Sortie en France sous le titre « Generation War », cette série allemande a l'ambition de nous faire suivre 5 allemands de 1941 à 1945. Ces trois jeunes hommes et deux jeunes femmes vont donc traverser la guerre et nous permettre de suivre ce conflit du côté des vaincus. Enfin vaincus, non ; nous sommes du côté de la lie de l'humanité, de ces infectes nazis, de ces monstres inhumains … bref de ces sales boches tous justes bons à massacrer et détruire le genre humain.

Les œuvres partant du point de vue allemand sont rares ; le Stalingrad de Joseph Vilsmaier ou, plus ancien, le Das Boot de Petersen offraient par exemple déjà une fenêtre intéressante sur ces fameux monstres. Le format de cette série, 3 épisodes d'1h30, permet d'aller un peu plus loin et, encore mieux, de brosser une amorce d'évolution d'une société fascinée par le nazisme et basculant dans sa démence et son auto-destruction.

Je ne vais pas tourner autour du pot : Generation War est une très grande série au regard de la production moyenne. J'ai voulu garder mon top 10 intact pour éviter la surdose du genre guerrier mais cette œuvre aurait pu y figurer. Elle n'est pas exempte de reproche : un premier opus nettement moins réussi que les deux suivants, des facilités scénaristiques avec la belle histoire d'amour qui se suit en filigrane, toute droit sortie d'une belle mécanique destinée à accrocher les ménagères. Je ne parlerai pas des quelques maladresses techniques liées aux armes ou situations. Non, je laisse tout ceci de côté de côté. On s'en cogne totalement.

Basée sur des faits réels, l'histoire de ces 5 personnages nous plonge petit à petit vers le néant. Au cœur des ténèbres n'est pas si loin ; Kurtz est là, en filigrane. La force de cette série est non pas de nous montrer des monstres, mais des êtres humains. C'est dur à croire, à dire peut-être, mais les nazis c'était nous, c'était moi. Broyés par un système, voilà ces 5 jeunes pleins d'espoir à l'idée de gagner une guerre en quelques mois, de faire effondrer le système soviétique en quelques tours d'une promenade de campagne. A l'une l'espoir d'être une femme allemande modèle en tant qu'infirmière sur le front est. A l'autre la perspective de devenir la nouvelle Marlène Dietrich. A l'un l'espoir d'honorer les valeurs de sa famille, de son père, de sauver son jeune frère. A ce dernier le désespoir d'affronter la guerre, la mort, lui qui ne rêve que de poésie. Au dernier, enfin, la volonté, comme juif, de survivre comme Allemand dans une Allemagne que ne veut plus de lui ou de son père, héros de la première guerre ...

Je n'ai pas envie de gâcher le plaisir de la découverte avec des spoiles inutiles. Cette série est humaine ; n'attendez pas de happy end. Nous sommes dès le second épisode, embarqués vers un tragique inéluctable. L'URSS aspire l'Allemagne et dévore ses meilleurs hommes et femmes. Le nazisme se lance dans l'éradication des sous-hommes ; on se bat contre un ennemi terrible, contre le froid, contre la boue, contre le regard de ses compagnons, mais, surtout, contre soi. Faut-il donner cette juive ? Faut-il abattre cette jeune paysanne ? Faut-il obéir ?

De ces différents portraits que l'on suit de manière parallèle, se tissent des intrigues inégales. Le jeune Juif allemand, Viktor Goldstein, est au final le plus faible des destins mis en perspective et il est campé par un très bon acteur, Ludwig Trepte . Faible, mais déjà si bon ...

L'infirmière - Charlotte - est enfermée dans son amour impossible, fantasmé, tout en se battant contre sa volonté d'être une bonne allemande, c'est à dire une femme qui dénonce les juifs. Miriam Stein qui tient le rôle est douce, touchante sans avoir besoin d'en faire des tonnes.

Katharina Schüttler qui joue le rôle de la femme prête à tout pour arriver, figure classique au possible, campe une Greta Muller de plus en plus intéressante. Broyée par le système sa trajectoire est bien écrite et bien jouée, jusqu'au dénouement final.

Enfin viennent les deux frères Winter. L'ainé, Wilhem, joué par Volker Bruch, est un très beau personnage. Complexe, le plus guerrier m'a fortement fait pensé au "Vieux" de Das Boot, joué par l'immense Jürgen Prochnow. Un officier là pour le devoir, désabusé, détruit par ce qu'il doit faire, habité par la volonté de sauver ce qui peut l'être, c'est à dire ses hommes, son âme, les siens. Mais à mon sens le meilleur de tous, la grande surprise, c'est ce poète, le jeune Friedhelm. Tom Schilling est excellent et le personnage inonde la série de sa trajectoire météorique et tragique.

Stefan Kolditz, le réalisateur, n'a rien occulté. Les massacres de civils, de juifs allemands, les camps, les errements d'officier SS, la résistance de certains allemands, les crimes effroyables commis en URSS, la réponse tout aussi terrible des soviétiques, l'agonie de l'armée allemande, l'ambiguïté de certains Polonais vis à vis des Juifs (à rapprocher de celle de nombreux français et autres européens), tout est là, sous nos yeux.

Alors que le premier épisode pose la trame de manière assez classique et convenue nous menant de l'été 41 à l'hiver 41 devant Moscou, le second (42-43) est excellent. La bataille de Koursk, la séquence du tankiste (à voir et vous comprendrez), l'absurdité déjà évoqué dans "Un pont trop loin" par exemple d'ordres débiles, le délire des tournées de chanteuse, la boucherie des hôpitaux, le sort implacable infligé aux Juifs, tout est là. Le dernier acte, qui se concentre sur la période 44-45 conclut froidement et admirablement l'agonie d'un système, d'une nation, des âmes. Il ne s'agit pas de bien ou de mal, mais simplement de la guerre. Mieux, il s'agit de la guerre sur le Front Est. Le seul US que l'on verra, sera un bon officier GI qui se fout littéralement d'engager d'anciens SS (merde, un spoil) ; oui, ce n'est pas le soldat Ryan ou le Jour le plus Long.

Une série à voir, à méditer, à mettre en perspective avec la version française, Un village français, de France 3, bien que cette dernière soit plus longue (déjà 5 saison de 12 épisodes) et supérieure. Au regard du format imposé, c'est de la grande télévision, proche des Band of Brother mais si différente, et ça fait du bien. On pourrait regretter l'aspect parfois simpliste, les ellipses et raccourcis imposés par le timing mais, franchement, je n'en ai aucune envie. Merci la ZDF.

Un 9 très généreux, mais ça aussi, ça fait du bien et il faut que cette série sorte du panier industriel 2013.
Aqualudo
9
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le 11 sept. 2013

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Aqualudo

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