Hunter x Hunter, c’est ce genre d’œuvre qui marque par sa complexité, son audace, et surtout son refus de se conformer aux codes. Yoshihiro Togashi, l'auteur, semble constamment défier le genre du shōnen tout en poussant ses propres limites narratives et graphiques.
Derrière un début relativement classique, où Gon, un jeune garçon, part en quête de son père et décide de devenir Hunter, l'histoire se transforme en une plongée vertigineuse dans des intrigues et des arcs de plus en plus sombres et imprévisibles. Là où beaucoup de shōnen choisissent la simplicité et l’héroïsme, Hunter x Hunter aborde des thèmes comme la moralité ambiguë, la complexité de la nature humaine, et la brutalité des choix difficiles.
Prenons l’arc des Chimera Ants, un des plus clivants mais aussi des plus fascinants. Ce n’est pas seulement une lutte entre le bien et le mal. Togashi décortique les motivations de chaque personnage, explore les aspects les plus sombres de la guerre, et en fin de compte, brouille les frontières entre les monstres et les humains. Meruem, le roi des fourmis, incarne à lui seul cette ambivalence ; ce qui semblait être un simple antagoniste se révèle être un des personnages les plus nuancés et touchants de l'histoire du manga.
Mais là où Hunter x Hunter se distingue vraiment, c’est dans son approche du Nen, le système de pouvoir. Contrairement aux capacités simplistes que l’on trouve souvent dans le genre, le Nen est un art complexe et exigeant, avec ses règles et ses subtilités. Chaque utilisateur de Nen doit apprendre à maîtriser ses capacités d’une façon qui lui est propre, et les combats deviennent de véritables batailles intellectuelles. Togashi semble prendre un malin plaisir à nous perdre dans ces règles, rendant chaque confrontation plus tactique, et moins basée sur la seule force brute.
Cependant, il serait impossible de parler de Hunter x Hunter sans mentionner son état actuel – inachevé et irrégulièrement publié. Togashi, en proie à des problèmes de santé, publie au compte-gouttes, et chaque hiatus prolonge l’attente pour les fans. Certains y verront un défaut majeur ; d’autres, une preuve de la passion méticuleuse de l’auteur, qui refuse de sacrifier la qualité pour la productivité.
Au final, Hunter x Hunter est bien plus qu'un simple manga. C'est un univers, un labyrinthe narratif où chaque recoin cache une surprise, un questionnement. Pour certains, l'œuvre reste frustrante, trop incomplète, mais pour d'autres – et j'en fais partie – elle demeure un chef-d'œuvre inégalé, à la frontière du shōnen et de l’introspection. Avec Hunter x Hunter, Togashi a créé quelque chose d'inclassable, une œuvre qui restera inachevée dans tous les sens du terme, mais qui n'en finit jamais de nous hanter.