15 août 2021 : Joe Biden annonce le retrait des troupes américaines en Afghanistan. Immédiatement, les talibans rappliquent, prennent Kaboul quasiment sans résistance. La série éponyme est l'histoire de la fuite du pays par les Occidentaux et par tous les Afghans qui le peuvent.
Episodes 1 à 3
Une famille afghane
Au centre, une famille afghane. Madame n'est pas n'importe qui puisqu'elle officiait comme procureure de la République. Elle a donc fait condamner un paquet de talibans. Ceux-ci, revenus au pouvoir, ne lui feront sûrement pas de cadeau. Zahara et son mari Baqir parviennent à échapper à une troupe à leurs trousses pour rejoindre l'ambassade française. Ils ont un visa en règle pour la France, mais le hic c'est qu'ils sont loin d'être les seuls : devant l’ambassade, une foule se masse, brandissant les précieux papiers pour entrer. Les quelques Français restés là, débordés, sont contraints de fermer les portes. Puisqu'aucun hélicoptère américain n'accepte de se poser dans de telles conditions, Baqir suggère une idée : affréter des bus qui pourront acheminer les centaines de personnes accueillies jusqu'à l'aéroport. Il faut ensuite négocier avec le chef des talibans pour être escortés. Chef qui voudra
lui aussi rejoindre la France, sa famille n'ayant aucun "avenir ici". Premier point qui fait tiquer : vu le niveau d'endoctrinement des "fous de Dieu", on imagine mal un chef lâchant ainsi l'idéologie qu'il défend. D'autant qu'en tant que chef, sa famille a toutes les chances de connaître un sort plus enviable que la moyenne des Afghans... Cette péripétie nous vaut malgré tout un moment savoureux : le chef en question, qu'il faut cacher, se retrouve dans le coffre de la voiture française... à côté de Zahara !
La fille est médecin. Elle s'est attachée à l'une de ses petites malades, au point, d'abord de défendre son lit alors qu'on en manque, d'aller récupérer ensuite l'iPod qu'on lui a confisqué, de l'exfiltrer enfin hors de l'hôpital. Amina, en effet, a fini par faire primer sa survie sur sa mission médicale ainsi que sur son fiancé médecin : elle rejoint elle aussi l'ambassade française, en s’efforçant de passer inaperçue.
Le fils, Fazal, a décidé de résister. Il tente d'abord de rejoindre la région du Panchir avec un copain, mais tombe sur un barrage des talibans. Lors d’une course-poursuite, son compagnon est mortellement blessé.
Fazal parvient à sortir de la voiture pour ne pas se faire canarder. Et s'en sort ! Deuxième problème de crédibilité : les talibans ne se soucient même pas de vérifier que les deux passagers de la voiture sont bien morts. Ils ne se lancent pas à sa poursuite !
Fazal parvient à rejoindre Kaboul (comment ? à pied ?!), où il retrouve un contact américain, de la CIA. On découvre que Fazal était un espion infiltré chez DAESH. Son "patron" lui demande d'aller se jeter dans la gueule du loup, ce qu'accepte Fazal car c'est un héros. Suspense classique lié à ce type de scène, basé sur la question "sera-t-il démasqué ?"
Les Européens
La série nous montre trois pays aux prises avec l'événement : la France, l'Italie et l'Allemagne.
Côté français, le héros, incarné par Jonathan Zaccai, s'appelle Gilles. En l'absence de l'ambassadeur qui a rejoint l’aéroport, sur les conseils même de Gilles, ce chef de la sécurité est devenu le patron. Il doit sans cesse trancher entre humanisme - ne pas abandonner tous ces pauvres gens qui espèrent tout de la France - et réalisme - ne pas mettre en danger le personnel sous ses ordres. Disons-le, il penche un peu trop souvent du côté gentil. Un peu agaçant. Les égoïstes, ce sont ses subordonnés qui refusent qu'on accueille plus de monde. Il commence par faire entrer toutes les femmes avec leurs enfants. Puis, le chef taliban avec qui il négocie ayant assuré qu'il était impossible de séparer les familles, il convainc celui-ci de laisser les maris rejoindre leurs femmes. Dans la cohue, beaucoup plus de monde entre. Résultat, il y a vraiment un tas de gens à évacuer, au point que les cinq bus dégotés à grand peine et payés une fortune n'y suffisent pas.
