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A l'instar des films Les Patriotes, ou Möbius, auxquels d'ailleurs, j'ai moyennement adhéré, Eric Rochant revient à l'espionnage prenant pour environnement un service de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure. La DGSE s'ouvre à nous par le biais d'un portrait plutôt sobre, même si il table sur le divertissement pour un tour d'horizon de l'actualité géopolitique.
La DGSE rempart contre le crime, aux agents particulièrement instruits et rompus aux techniques de survie, devra se défendre de l'intérieur. Guillaume Debailly, alias Malotru au bureau, et Paul Lefebvre sur le terrain, va servir l'intrigue et ses multiples rebondissements pour mettre en exergue la fuite en avant d'un homme ayant du mal à se défaire de sa légende, qui trahira son pays et se retrouvera bien souvent en situation délicate.
Mathieu Kassovitz est parfait pour décliner la personnalité d'un agent, pilier du service, mais suffisamment vulnérable et complexe, pour laisser place à un suspense constant. Eric Rochant approfondi ses personnages, tous à un moment en prise au doute et à la difficile position qui est la leur entre solidarité et besoins de service.
La DGSE forme et envoie ses agents sous fausse identité, pour recruter d'éventuels sources de renseignements en terrain hostile. Au-delà de la simple couverture et les laissant parfois plusieurs années avant de les rapatrier, ces agents clandestins risquent sur la durée, de s'attacher à leur nouvelle vie et de compromettre leur service.


La série pose le contexte de vie de bureau accentuant le quotidien de ces agents de l'ombre. Les préparations et le soutien psychologique visant plutôt à éviter les mauvaises surprises, les méthodes d'espionnage, ou la manière de tromper un détecteur de mensonges, les rivalités, que ce soit au sein du bureau, entre services ou entre pays, les moyens mis en place, les accords et les trahisons, et les dommages collatéraux, confèrent une froideur et une ambiance morne, faussement tranquille. On est loin des James Bond ou autres agents aux gadgets et compétences impossibles.


Les services secrets algériens et leurs rapports compliqués avec les services français, l'Iran, partagé entre modernité et tradition, la menace nucléaire, la Syrie, l'Etat islamique et les conquêtes de territoires, un soupçon de FSB, et on met en avant l'excellence des services français, et l'importance de l'infiltration comme seul moyen humain qui prévaut sur les techniques bureaucratiques sans oublier de se moquer des méthodes de la CIA, un peu bourrin sur les bords.
Et même si on s'imagine bien que certaines tractations sont fictionnelles, les enjeux de guerre franche ou celle sous le manteau sont clairement expliqués et menés avec finesse, détails et compréhension, rythmés par des scènes sur le terrain efficaces et qui réservent son lot d'actions tendues. Lutter contre Daesh ou au contraire exfiltrer un agent, ou en sauver un autre demande un certain temps de réflexions et de négociations, mais où le manque de temps ne précipite jamais aucune décision. Ce parti pris des méandres de l'intérieur est le point fort de la série.
Les contraintes du terrain tablent sur une volonté de vraisemblance sans effet spectaculaire. Le dépaysement est assuré par une mise en valeur des décors naturels et de situations réalistes et désespérées, s'offrant même quelques envolées oniriques.


On remarque Florence Loiret-Caille, absolument parfaite et qui offre une performance jouissive à chaque scène ou presque.La série propose d'ailleurs des rôles féminins d'importance. Sans oublier Gilles Cohen tout autant excellent en directeur de la DGSE, confronté à l'adversité, ou la présence de Jean-Pierre Darroussin, toujours à sa place. Une touche de romance contrariée pour satisfaire le public, de l'humour à froid et des dialogues bien sentis pour quatre saisons et 40 épisodes de 50 minutes environ, arrivant à tenir la longueur. On regrette peut-être une voie off, parfois redondante et quelques longueurs.


Dans l'univers des séries françaises, force est de constater l'excellence de l'écriture, avec une première saison explicative, viennent ensuite les saisons deux et trois pour entrer dans le vif du sujet, le terrain, source de tous les dangers et sont les plus réussies.
La quatrième étant plutôt en berne, peut-être parce que Eric Rochant à laisser sa place de superviseur sur la plupart des épisodes, que l'ensemble se trouve éclaté voire expédié et où les enjeux se diluent fortement. Le réalisme des situations, alors que la série tient justement à cette volonté, fait défaut, notamment sur la formation bien rapide d'un nouveau clandestin, ou l'entrée sur un terrain de guerre d'un agent plutôt affecté au bureau, avec des caractérisations peu marquantes mais poussives. Dommage, même si l'entrée de Matthieu Amalric en enquêteur des services venu faire le ménage, soupçonneux et aux méthodes expéditives, rejoint le staff d'acteurs inspirés, il reste un tantinet caricatural.


A voir et même à revoir.

limma
8
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le 22 mai 2019

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limma

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