Avant d’être un félin amateur de lasagnes et, du propre aveu de l’intéressé, le plus grand regret de la carrière de Bill Murray, Garfield était aussi le nom d’un président des Etats-Unis d’Amérique, le vingtième. La raison pour laquelle personne ne s’en souvient, comme l’annonce sans forfanterie l’intro de la série, c’est sans doute parce que son mandat n’a duré que quatre petits mois. Or, c’est également la raison pour laquelle nous DEVRIONS nous en souvenir – et ce pourquoi Le Président foudroyé est une franche réussite.
Comme son titre le suggère, cette mini-série Netflix en quatre épisodes narre la rencontre entre un objet fixe – James A. Garfield, interprété par le stoïque et non moins brillant Michael Shannon – et un météore incontrôlable, Charles J. Guiteau. « Qui ? » serait-on tenté de demander instinctivement en reprenant l’expression faciale de Djimon Honsou dans Les Gardiens de la Galaxie ? Oh, personne : la définition même d’un raté, quelqu’un qui échoue dans absolument tout ce qu’il entreprend, allant même jusqu’à se faire chasser d’une secte d’adeptes de l’amour libre (oui, au XIXème siècle), ce qui lui vaudra au passage le charmant sobriquet de « Charles Git-out ». Et c’est précisément cet individu qui va changer la destinée d’une Amérique à peine remise de la Guerre de Sécession.
Il fallait tout le talent d’un caméléon tel que Matthew McFayden pour donner vie et empathie à pareil huluberlu, et l’ex-Mr Darcy du Orgueil et Préjugés de Joe Wright fait merveille, oscillant avec maestria entre burlesque, pathétique et effrayant. Le reste de la distribution n’est pas en reste, belle galerie de troupiers du cinéma et de la télé nord-américaine, à commencer par un Nick Offerman jubilatoire en vice-président soupe-au-lait Chester Arthur. À titre personnel cependant, je souligne le plaisir de retrouver Michael Shannon et Shea Wigham ensemble à l’écran, presque dix ans après leur trop courte collaboration dans la dernière saison de Boardwalk Empire.
Au registre des critiques, je n’ai guère à déplorer que la relative lourdeur du dernier épisode, qui ne fait guère qu’enfoncer le clou, ainsi que certaines carences d’écriture très dans l’ère du temps (tous les hommes politiques ont une femme pour colonne vertébrale et le rappellent ad nauseam…), lesquelles n’altèrent que peu la qualité globale de ce Président foudroyé qui se regarde avec grand plaisir en une ou deux soirées - avec plaisir, mais non sans mélancolie, tant ses incroyables péripéties conforteront plus d'un spectateur américain dans l'idée que la présidence Garfield reste l'un des plus tristes "what-ifs" de leur Histoire...
Son homologue français, pour sa part, se réconfortera à l’idée que jamais Charles Guiteau n’accéda a son objectif ultime de consulat a Paris, sans quoi nous aurions probablement eu la seule guerre ouverte entre nos deux pays.