Voir la série

Notes corsaires - House of the Dragon et Rings of Power, et le Seigneur des Anneaux.

Avant-palabre : Je n'aime pas les critiques et ceci n'en est pas une. Je me permets d'écrire des notes sur des choses pensées, à partir de choses vues ou vécues. Si cela nourrit votre réflexion, je m'en réjouis ! Bonne lecture ! Sinon... et bien ce site est très vaste. Bonne lecture !
  • Cette série est la seule qui pouvant fonctionner parmi les bouses des séries "fantasy" (mouais...) modernes.

La raison ?

A Song Of Ice And Fire respire sur des fondements contemporains.


Ses thématiques sont compatibles sans souffrance avec la société américanisée et bourgeoise qui se charge d'alimenter et produire ces récits télévisuels. Martin est un auteur issu dés le départ de ce milieu-là, similairement à Stephen King (enfin, en réalité ce sont des transfuges de classe mais c'est pas le sujet : toujours est-il que leurs valeurs sont depuis longtemps celles alignées avec l'élite culturelle américaine). Et croyez-moi : quelques soient vos opinions sociales, politiques ou culturelles, il s'agit d'une bonne nouvelle !


En effet, les scénaristes étant libres de dérouler leur cahier des charges habituel, sans qu'il n'en résulte une dénaturation de "l'esprit" du matériau premier, on obtient logiquement une meilleure écriture. Un meilleur effet d'ensemble. Quand bien même certains dialogues manquent parfois de subtilité.

  • Au passage, Westeros n'est pas un univers "médiéval". "Féodal", oui. "D'inspiration médiévale", oui. Mais ce n'est pas un univers "médiéval". Sinon il ne fonctionnerait jamais. Westeros est un monde dont les moeurs et les problématiques sont contemporaines.

Au Moyen-Âge, la foi jouait un rôle tellement central dans la conception du soi et du monde qu'on comptait le temps en prières. L'art produit à cette époque ( "cette époque" = généralité pour plus de commodité, amis historiens.) transpire et respire l'omniprésence chrétienne. Westeros, en bon monde moderne, ne singe que le véhicule institutionnel et politique du religieux. On ne rentre jamais dans le gras de la spiritualité sociale, dans la religion qui influence la psyché de l'individu. Et c'est aussi pour cela que les scénaristes (et j'imagine bon nombre de spectateurs) s'y sentent à l'aise. D'ailleurs dans House of the Dragon, la "foi politique" est encore moins présente que dans GOT. Nous avons à la place beaucoup de jolis rituels (enterrements, mariages, célébrations) qui ancrent la présence de la structure religieuse de Westeros dans le "décor". Cela permet d'élargir ce le livre d'images, de construire de belles scénographies (le Septuaire de Baelor et ses bougies... miam !), sans que cela viennent empiéter sur le cœur idéologique et narratif des scénaristes.

  • Si je m'attarde sur cette question, c'est parce que c'est selon moi la seule chose qui distingue le succès de House of the Dragon du fiasco Rings of Power. Et c'est un paradoxe, alors que la Terre du Milieu est socialement mille fois plus "laïque" que Westeros : pas de religion organisée, pas de lieux de culte, pas d'Eglise, pas de structure ayant un pouvoir temporel justifié par une mission spirituelle ! Et pourtant, malgré tout cela, la Terre du Milieu et ses habitants sont les plus éloignés, en matière de moeurs, des citoyens du monde de 2022. On touche ici au coeur du problème, au truc que les stars et les scénaristes de Los Angeles ne comprendront jamais.

Au-delà des oppositions droitardés / gauchistes, au-delà des quotas vs inclusivité : l'adaptation d'une œuvre sonne juste seulement si son interprète en a compris le cœur. Peut-être qu'à l'époque de P. Jackson, l'universalisme ambiant était plus proche de l'esprit de Tolkien, couplé à l'état d'esprit d'un réalisateur venu du cinéma d'auteur/indé. Le Seigneur des Anneaux avait réussi l'exploit de l'équilibre, malgré sa focalisation sur l'aspect épique (chose que Christopher Tolkien et les "puristes" lui avaient déjà à l'époque reproché). Néanmoins, à mon sens, lorsque l'on assiste aux batailles du Seigneur des Anneaux, on retrouve bien l'élément crucial qui justifiaient leur existance : chaque bataille est fondamentale à l'intrigue, aux enjeux majeurs tant sur le plan des personnages, de la situation politique/militaire, et sur le plan métaphysique.

Chaque conflit, quelque soit son échelle, est porteur de sens.

La charge des Rohirrims et le discours de Theoden sont souvent cités comme des grands moments d'émotion. Et ce n'est pas parce que le Roi Theoden est "badass" (comble de l'horreur ce mot...). Cette histoire de "badass" est un autre reflet de l'incompréhension des scénaristes sur ce qui fait la justesse des séquences épiques. Ce n'est pas une question de "faire le beau". Le discours de Theoden est fort, car il s'apprête à charger contre la personnification même du désespoir. Il charge contre la défaite qui l'a accompagné une grande partie de sa vie : c'est à dire la défaite morale, l'écrasement face à la masse de l'ombre. Souvenez-vous : il avait perdu son corps et sa conscience, transformé en pantin de Saroumane. Une fois réveillé, il réalise combien il a perdu. Sa lente remontée vers sa propre force, vers sa propre lumière, culmine dans la bataille des Champs de Pelennor. C'est manichéen mais c'est profond. Beaucoup plus subtil dans l'émotion vécue que celle commentée de loin. A l'inverse, le ton de la trilogie du Hobbit tombe systématiquement à plat. L'équilibre est rompu, parce que malgré le choix clair du focus (Le Hobbit = conte pour enfants), ce n'était pas exactement le cœur de l’œuvre originale. Les problèmes de production, le changement de vision (Del Toro puis Jackson), et le choix de diluer en trois films une œuvre possédant son propre rythme intérieur ont mené à un désastre artistique.

  • Voilà ce que je pouvais dire pour le moment. House of the Dragon est une honnête série de fantasy, et vaut selon moi votre temps, sans être la chose la plus extraordinaire qui se soit faite à la télévision. Je conclurai simplement sur la nécessité de chercher le cœur des œuvres. Une fois ce cœur digéré, adaptez et agissez en conscience. Vous pouvez même parodier et détourner ce cœur pour le remplacer par le votre ; mais cela suppose que vous ayez fait une première fois le chemin vers la source d'origine.
Misomumuse
7
Écrit par

Créée

le 10 nov. 2022

Critique lue 20 fois

1 j'aime

Misomumuse

Écrit par

Critique lue 20 fois

1

D'autres avis sur House of the Dragon

House of the Dragon
Raphoucinevore
8

Le Trône du Pouvoir

"L'histoire ne se souvient pas du sang, elle se souvient des noms."Série préquelle de «Game of Thrones», se déroulant près de 2 siècles avant celle-ci et nous contant la chute progressive mais...

le 26 oct. 2022

43 j'aime

7

House of the Dragon
MatthieuS
10

Fire and blood

Ce n’est un secret pour personne que toutes les plateformes, ou presque, cherchent leur GOT. Netflix a vu sa poule aux œufs d’or en The Witcher, pour finalement massacrer le matériau d’origine,...

le 28 oct. 2022

43 j'aime

3

House of the Dragon
Jambon_Beurre
3

Critique de House of the Dragon par Jambon_Beurre

1er épisode d'une platitude totale. Sur la forme comme sur le fond tout est une référence à peine voilée à GOT, sauf qu'ici c'est morne à mourir et franchement humiliant pour les scénaristes à...

le 24 août 2022

34 j'aime

18