Ah, Les Soprano… cette grande fresque mafieuse qui nous fait croire que la dépression, les crises existentielles et l’angoisse de la paternité sont plus oppressants que le FBI, les coups de feu et les trahisons sanguinolentes. On y suit Tony Soprano, parrain en surpoids, asthmatique de l’âme, qui alterne entre strangulation impitoyable et séances de psy où il se plaint que sa mère ne l’aime pas assez. Ah, l’American Dream dans toute sa splendeur.
David Chase a réussi le tour de force de nous faire compatir avec un type qui règle ses problèmes familiaux en enterrant des corps dans le New Jersey. Tony est le roi du double standard : il veut le respect mais trompe sa femme, il veut protéger sa famille mais les met tous en danger, il veut passer pour un homme de pouvoir mais geint devant une psy qui, soyons honnêtes, doit bien être la vraie boss de l’histoire. Le vrai suspense de la série n’est pas de savoir si Tony va survivre, mais combien de patients le Dr Melfi va encore supporter avant d’écrire un livre sur les criminels narcissiques.
Et que dire de son entourage ? Un ramassis d’incapables violents et de losers attachants, qui gèrent une organisation criminelle comme une pizzeria en faillite. Silvio, sosie de Steven Van Zandt qui semble coincé dans une imitation ratée d’Al Pacino. Paulie Walnuts, mélange improbable entre un tonton raciste et un amateur de manucure. Christopher, qui rêve de cinéma mais qui passe plus de temps à se droguer qu’à écrire. Et Carmela, la pauvre femme qui joue les épouses catholiques modèles tout en profitant de l’argent du sang pour s’acheter des bijoux.
Mais la vraie star du show, c’est bien sûr l’ennui existentiel. Car Les Soprano, c’est avant tout une série sur la banalité du mal, où le crime organisé est présenté comme un business comme un autre : réunions, paperasse, budgets à boucler… sauf qu’ici, les employés sont armés et les licenciements sont définitifs.
Et ce final ? Ce légendaire écran noir qui nous a laissé en PLS devant nos écrans… Génie narratif ou foutage de gueule magistral ? À chacun son interprétation, mais une chose est sûre : Les Soprano est la seule série où un mafieux peut inspirer autant de peur que de compassion, entre un coup de pelle et une crise de panique.