Kaiba
7.9
Kaiba

Anime (mangas) WOWOW (2008)

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On ne devrait jamais cesser d'errer

Kaiba qui aurait pu être si haut, bien plus qu'une "simple" expérience sensorielle, mais qui se prend les pieds dans un tapis de contraintes narratives trop grossières pour ses petits pieds vagabondeurs.


L'expérience est pourtant sans pareille : le style visuel éclaté de Yuasa est sans doute ce qui pouvait arriver de mieux à ce prémisse qui traite de la dé-personnification et de la mémoire. Son choix de mouler ses personnages dans les mêmes formes et le même grain visuel que ses décors rend ce monde trouble, un monde où chacun semble être voué à perdre son enveloppe corporelle, où à tout moment on est susceptible d'éclater en une gelée orange alors que notre essence s'en va virevolter au loin. De même que celui de concevoir son chara-design en hommage au mangaka Tezuka tant et si bien qu'on a l'impression de se retrouver face à des personnages d'Astro-Boy devenus fous... là encore rien de tel pour illustrer une réflexion sur la mémoire.


Les 6 ou 7 premiers épisodes sont placés sous le sceau de l'errance. Et c'est là que Kaiba brille vraiment, lorsque ses attaches sont faibles et qu'il se permet d'aller un peu où il veut, s'attardant sur des petites histoires isolées traitant du défi de conserver son identité dans une société qui a perdu toute notion d'une âme attachée à un corps, de la folie qui en découle, des tragédies désensibilisées... beaucoup de noirceur, d'angoisse et d'engourdissement nauséeux, parfois trouve-t-on de petits îlots de tendresse dans ces instantanés toujours riches en émotions.


Mais dès que Kaiba est rattrapé par son scénario et par l'obligation de dévoiler ce qui se cachait derrières les indices opaques des premiers épisodes, et de boucler sa trame narrative et l'histoire du monde qu'il a engendré, la série s'embourbe dans des ficelles bien trop lourdaudes. La malléabilité et l'éphémère de la mémoire dans le monde de Kaiba, jusqu'alors brillamment exploités pour peindre avec souplesse et poésie l'incertain et l'ambigu, sont désormais utilisés comme prétextes à des twists à n'en plus finir, des rebondissements qui s'enchainent, le suivant toujours plus tristement prévisible que celui qui précédait. Le plaisir initial de comprendre enfin la trame est très vite gâché par un spectacle finalement moins reluisant qu'on ne l'attendait. Sans doute 12 épisodes étaient-ils insuffisant pour ménager à la fois cette belle phase d'errance et une phase "scénaristique" conséquente. Du coup tout ça sent le gros rush à plein nez, qui aurait mérité au moins 18 épisodes pour en développer la moëlle. Face à certaines scènes (dont une en particulier) d'un ridicule consommé, on se prend même ironiquement à vouloir - grâce à la technologie de la série - éliminer le souvenir de cette fin de série.


Je suis sans doute un peu sévère, tout n'est pas critiquable sur cette deuxième partie, et rien n'est vraiment affreux per se. Juste tristement, si tristement prévisible. Et ligoté par ces ficelles scénaristiques qui ont eu la bonne idée de se faire si lâches durant la première moitié. Je reverrai sans doute Kaiba pour la juger avec un peu plus de recul - et pour le simple plaisir de me replonger dans cette imagerie fantasmagorique et cette bande son magique - mais j'ai peur de pouvoir prévoir ma réaction : aimer d'autant plus la première partie, rejeter définitivement la seconde. Putain, même moi je suis devenu prévisible, que m'as-tu fait Kaiba ? Pourquoi ne puis-je pas retourner dériver avec toi pour toujours ? On sera sans doute tristes tous les deux dans ce monde confortablement engourdi, mais au moins on ne saura rien. On aura oublié.

TWazoo
6
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le 18 oct. 2016

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T. Wazoo

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