Dans les années 1990, peu de séries étaient produites dans un format "binge watching", avec plein d'intrigues parallèles qui se rejoignent de temps en temps. La plupart des séries suivaient un format de diffusion "stand alone", avec un fil conducteur de fond mais des épisodes relativement décorrélés d'entre eux.
A ce titre, la chaine HBO a joué un rôle majeur dans l'essor de la production de séries de qualité à partir de la fin des années 90 et au début des années 2000. A cette période, elle a vu la production de séries majeures (Rome, The Wire, Oz, Band of Brothers...) qui ont complètement bouleversé la façon qu'on a de faire des séries. D'ailleurs, je suis persuadé que ce sont les séries HBO qui ont contribué à donner leurs lettres de noblesse aux séries, qui étaient auparavant perçues comme secondaires et moins qualitatives par rapport au cinéma classique.
"Les Sopranos" est une des premières de ces grandes séries HBO à avoir été diffusées, en plus de sa qualité inhérente, elle a également le mérite d'avoir un caractère visionnaire. On la retrouve d'ailleurs régulièrement dans les podiums des meilleures séries de tous les temps. Jeu d'acteurs, écriture, character development, réalisme... tout en effet dans les Sopranos coche les cases d'une grande série.
De quoi traite les Sopranos exactement ? La série suit le quotidien d'un groupe de mafieux italo-américains basés dans le New Jersey, à la fin des années 90. Les mafieux sont dirigés par Antony Soprano, incarné par l'immense acteur James Gandolfini, dont ce fut d'ailleurs le seul réel succès à l'écran et qui décéda peu après la fin de la série, encore relativement jeune.
Les Sopranos, c'est avant tout une plongée dans le quotidien souvent violent mais aussi banal et parfois un peu minable de cette bande de malfrats et de leur entourage. Tous sont intéressants, bien que la plupart soient de franches ordures (il y a très peu de personnages réellement positifs dans la série). Le fil directeur des premières saisons est la psychologie du personnage principal (Tony Soprano). Il est victime d'attaques de panique, ce qui l'oblige à consulter une psychiatre (le docteur Melfi).
Au fil des saison, cette dimension psychologique est peu à peu mise en recul (sans toutefois jamais réellement disparaître), et la série se concentre alors sur les luttes de pouvoir au sein de la mafia et sur les actions qui leur génèrent des revenus malhonnêtes (arnaques, extorsions, vols....). Si la série est assez violente (il y a pas mal de morts), elle n'est pas trop dure à regarder car les morts sont souvent rapides - il n'y a pas trop de sadisme gratuit et de tortures. Les meurtres sont "utilitaires".
La série ne tombe jamais dans la complaisance. Les personnages sont systématiquement montrés pour ce qu'ils sont réellement (des ordures sociopathes), cependant une des forces de la série est aussi d'arriver à leur donner des personnalités bien différenciées, parfois presque sympathiques.
Quelques exemples : le cammoriste Furio Giunta est très violent (cf la scène du salon de massage), mais en même temps c'est un "bon" mafieux, très efficace et jamais violent inutilement. Le gros Bacala est plutôt sympa et est peu violent.
La série en met également plein les dents aux familles des mafieux - surtout à leurs femmes (Carmela Soprano en tête), dépeintes comme de parfaites hypocrites prêtes à fermer les yeux tant que leur mari ramène à manger à la maison. Pendant l'Occup', on parlait de collaboration horizontale. Ici, on n'en est pas loin. Même les enfants ne ressortent pas indemne de ce traitement, entre l'aveuglément passif (Meadow) ou la pris de conscience relative qui charrie tout un tas de problèmes psys latents (Antony Jr).
Chaque saison apporte quelques nouvelles têtes, la plupart du temps des mafieux qui sortent de prison et qui ne sont absolument pas repentis. Joe Pantaliano (plus connu pour son rôle du traître Cypher dans Matrix) incarne un mafieux particulièrement salopard mais très marquant. Dans les dernières saisons, Steve Buscemi apporte également beaucoup.
La série est excellente, mais je dois avouer avoir eu beaucoup de mal à la mettre dans les meilleures notes pour une raison toute bête : je ne me suis attaché à aucun personnage. Tout le petit monde que la série dépeint ne vit finalement que du parasitisme de la société, la série passe son temps à montrer qu'ils empoisonnent tout ce qu'ils touchent. A ce titre, dès la saison 1, j'espérais que tous les personnages se fassent buter ou envoyer en tôle ! Peut-être que le problème c'est moi, que je suis peut-être trop de droite pour faire abstraction? Mais dans une série comme the Wire je trouvais ça plus réglo : on suivait à la fois les truands et les flics, et il y avait beaucoup plus de figures positives à qui s'attacher.
Tout ça pour dire que j'ai fini par venir à bout des Sopranos. Je confirme que c'est bien un monument télévisuel, mais que j'ai trouvé ça dur à regarder, faute de vrais "gentils"