House of the Dragon
7.5
House of the Dragon

Série OCS, HBO (2022)

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Une adaptation délicate mais au final réussie

Contient des spoilers

C'était pas gagné

Délicate, cette adaptation de Fire and Blood (publié en 2018) l'était à plus d'un titre. Pour commencer, nombre de téléspectateurs manifestaient des réactions quasiment post‑traumatiques après GoT, jurant qu'ils ne voulaient plus jamais avoir affaire à cet univers. Je ne les blâmerai pas vu l'ampleur du désastre des deux dernières saisons. Il allait donc s'agir de reconquérir ce public. Tâche que certains semblaient prendre plaisir à compliquer en déclarant la série mauvaise avant même sa diffusion, notamment au travers de polémiques sur la couleur de certains personnages, mais j'y reviendrai. Ensuite, on pouvait émettre des réserves prudentes sur les showrunners : Miguel Sapochnick avait certes réalisé quelques-unes des plus mémorables batailles de GoT mais le rôle de showrunner est différent. Quant à Ryan Condal, son plus haut fait d'armes était d'avoir été producteur et scénariste de la série Colony, qui sans être affreuse est tout à fait oubliable. Sans parler de la difficulté majeure pour moi : la nature du matériau de base. Le trône de fer est une suite de romans tout à fait traditionnels. Fire and Blood est par contre raconté à la manière d'un livre d'histoire : une succession d'évènements sans beaucoup de narration pour les relier, peu de dialogues et des personnages brièvement décrits et parfois réduits à quelques traits de caractère. Un travail d'écriture colossal allait être nécessaire pour donner du corps à la série. Il se trouve que l'écriture, c'est justement là-dessus qu'avaient échoué les dernières saisons de GoT.

Des choix pertinents

Commençons par la polémique qui a entouré le choix de donner une couleur de peau noire aux Velaryon. Polémique rapidement balayée par George R.R. Martin lui-même, qui a déclaré que rien de ce qu'il avait écrit concernant l'ascendance des Valyriens ne rendait impossible que les Velaryon soient noirs de peau. Je trouve ce choix intéressant : non seulement il permet au téléspectateur de distinguer instantanément les Velaryon des Targaryen sans avoir à se demander de quelle famille fait partie cet énième personnage aux cheveux argentés, mais en plus il se révèle particulièrement pertinent quand on connaît la nature des problèmes liés à la succession contestée de Rhaenyra.

Le gros morceau maintenant, l'écriture. Pour moi, une bonne adaptation ne doit pas forcément être une retranscription à l'identique du matériau de base, mais elle doit nécessairement en respecter l'esprit et pourquoi pas l'enrichir. C'est ce que parvient, la plupart du temps (voir plus bas) à faire House of the Dragon. J'en prendrai deux exemples. Dans le livre, Rhaenyra et Alicent sont quasiment deux inconnues l'une pour l'autre, Alicent étant de dix ans plus âgée. En avoir fait des amies du même âge apporte une toute nouvelle profondeur au récit. Autre exemple : Viserys, simplement décrit dans Fire and Blood comme un roi aimant organiser des fêtes et faire plaisir à tout le monde. L'écriture de la série, en le mettant dans la peau d'un souverain tragique rongé jusqu'à sa mort par la décision de sacrifier sa femme et qui, en prenant plusieurs décisions pour le bien du royaume, ne fait que l'entraîner vers sa chute, transcende le personnage. Ce qui m'amène à l'interprétation.

Globalement, j'ai trouvé le cast bon. Les jeunes acteurs sont à la hauteur. Je comprends qu'on puisse être déstabilisé par les ellipses temporelles et les changements d'interprètes, mais rien ne me semble invraisemblable. Trois acteurs sortent du lot pour ma part : en premier lieu Paddy Considine, interprète justement de Viserys. Que dire, je parlais de l'écriture qui a transcendé ce personnage, mais l'acteur en fait autant. Il est brillant, que ce soit au sommet de la gloire du roi ou dans sa plus profonde déchéance. La scène qui m'a le plus impressionné cette saison n'inclut aucun dragon : c'est celle de Viserys qui tente plus que péniblement d'atteindre son trône dans l'épisode 8. Vient ensuite Matt Smith, que je considère comme une incarnation quasiment parfaite de Daemon. Il crève l'écran dans toutes les scènes où il apparaît, qu'il y ait des répliques ou pas. Vient ensuite Rhys Ifans, Otto Hightower, acteur aussi déterminant que Viserys dans le plongeon du royaume vers la guerre et qui n'a pas été sans me rappeler par certains aspects un certain Tywin Lannister.

