Dans le genre anti-héros, après avoir visité les scènes de crime (Dexter), la mafia (Boardwalk Empire), les hôpitaux (House et Knick), le milieu de la drogue (Breaking Bad) et même un univers fantastico-médieval (Game of Thrones) vient cette fois la politique américaine. Et il y a matière à montrer à l'écran: coups bas, manipulations, conflits d'intérêts, jeu de sièges, promesses, compromis et vie privée des hommes et femmes de pouvoir. Quel bonheur de voir tous ces requins s'entre-bouffer, s'allier le temps d'un épisode pour se trahir le suivant. Et ce concept intelligent de rendre l'histoire plus immersive par le biais de ces face-à-face avec Spacey (concept gardé de l’œuvre anglaise), qui joue avec brio cette enflure droguée du pouvoir... Sera-t-il seulement un jour rassasié ?
On penserait qu'une série tirant sur les nombreux fils de la politique américaine ne serait accessible qu'à un public habitué du genre, mais des explications sont subtilement placé ci et là soit par les remarques d'observateurs qui jouent le jeu ou en sont victimes, soit directement grâce à Underwood face caméra. Néanmoins il ne faut pas se leurrer, la série nous donne simplement l’impression de comprendre tout ce qui s’y passe, alors qu’on ne fait simplement confiance qu’aux clins d’œil de Franck et à l’observation des résultats ; mine déconfite du perdant entre autres choses. La vie politique américaine pour les nuls en somme.
Il n’y a pas que Franck Underwood dans cette série, mais il faut avouer que sans lui House of Cards tomberait comme un château de cartes. D’un charisme incroyable, on regrette juste d’avoir l’impression de le connaître déjà sur tous ses aspects, inconvénient des face-à-face intimistes avec l’acteur. A moins que la prochaine saison nous en montre enfin plus, avec la dernière scène porteuse d’espoir de la saison 3.
En ce qui concerne les personnages secondaires, ils lui servent soit comme des pions sur son échiquier, comme soutiens, ou alors sont de parfaits bâtons dans ses roues pour rendre tout cela intéressant ; mais après tout la politique c’est bien rester debout face à ses détracteurs. Ils ont toutefois leurs propres ambitions et permettent des histoires secondaires assez intéressantes, mais qui ne mériterait pas leur propre série.
Je garde toutefois une question en tête en regardant la série : peut-on faire confiance à cette œuvre ? Le fameux "Petrov" est-il, pour prendre un exemple récent, conforme à son modèle ou n'est-il pas un poil fantasmé, comme le reste ? Ou plutôt à quel point l’est-il ? A moins d'être très éclairé sur le sujet, le doute plane.
Du coup, après quelques rapides recherches, j’ai trouvé l’avis de Bill Clinton sur la série. Dans un premier temps très sceptique sur la possibilité de tuer quelqu'un et de réussir à rester au pouvoir, il finira par annoncer que la grande majorité (99% tout de même) est vraie, à part un souci de temps pour mettre en place un projet éducatif (1). Pour Barack Obama, je cite: "J'aimerais bien que les choses soient aussi efficaces et sans pitié." (2) ou encore "le quotidien à Washington est bien plus ennuyant que ça." (3). Deux points de vue de professionnels qui soulignent que les mécanismes correspondent à la réalité, les meurtres et la multitude de combines en moins. Sinon, en effet, la série ne ferait pas autant l’unanimité.
Ajoutons à cela que la série s’appuie sur des faits existants. Que ce soit la structure en forme de pêche, le scandale Wallmart, le conflit israélo-palestinien (je n’ai pas fait de recherches sur les détails) et l’entente tendue avec la Russie… tout ceci est vrai sur la forme. En parlant de Russie, j’ai tenté de vérifier les aveux du président russe et je n’ai rien trouvé sur le prétendu neveu gay de son ex-femme qu’il considérerait comme un fils. Mais il est indéniable que Poutine surfe sur l’homophobie qui touche son pays pour être populaire, du coup on reste dans le domaine du possible.
Bref, je ne m’attarderai pas sur la mise en scène impeccable et la photographie très soignée de la série (Fincher à la réalisation en même temps), et sa bande son qui met dans l’ambiance. Une série à voir sans attendre pour les fans du genre, mais à ne pas mettre entre les mains de personnes avides d’action ou ne s’intéressant absolument pas aux coulisses fantasmés du pouvoir.
(1): http://www.atlantico.fr/atlantico-light/bill-clinton-selon-ancien-president-americain-serie-house-cards-est-realiste-99-2069872.html
(2): http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/12/18/spoiler-obama-veut-voir-house-of-cards-avant-tout-le-monde_4336099_3222.html
(3): http://www.telerama.fr/series-tv/barack-obama-regarde-bien-house-of-cards-et-sa-femme-michelle-prefere-scandal,110151.php