Cette mini-série innovante et rebelle présente une critique acerbe des tendances actuelles pouvant assujettir l’Homme (ou plutôt : les femmes et les hommes). La palette de terminologie en -isme (véganisme, parisianisme, spécisme, féminisme, narcissisme, nombrilisme…) est mise à l’écran et interprétée sous forme de scénettes où chaque concept est traité de façon volontairement radicale et excessive, afin d’en montrer les potentiels limites, dangers et dégâts sur la santé, les relations humaines et familiales.


L’humoriste Blanche Gardin excelle dans une performance assez phénoménale où elle expérimente la « meilleure version d’elle-même » qui la mènera à sa perte (la pire version d’elle-même, finalement ?). En effet Blanche décide de quitter peu à peu toute forme d’humour et de second degré pour se connecter à « la source » et être plus « high ». Cette quête de retour à la nature et au mode de vie plus authentique est poussé à l’extrême tout au long de la série afin d’en faire ressurgir les limites et interpeller le spectateur : jusqu’où aller ? où placer le curseur pour éviter de sombrer dans la caricature ? pour être fondamentalement heureux et en accord avec soi-même ?


La tonalité proposée franchement grinçante, chère à la Blanche Gardin qu'on connaît, fait tout de même surgir le rire et l’émotion. Le spectateur constate le ridicule de nombreuses scènes qui font rire : la retraite dans les bois vire en parodie dès lors que toutes les femmes s’allient contre la plus belle (qui arrive en retard… la star se fait attendre), la plus cool, la plus hype : Marine la mannequin…
« Va te démaquiller stp, ici c’est une retraite naturelle. Par contre toi ça va tu peux garder ton maquillage, c’est discret, c’est pas pour qu’on te regarde ». Conclusion ? « Sois belle mais pas trop, les autres vont te jalouser. » Marine est agaçante car Marine c’est la bombe, et en même temps elle est vachement éveillée, elle a passé deux ans chez les Inuits… le féminisme en prend alors un coup et la cause est desservie.


Le ridicule se déploie également dans le narcissisme ambiant du personnage grâce à la métaphore du miroir et du reflet : je me marie avec moi-même, j’embrasse mon reflet dans l’eau du lac, je monopolise la parole lors de tous mes échanges avec mon entourage… On attribuera une mention spéciale à la symbolique de l’objet fétiche de Blanche : la petite danseuse. "Si elle s’éloigne de son miroir, elle meurt"… une symbolique virulente et bien pensée, à l’aune des réseaux sociaux et du culte de l’image.


Seul un personnage tentera vainement de garder les pieds sur terre et de raisonner tout le monde (notamment lors du mariage). On se demandera alors : qui doit raisonner qui ? Le spectateur sera libre de se positionner dans ce carnaval social parfois dénué de sens.


En bref : une série intelligente, subtile, innovante par sa tonalité et le côté brut de ses scènes, sans fioriture. Pourquoi on apprécie autant ? Le manichéisme est tout le temps mis à mal et le spectateur ne peut se positionner franchement : qui a raison ? qui a tort ? trop dur de prendre parti… c’est pour ça qu’on se délecte d’une proposition nuancée du monde d’aujourd’hui, où il est difficile de parfois tout comprendre.

July-Ane
9
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le 22 déc. 2021

Critique lue 847 fois

9 j'aime

July-Ane

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