Même casse-tête côté italien. Là aussi, tout le staff a décampé. Giovanni, un tout jeune diplomate, est désigné, par un méchant ambassadeur un peu caricatural, pour gérer la situation ! Le voilà catapulté consul. Comme Gilles, c’est un grand humaniste : il va se battre pour obtenir des WC auprès des Américains. Puis, pour faire atterrir un avion malgré le refus de ces derniers, débordés eux aussi par la situation. Il choisit la politique du fait accompli en amenant tout le monde sur le tarmac. Et ça marche : l'officier américain est furieux mais il laisse l'avion se poser. Il faut alors entasser le plus de monde possible dans l'avion, en enlevant les sièges et les bagages. Mission accomplie, même si quelques dizaines d'Afghans restent sur le carreau.
Enfin, la partie allemande. L'Allemagne ne veut personne sur son sol semble-t-il puisque les avions reviennent à vide ?... La série est inspirée de faits réels, donc c'est sans doute vrai, même si on peine à comprendre. Côté allemand nous aurons une héroïne, aux yeux très bleus : Vera, du service de renseignements. Celle-ci, comme on le découvre en ouverture de la série, a été sauvée par un certain général Hassan en 2019. Elle entend bien payer sa dette en se lançant à la rescousse de cet opposant historique en grande difficulté. Elle considère aussi que le général est "l'avenir du pays". Elle retourne donc sur place, puisque ses problèmes psys sont résolus. Là, elle découvre que son pays ne lui apportera aucun soutien. Elle se lance donc avec seulement deux acolytes qui, on ne sait pas pourquoi, sont prêts à risquer leur vie avec Vera.
Après un périple dangereux, ils retrouvent leur homme et le sauvent. Mais ils ne sont pas tirés d'affaire lorsque s’achève l’épisode : il faut bien susciter l'envie de poursuivre...
Les Américains
Ils sont ceux sans qui rien ne peut se faire. Souvent brutaux et arrogants avec les Européens. Il faut dire que tout le monde leur tombe dessus pour s'en sortir : on imagine donc le goulot d'étranglement.
Les créateurs de la série, Olivier Demangel et Thomas Finkielkraut (le fils du philosophe ?), n'ont pas résisté à l'envie de mettre la CIA dans le jeu. Elle est telle qu'on l'attend : organisée, efficace et cynique. Sans parvenir pour autant à maîtriser la situation.
Les talibans
Ce sont essentiellement des brutes épaisses qui hurlent sur les gens. Ils mettent en œuvre dès le premier jour leur programme : obligation de se voiler pour les femmes, interdiction de la musique, séparation des hommes et des femmes (symbolisée par un mur construit au beau milieu de l'hôpital), froide exécution des récalcitrants (le patron de Zahara qui a bêtement voulu rester à Kaboul). Ils paradent, kalachnikov en mains. Bon, on ne s'attendait pas à ce qu'ils soient sympathiques puisque ce sont les méchants de la série.
Episodes 4 à 6
La deuxième moitié s'avère moins convaincante, souffrant de longueurs, et de lourdeurs. Voyons ce qu'il advient de nos différents protagonistes.
Une famille dispersée
Lorsque s'achèvera cette saison 1, les quatre membres de la famille afghane ne seront pas parvenus à atterrir au même endroit. Examinons le cheminement de chacun.
Au moment d'embarquer pour la France, Baqir reçoit un appel de sa fille : elle se trouve tout près, à l'aéroport, mais du mauvais côté de la barrière ! Baqir décide immédiatement d'aller la chercher, enjoignant à son épouse de monter dans l'avion. Avant cela, Zahara dépose dans son étui à lunettes un peu de la terre afghane. Musique sentimentale pour souligner ce moment plein de pathos, puis désespoir de l'épouse abandonnée, exprimé lourdement.
Leur fille, au début de l'épisode 4, tombe en pleine rue sur un groupe de talibans. Ceux-ci ont pitié de la petite Noria malade : ils recueillent les deux errantes. Il faut saluer ici le souci de ne pas se montrer trop caricatural puisque c'est la seconde fois que des talibans se laissent émouvoir (la première, c'était aux prises avec Fazal qui accompagnait deux vieux dans la rue). S'ensuit une longue discussion sur les bienfaits du régime des talibans entre Amina et le chef. D'un côté, la perte de la liberté pour les femmes qu'invoque la jeune médecin, de l'autre, la sécurité et la fin de la corruption que pensent pouvoir assurer les talibans. Amina ne se laisse pas convaincre, tant pis, le chef raccompagne ses deux protégées à l'aéroport puisqu'il est tombé amoureux d'Amina. Il lui laisse son nom, pour le cas où elle revienne. En vue de la saison suivante, peut-on penser. Amina, perdue dans la foule aux abords de l'aéroport, se met en quête d'un téléphone pour contacter ses parents, mais l'engin est aussi précieux que l'eau. Elle finit par dégoter un type qui accepte, en échange du peu d'eau qui reste à notre héroïne.
