting figuraient beaucoup de ses acteurs récurrents, la plupart des célébrités maintenant, qui n'en étaient qu'à leurs débuts avec Freaks and geeks. Mais je ne savais quand même pas qu’il y en avaient autant ! James Franco, Jason Segel, Seth Rogen, Martin Starr, Samm Levine. En guests ou en personnages secondaires, on a d’autres habitués d’Apatow ou de fictions comiques : Rashida Jones (The office), Jason Schwartzman, Tom Virtue (le père de La guerre des Stevens), Shia Labeouf tout jeune, Leslie Mann (Knocked up), David Koechner, David Krumholtz, et carrément Ben Stiller ! J’étais à chaque fois de plus en plus surpris.
Mais l’idée de génie, c’est d’avoir casté Thomas F. Wilson, aka Biff Tannen, en prof de sport autoritaire !
L’actrice principale, Linda Cardellini, qui joue Lindsay, n’est pas connue et c’est dommage. Il n’est pas connu non plus, mais l’interprète de Gordon, Jerry Messing, j’aimerais le voir plus souvent. L'acteur qui joue le père de Lindsay est énorme aussi. ("You know where he is now ? He's dead !")
Avant même de voir la série, j’avais dans l’idée qu’elle était à petit budget (ce qui est confirmé par le fait que les décors des couloirs de l’école sont en fait toujours les mêmes, mais décorés différemment selon les séquences), sûrement à cause du fait qu’elle ait été annulée précocement, aussi une autre grande surprise pour moi a été le haut niveau de la sélection musicale pour la BO.
"Bad reputation" de Joan Jett sert de musique de générique, et dès le début des pilotes s’enchaînent des morceaux connus qui servent à caractériser chaque groupe de personnages ; par exemple, "Runnin’ with the devil" pour les freaks/zonards.
Il y a un épisode qui se déroule pendant une soirée, là il y a du Kiss, du Van Halen, c’est le bonheur. Il y a du Queen. Dans un autre épisode, on entend "Panama", réutilisée dans Superbad justement.
Et quelle joie ce fut pour moi de découvrir le conseiller d’orientation, cette sorte de hippie qui est par ailleurs un personnage super, chanter "I’m eighteen" d’Alice Cooper.
En fait je ne m’y connais pas trop en musique, mais il y avait pleins de groupes/de chansons que j’apprécie dans la BO, ainsi que d’autres géniaux que j’ai découvert.
La série m’a aussi fait apprécier "Come sail away" de Styx, assez bien utilisé.
Même le thème musical original de la série est super.


Dès le début de la série, dès le premier épisode, je dirais même en sa moitié, je savais que j’adorais cette série.
Je suis du genre à aimer les fictions traitant des problèmes adolescents, et j’ai aimé tous les thèmes qu’aborde Freaks and geeks.
Il est question d’acceptation dans une communauté qu’est le collège/le lycée, de friend zone, de tolérance, d’être choisi ou non en dernier quand on forme les équipes en cours de sport.
Il y avait, très tôt, des situations où je compatissais pour les personnages, je comprenais très bien ce qu’on cherchait à décrire même quand il était de situations délicates à rendre à l’écran. Quand Lindsay rejoint Daniel pour discuter avec lui, il lui propose de sortir sur le "smoking patio" avec lui ; elle accepte, mais avec un peu de réticence qu’elle essaye de dissimuler, on comprend qu’elle doit avoir un faible pour ce type, et que c’est pour cela qu’elle accepte de le suivre sur le territoire de sa bande, le patio, même si au départ elle ne souhaitait parler qu’avec lui ; détail qui a dû lui échapper. Elle se retrouve face à ses potes un peu beaufs, un peu lourds, et en plus de devoir affronter la façon dont Daniel va la percevoir, elle doit aussi s’exposer au regard et au jugement des autres. L’acceptation par le groupe est forcément plus difficile.
Rien de cela n’est dit ainsi, mais tout est là : ça se base sur des gestes, des regards, des expressions des acteurs, des pauses du montager, … et évidemment il y a besoin du vécu du spectateur pour que les pièces s’assemblent.
Ce que j’adore dans les films ou les séries, c’est l’étude des rapports entre les êtres. Et ça m’impressionne encore plus quand on traite de situations difficiles même à décrire par des mots, à expliquer. Et Freaks and geeks parvient à représenter à l’écran des situations de ce type, en se faisant comprendre.


