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La première scène de Death by Lightning (Le président foudroyé) nous montre les employés d’un entrepôt gouvernemental US découvrant un bocal contenant un cerveau appartenant à un certain Charles Guiteau… et se demandant de qui il peut bien s’agir. L’intelligence de cette curieuse ouverture de la mini-série est de mettre le téléspectateur US devant sa propre ignorance (et encore plus le téléspectateur français, même si, en l’occurrence, cette ignorance est plus compréhensible) : Guiteau est en effet l’un des quatre assassins d’un Président de la République des Etats-Unis, ce qui aurait pu lui valoir une certaine « postérité », comme ses « collègues » John Wilkes Booth ou Lee Harvey Oswald. Plus choquant néanmoins est l’anonymat à peu près similaire dans lequel est tombé sa victime, James A. Garfield, peut-être parce qu’il ne fut président que 200 jours avant d’être tué par Guiteau.

Le président foudroyé va donc nous raconter – et nous expliquer aussi -, son créateur Mike Makowsky ne renonçant jamais à un rôle pédagogique, qui dépasse régulièrement son rôle de divertissement – qui étaient Garfield et Guiteau, et quelle fut l’enchaînement de circonstances qui amena à cette journée funeste du 2 juillet où Guiteau tira deux balles dans le dos de Garfield, et mis fin à sa présidence. Car ce qui est divertissant – et effrayant -, c’est la personnalité aberrante de Guiteau, un imbécile et un raté, mais aussi un mythomane persuadé qu’il méritait les plus hauts honneurs pour ce qu’il faisait : souvent s’approprier l’argent, le travail ou l’œuvre des autres, et essayer de se faire remarquer dans les cercles du pouvoir. Et ce qui est instructif – et même passionnant – c’est la personnalité brillante de Garfield, Républicain mais profondément décidé à mettre en place des droits civiques pour les Afro-Américains, dans un pays qui sortait juste de la Guerre de Sécession, à lutter contre la corruption qui régnait dans les milieux politiques, à organiser la fonction publique, et à permettre au prolétariat – même émigré – de vivre mieux dans une société encore sauvage. Et s’il n’y a pas de suspense, tous les faits contés ici étant facilement accessibles sur Wikipedia, l’un des points cruciaux de la mini-série est de nous faire comprendre comment Garfield va réussir, en dépit de la brièveté de son mandat, à impacter durablement – et positivement – sur le pays, et surtout sur la Démocratie qui était loin alors d’être établie.

A vrai dire, Le président foudroyé ne ressemble guère à une série TV « ordinaire », et ce n’est pas seulement parce qu’elle est ambitieuse dans son approche d’une période oubliée de l’histoire US, mais parce qu’elle ressemble plutôt à un grand film de trois heures environ, découpé en quatre parties pour sa diffusion. D’un vrai grand film de Cinéma, le président fourdoyé a la crédibilité de la reconstitution historique, la beauté de la photographie, l’intelligence d’un scénario qui trouve le juste équilibre entre les aspects intimes de l’histoire (la belle relation amoureuse entre Garfield et sa femme, les déboires ridicules de Guiteau, en particulier dans une communauté où la sexualité est libre et débridée – oui, déjà en 1800 et quelques !), et les jeux politiques autour des élections et de la conduite du pouvoir. Sa mise en scène est plutôt classique, trop peut-être, mais on est avant tout éblouis par le niveau général de l’interprétation. Car son casting réuni certains des meilleurs acteurs vus au cinéma et surtout dans des séries : Michael Shannon n’a nul besoin d’être présenté, mais Matthew Macfadyen transcende ici son rôle déjà mémorable dans Succession ; Shea Whigham interprète une délicieuse ordure qui nous fait presque oublier son immense interprétation dans Boardwalk Empire ; Brad Whitford confirme son retour en grâce actuel ; mais c’est peut-être Nick Offerman qui franchit le plus clairement une étape, avec le rôle complexe du VP Chester Arthur, un homme perdu qui va littéralement voir la lumière.

Pour toutes ces raisons, le visionnage du Président foudroyé est indispensable, au moins à qui s’intéresse à l’histoire de la démocratie US – un sujet d’actualité -, ou à qui en a simplement assez des éternels thrillers , aussi réussis soient-ils, dont les plateformes nous abreuvent.

PS : Pour comprendre le titre original de la mini série, Death by Lightning (soit « mort fourdroyé »), il faut savoir que Garfield, à qui l’on conseillait de prendre garde à sa sécurité, étant donné les animosités que son programme politique lui valait, avait répondu qu’il était aussi illusoire de penser protéger un président contre un assassin potentiel que contre la foudre.

[Critique écrite en 2025]

https://www.benzinemag.net/2025/11/22/netflix-le-president-foudroye-les-oublies-de-lhistoire/

Eric-BBYoda
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le 23 nov. 2025

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