Pour Baqir, il n'est pas aisé de retrouver sa fille dans l'immense foule qui espère encore pénétrer dans l'aéroport. A force de montrer la photo d’Amina sur son téléphone, Baqir y parvient pourtant. Voilà le père et la fille réunis, mais un autre obstacle se prépare : DAESH projette un attentat à l'aéroport. Les services de la CIA ne parviennent pas à l'empêcher. C'est un massacre, mais bien sûr Amina et Noria sont vivantes. Baqir aussi, on ne l'apprendra que sur la fin. Puisqu'il faut faire converger les histoires, Amina se retrouve dans la zone allemande suite à un évanouissement. C'est là que Vera la rencontre et se propose de l'aider à passer en France avec Noria, bien qu'elle n'ait aucun visa et qu'elle ne soit pas la mère de la petite fille. Tout ça parce que la petite Noria est siiiiii attendrissante. Hum.
Pendant ce temps, on voit Zahara à Doha, apprenant l'attentat à l'aéroport. Gros plans très laids et insistants sur le visage de Darina Al Joundi tordu par la douleur. Cette fin de série en fait décidément beaucoup dans l'étalage de pathos.
On finit par retrouver Baqir dans l'hôpital de Kaboul des débuts. Il y retrouve celui qui aurait dû être son gendre. On lui demande de rester pour un scanner mais, comme toujours au cinéma, il quitte l'hôpital : au cinéma, être un héros c'est ne pas écouter le corps médical qui, pourtant, s'use la santé pour vous tirer d'affaire. Il rachète un téléphone et rentre chez lui. Laisse un message à Zahara : un poème grandiloquent sur la liberté et le sens de la vie. Pathos de nouveau. Le chat a fait sa réapparition, ouf.
Et Fazal ? On l'avait laissé dans la gueule du loup. DAESH l'a investi d'une mission : aller se faire sauter à proximité des bus des Français. Or ses parents y sont. Suspense. En négociant avec le contre-espionnage taliban, la CIA parviendra à éviter l'attentat, tout en récupérant Fazal sain et sauf. Intervention musclée pour capturer le grand chef de DAESH, qu'on fait chanter pour qu'il indique la planque de l'équipe qui organise le prochain attentat. Mais les Américains arrivent trop tard. Suspense encore. Fazal assiste aux efforts de la cellule d'espionnage pour empêcher l'attentat, en vain donc. Il ira crier sa rage à la face du chef de DAESH en lui mettant un revolver dans la bouche. Scène assez outrancière, et finalement inutile.
Tout le monde ayant plié bagage, Fazal suit les Américains. Le patron lui promet un job dans la sécurité, en Virginie. A suivre.
Panique et désillusion chez les Européens
Commençons par les Italiens, à qui échoient les moments les plus catastrophiques de la série. Giovanni, c'est vraiment le bon Samaritain : il se jette dans la foule déchaînée pour sauver le maximum d'Afghans dotés d'un visa italien, à la grande fureur du G.I. chargé de la sécurité - la spécialité du "consul", c'est d'énerver les Américains. Emerge de la foule un jeune garçon aux grands yeux, sans ses parents. Et là, c'est le pompon : Giovanni va consacrer toute son énergie à retrouver lesdits parents, afin de sauver l'enfant. Bien sûr, il finira par y arriver. C'est beau. Bien que n'ayant pas dormi, de son propre aveu, depuis trois jours, notre héros est frais et dispos au moment de monter dans l'avion du retour. Trop fort ce Giovanni.
