L’île infernale ou purgatoire entre l’Enfer et Paradis ?

J’ai vu cette série avec beaucoup de retard et je comprends la déception du résultat final des nombreux téléspectateurs qui pendant 6 saisons ont tenté de décrypter les soi-disant messages et allusions de la série (chiffres, symboles…) en s’acharnant, en prenant des notes et en partageant leurs idées. Beaucoup ont aussi laissé tomber en cours de route. A ce titre, la fin est loupée (dernier épisode de 1h45 quand même) et a donné lieu à une énorme controverse. Sans crier au scandale, certains ayant parlé d’« inadmissible fumisterie », (inutile, c’est juste une série bon sang !), la réaction au générique final peut s’apparenter à « Tout ça, pour ça ? ». Une règle est pour moi un incontournable dans les séries télé : il n’y a pas de grande série sans une fin à la hauteur. Elle peut être ouverte ou fermée, peu importe mais elle se doit de ne pas décevoir les personnes qui parfois depuis des années suivent cette série. Que ce soit « Le Prisonnier », « Les Soprano », « Peaky Blinders » ou encore « Six Feet Under » et même « Friends » (pour ne prendre que quelques exemples), ces séries ont su finir en beauté. Les séries qui n’ont pas su finir correctement sont très nombreuses (« X Files », « How I met your mother », « 24h Chrono »…petit échantillon). Mais soyons honnêtes, « Lost » avait déjà trop duré, au moins une saison de trop, voire 2 selon moi ; la série aurait dû s’achever avec la saison 4 quitte à laisser des questions sans réponse (mais les impératifs commerciaux liés à une grosse audience ont leurs mystères…). À tel point que les scénaristes nous embarquaient dans des idées toutes plus insensées les unes que les autres, avec rebondissements obligatoires à chaque épisode, comme si eux-mêmes ne savaient pas vraiment où nous emmener (les ours polaires dans l’île tropicale, la fameuse fumée noire qui tue tout le monde, voyages dans le temps…). Je me suis dit très vite que cette série était écrite sous substances hallucinogènes !

Bon, une fois ces défauts passés en revue, il faut voir aussi que cette série a été pionnière dans son genre et qu’elle a été suffisamment efficace pour que je sois allé au bout. Plusieurs ont plus ou moins clairement revendiqué son influence, comme « The Leftovers », « West World » voire « Game of Thrones » mais, c’est vrai, aucune n’est arrivée à retrouver son efficacité, malgré tous ses défauts. Et puis, selon moi, la plus grande réussite de « Lost », ce sont ses personnages, c’est pour eux qu’on va au bout, chacun et chacune fuyant quelque chose ou quelqu’un, des hommes et femmes au début à la dérive et qui vont trouver une sorte de réconfort dans cette île, après avoir subi de nombreuses épreuves, parfois fatales. Car, ça aussi c’est gonflé de la part des concepteurs de cette série, ils n’hésitent pas à faire disparaître brutalement un personnage, personne n’est assuré de survivre (quitte à le faire revenir plus tard d’ailleurs !). Je vois cette île comme une sorte de purgatoire, jamais située géographiquement puisqu’elle peut bouger dans l’espace et le temps. Une île impossible à quitter qui devient une véritable Tour de Babel où toutes les langues ou presque sont parlées : anglais bien sûr mais avec des accents américains, australiens, écossais…le français aussi, le coréen, l’espagnol…Il y a aussi un Brésilien, un Irakien, un Nigérian ! Des personnages dont beaucoup portent les noms de philosophes et scientifiques des XVII et XVIIIe siècles : Locke, Rousseau, Faraday, Hume, Hawking…Chacun et chacune se révèlent non dans la vie réelle mais sur cette île, pour le meilleur et le pire et on peut dire que même les méchants comme Ben Linus finissent par être touchants à la fin.

Cette série ressemble à des montagnes russes, de vrais trous d’air avec de jolis ratages et invraisemblances mais aussi d’excellentes scènes, un grand jeu de piste tortueux au long terme. On peut lui reprocher beaucoup de choses, la confusion voire le non-sens de cette quête, être emballé ou effaré mais rarement une série aura été aussi imprévisible…jusqu’à l’agacement parfois ! Une série qui de toute façon a marqué l'histoire de la télévision.