Pour en finir avec le positif, la technique. Les scènes incluant des dragons sont excellentes, notamment en vol. Les dragons eux-mêmes sont bien plus réussis que dans GoT, affichant une vraie diversité (tailles, couleurs, morphologies) et étant mieux proportionnés par rapport à leurs âges.

Tout n'est pas parfait

Il y a néanmoins des aspects qui me dérangent, même s'ils ne prennent pas le pas sur les positifs. J'ai dit plus haut que l'écriture était « la plupart du temps » pertinente. Il y a quelques occasions où elle a des relents de GoT saison 8, notamment quand la cohérence du scénario est sacrifiée au profit du spectacle. Par exemple dans l'épisode 3 et la bataille des Degrés de Pierre. Je peux encore accepter le rush suicidaire de Daemon, par contre Gaveur‑de‑crabes qui expose tous ses hommes au feu-dragon alors qu'il lui suffirait d'attendre pour ramasser ce pauvre Daemon complètement cerné et qui a trois flèches dans le corps, ça n'est pas très bien passé. Pareil pour Criston qui défonce la tête du meilleur ami du marié à son mariage avant de quitter tranquillement la salle sans être inquiété. Enfin, Laena qui, au comble de la souffrance de son accouchement, n'a aucune difficulté à se lever et à sortir sans que personne ne la remarque pour aller se faire incinérer par son dragon, alors que Daemon qui arrive derrière semble avoir deux minutes de retard sur elle. C'est le genre d'incohérences qui peuvent me sortir d'une série, heureusement pour l'instant elles ne concernent que des points mineurs de scénario qui sont surtout là pour développer davantage certains aspects psychologiques des personnages.

On ne peut pas nier que la galerie de personnages n'est pas aussi attrayante que dans la première saison de GoT, même si celle-ci était exceptionnelle. Dur de retrouver des personnages aussi charismatiques que des Tyrion, Varys, Littlefinger, Ned, Robert, Cersei, Jaime ou même Drogo. Les deux séries n'ont pas la même ampleur narrative et House of the Dragon est très recentrée sur les Targaryen, donc ça n'est pas surprenant. Même si on peut espérer qu'avec l'arrivée de nouvelles forces pour la guerre de la saison 2, cela change un peu.

Au niveau technique, je n'ai pas aimé le rendu terne de l'image, surtout comparé au GoT des premières saisons où les couleurs étaient éclatantes. Je sais que certains préfèrent ce type d'image qui donnerait un aspect plus « cinématographique », mais je n'en fais pas partie. Je ne suis pas un grand fan non plus de la semi-pénombre dans laquelle baignent beaucoup de scènes en intérieur, mais au moins rien n'est illisible sur un TV correctement calibré.

Le générique est raté. Après le deuxième épisode (première fois qu'il a été diffusé), je traînais sur le subreddit anglophone où il y a quand même pas mal de nerds de la série et des livres. Personne n'était en mesure d'expliquer ce qu'était ce générique ou ce qu'il représentait exactement. Autant dire que ça a dû être très obscur pour le grand public, dommage quand on sait à quel point celui de GoT était iconique. Rétrospectivement on comprend que c'est la généalogie Targaryen, mais ça va bien trop vite pour qu'on en saisisse les subtilités, quel blason représente qui ou les changements qui ont lieu entre les épisodes. En ce qui concerne la musique, on peut comprendre la volonté de garder la même pour affirmer l'appartenance de House of the Dragon à l'univers GoT mais j'ai été déçu, j'aurais préféré une nouvelle composition de Ramin Djawadi.

Un de mes sommets télévisuels de 2022

Une fois tout ça pris en compte, House of the Dragon reste l'une des trop rares séries cette année que j'ai vraiment pris plaisir à regarder et dont j'attendais la suite impatiemment chaque semaine. Elle sera sûrement sur le podium de mes nouveaux shows favoris pour 2022, même si je réserve pour l'instant la première place à Severance pour son caractère original (pour une fois, pas une adaptation), l'intelligence du traitement de ses thématiques et son interprétation. En attendant sa deuxième saison en 2024, House of the Dragon reste néanmoins loin devant sa fortunée concurrence de chez Amazon au niveau qualitatif et parvient, pour l'instant, à éviter les écueils des dernières saisons de GoT.

Vonsid
8
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleures séries de 2022

Créée

le 20 déc. 2022

Critique lue 210 fois

7 j'aime

Vonsid

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7

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