Côté allemand, on avait laissé le commando venu sauver le général Hassan face à une troupe de talibans. Ils s'en sortent en prenant en otage le chef. L'un des trois est salement blessé dans la fusillade, mais il s'en sortira. Réservoir percé, il faut continuer à pied, ce qui nous vaut le seul beau plan du film : notre groupe au bas d'une haute falaise tachetée de rouge. Les séries brillent rarement par leurs qualités plastiques, on le sait... Ils marchent jusqu'au prochain village, où ils ne sont pas les bienvenus. Le message passé ici est que les bleds reculés pouvaient être favorables aux talibans. Heureusement, ils trouvent là un allié qui leur fournit une voiture. Puisque l'aéroport est le lieu où convergent toutes les histoires, nos cinq aventuriers se retrouvent là. Forte tension car les talibans, avertis de l'imminence d'un attentat, sont nerveux. Ils s'en sortent malgré tout, mais se prennent un savon du chef. Vera réplique en invoquant l'abandon par l'Allemagne de tous les Afghans qui l'ont soutenue. Et là, encore un faux pas : Vera surprend le chef qui se fait prendre en photo avec Hassan. Le chef détestable qui s'attribue tous les mérites d'une opération qu'il a torpillée, voilà qui, pour le coup, relève du bon gros cliché cinématographique.
Enfin, les Français. Gilles, c'est un peu le Giovanni de chez nous : alors que l'ambassadeur lui a formellement interdit de sortir de l'aéroport, il part en quête d'un groupe de Franco-Afghans contraint de finir à pied. Un peu moins agaçant notre Gilles, mais quand même, il ne laisse pas sa part aux chiens question sainteté. Kaboul veille, et c'est heureux, à ne pas verser intégralement dans le happy ending : après l'attentat, Gilles ne parviendra pas à faire ouvrir la porte à ces gens venus simplement en vacances rendre visite à leur famille. A l'aéroport de Villacoublay, tout le monde retrouve ses proches sauf lui : un vrai cowboy solitaire. On l'avait pourtant vu échanger des sms avec quelqu'un... L'explication dans la prochaine saison sans doute.
Les Américains
Outre les gens de la CIA dont on a parlé, il y a ces G.I. qui conservent la même attitude : inflexible, sauf si l'on sait s'y prendre. La bagarre ça ne marche pas, mais comme les talibans on peu les attendrir. Parfois, il suffit de hausser le ton pour qu'ils obtempèrent (cas de Gilles lorsqu'il veut sortir), hors de toute crédibilité.
Ils sont, tout au long de la série, ceux que l'on conspue car on estime qu'ils ont semé les graines d'un retour des talibans, soit en soutenant un régime corrompu soit carrément en bombardant aveuglément des villes. Mais aussi les sauveurs car sans eux on ne peut rien. Sans doute assez réaliste.
Les talibans
Ils sont dans cette deuxième partie un peu éclipsés par plus fous qu'eux : les combattants de DAESH. Les deux entités se détestent cordialement, bien que les talibans aient libéré bon nombre de prisonniers de l'Etat Islamique. Le calcul, supposent les gens de la CIA ? Faire faire le sale boulot (les attentats contre les Occidentaux) par d'autres pour garder une bonne réputation sur la scène internationale. Un calcul pour le moins dangereux...
La réalisation
Cette coproduction européenne, associant pas moins de onze pays, est signée Kasia Adamik et Olga Chajdas, deux Polonaises. On trouve tous les trucs tendance dans les séries actuelles : plans faits avec des drones, gros plans complaisants, montage nerveux. Les deux cinéastes ont choisi, classiquement, une narration alternée, avec des petits panneaux précisant le lieu en début de chaque séquence (ou presque). Les dialogues surlignent parfois leurs effets : par exemple, lorsque le chef taliban demande à embarquer pour la France, Gilles lui répond que ses supérieurs n'accepteront jamais ; le taliban lui lance "vous n'êtes pas obligé de leur en parler". C'est ce qu'avait dit Gilles au chef taliban face au même argument. On avait compris, mais les cinéastes ont éprouvé le besoin de faire ajouter au taliban "c'est ce que vous m'avez dit vous même non ?" Dommage.
Un mot sur la V.O. Elle était en américain, sans doute pour séduire le public états-unien dont on sait qu'il est allergique au sous-titrage. Je l'ai vu pour ma part en français, ce qui est un moindre mal sans doute. Doublage correct, sauf pour la petite Noria, qui ânonne son texte. Bien sûr, on aurait préféré que chacun s'exprime dans sa langue, avec des sous-titres. Dommage de nouveau.
La musique est plutôt un point fort de la série, même s'il y en a un peu trop. Une mélodie entêtante qui revient sous différentes formes (pour mémoire en Do : do do si ré mib do), le plus souvent jouée par un oud. Assez entêtant.
* * *
Résumons. Des lourdeurs, des invraisemblances, du pathos, certes, mais, indéniablement, ce Kaboul réussit ce qu'on attend d'une série : elle est haletante, et correctement réalisée. C’est malgré tout l’essentiel.
6,5