Les freaks, et les geeks. Deux groupes opposés. Dans les sous-titres français, c’est traduit par "zonards" et "nases". En gros, les rebelles et les intellos, pour adopter le langage des cour de récré françaises.
La série démarre alors que l’héroïne, Lindsay, passe d’un groupe à un autre. On apprend qu’elle s’est remise en question après la mort de sa grand-mère : cette dernière a été gentille toute sa vie, et qu’est-ce qu’elle a obtenu ? Lindsay ne veut plus être la bonne élève qui traîne avec les "mathlètes", ceux qui participent à des compétitions mathématiques.
Elle cherche de la reconnaissance auprès des freaks, mais en faisant cela trahit ceux qui étaient les siens. Ce conflit personnel de la protagoniste est cristallisé dès l’épisode 3 où, en tant que freak, elle s’en prend par mégarde à son frère, le geek. Le simple incident sert à exprimer quelque chose de plus vaste.
En voulant paraître cool auprès de ses nouveaux acolytes, Lindsay met en péril son avenir, et fait des choses à contrecœur qui nuisent aux autres ou à elle.
Pendant plusieurs épisodes, j’ai cru que la série traitait simplement des problèmes adolescents, mais c’est là que Freaks and geeks est une série plus que géniale : je me suis rendu compte qu’il était aussi question des difficultés que connaissent les parents avec leurs enfants qui sont désormais des ados, et qui leur filent entre les doigts. La mère de Lindsay aimerait se sentir être une mère, comme elle le dit, en aidant sa fille, mais ce faisant elle obtient le rejet de celle-ci. On évoque aussi le problème du couple bloqué dans la routine.
Dans la plupart des teen movies, on n’adopte que le point de vue des ados, les parents ne sont là que pour réprimander ou faire preuve de compréhension, mais à aucun moment on ne passe de leur côté.
Le fait que Freaks and geeks soit une série était essentiel au final, avec la durée d’un film on n’aurait pu traiter d’autant de sujets, s’intéresser à autant de personnages différents, on n’aurait pas pu suivre l’évolution très intéressante des protagonistes.


"Freaks and geeks", mais pas seulement, donc. Tout comme la série fait preuve de compréhension aussi bien auprès des geeks que des freaks, les plaçant à un même niveau d’humanité au fur et à mesure qu’on apprend à les connaître, elle finit également par adopter le point de vue aussi bien du bully que du geek obèse critiqué pour son odeur corporelle, celui de la cheerleader ou du prof de gym. Tous humains, après tout. Tous ont leur problèmes, leurs préoccupations. Derrière les clichés et la façade d’un personnage, on découvre des êtres tous doués d’émotions une fois qu’ils ouvrent leur cœur.
Ces retournements de situation offrent un message de tolérance qui va au-delà du "faut pas se moquer des nerds", il y a aussi ces autres personnages que n’importe qui peut trop facilement réduire à une seule facette.
J’ai été surpris par exemple par l’intrigue avec le prof de gym qui sort avec la mère d’un des personnages ; je ne m’y attendais pas du tout, mais j’ai même compati pour lui. On partage sa douleur quand il essaye de se rapprocher du fils de sa compagne, mais n’arrive pas à l’atteindre.
C’était carrément touchant ensuite ! Et à la fin de cet épisode, il y a un moment émotionnel fort qui se base sur… une discussion autour de la série Dallas.
Incroyable. Mais la série est forte pour faire qu’un élément quelconque, voire ridicule, serve à des fins plus importantes. Dans l’épisode où Neal devient ventriloque, sa marionnette permet au personnage d’oser dire quelque chose qui amène à un climax, ce qui n’aurait pas pu arriver sans cet objet à la con.


A chaque épisode, il y a de nouvelles idées, de nouveaux évènements, qui permettent d’explorer davantage les personnages, de les confronter de façons différentes mais toujours intéressantes. Une fois, c’est une discussion entre une belle fille et un geek, réunis dans un placard lors d’une "make-out party".
La série touche au sujet carrément sensible à un moment, avec la copine de Ken. C’était dramatique, et finalement très touchant. A côté de ça, dans le même épisode, un personnage se croit subitement gay, et c’est l’épisode où j’étais carrément hilare, alors que jusque là je riais simplement, tout au plus.
"Freaks and geeks", c’est un peu comme Superbad, en moins vulgaire, et avec plus d’âme. Ce n’est pas de la pure comédie, l’intérêt réside surtout en l’attachement que l’on a pour les personnages, leurs histoires, leurs rapports, leurs inquiétudes, leurs sentiments.
… Même s’il y a effectivement des moments comiques excellents (les parents de Lindsay qui écoutent une chanson des Who, c’était énorme).


A chaque fin d’épisode, j’avais envie de m’exclamer "MAIS CETTE SERIE EST GENIALE". (je ne dirais pas que j’avais envie de le crier sur les toits, car je sais que ce serait vain)
J’ai juste été déçu par la fin, tout simplement parce que… ça ne ressemble pas à une fin. J’avais lu que les scénaristes, sachant que la série était annulée, avaient fait en sorte que le dernier épisode fonctionne comme une conclusion de saison et de série. Mais cet épisode 18 remet pleins de choses en jeu : les sentiments de Nick pour Lindsay, la position du couple Daniel/Kim, on a de nouveaux évènements comme Daniel qui rejoint les geeks car en jouant à D&D il trouve enfin un truc où il ne se sent pas être un incapable (thème qui aurait pu être développé dans une 2ème saison), et Lindsay qui part…
Je sens que prochainement, quand je repenserai au fait que cette série est putain de fabuleuse, mêlé à ce souvenir plaisant se mêlera cette même amertume que je ressens quand je repense aux films de la famille Addams : j’adore tellement que je voudrais voir la suite, mais je sais que désormais, c’est impossible. Les acteurs de Freaks and geeks sont adultes maintenant.
Monde cruel.


Meilleure série que j’ai vu depuis… pfou, je sais pas.
J’ai mis 10 direct, ce que je voulais faire depuis un moment, sans avoir fini la série, et je l’ai placée haut dans mon top 10.


PS : James Franco en punk dans un épisode. Référence à H2G2 dans le dernier épisode. Et on a un message sur la drogue qui, si on pense qu’après il y a eu des films comme Pineapple express, est assez ironique.
Faut regarder cette série, nom d’un chien des bois.

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le 4 déc. 2012

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Wykydtron IV

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