Le rapport au père

LOST

Maintes critiques ont été écrites sur cette série culte. Plutôt que d’en écrire une énième, je préfère m’intéresser au rapport au père, et en deuxième lieu à la mère. Il s’agit d’un thème éminemment central dans cette aventure artistique à la fois subliminale et sublime.

Dr Jack Shephard

Tout d’abord, shephard signifie berger. Personnage christique par excellence, notre Matthieu le renard (Matthew Fox) est en mission tout le long des 6 saisons.

Jack et son père (Christian, encore un prénom christique soit dit en passant) exercent le même métier. Ils sont d’éminents chirurgiens charismatiques. Le père de Jack identifié comme alcoolique et coureur de jupons se voit contraint de renoncer à sa carrière après que son fils l’a dénoncé lors d’une commission, à la suite du décès d’une patiente à cause de ses inaptitudes. Jack ignorera pendant longtemps que son père a eu une fille illégitime, qui se trouve enceinte de 8 mois sur l’île (Saison 1). Quand le corps du père disparaît de son cercueil (Saison 6), alors qu’il était censé y reposer, des questions lourdes se posent.

Jin-Soo Kwon

Jin-Soo Kwon, le Coréen, est pris au piège des codes sociaux hyper rigides de son pays d’origine. Son père exerce le modeste pêcheur (le péché social est transmis à son fils). Jin est fou amoureux d’une fille d’un magnat de la finance, trompé jusqu’aux os dans des magouilles mafieuses. Pour accéder au graal, il doit renoncer à son métier de pêcheur et faire allégeance à un beau père qui exigera de lui de se débarrasser des hommes de l’ombre. Encore un secret dont il aura du mal à cacher. Ayant honte de son père, il coupera les liens avec le paternel. Quant à sa mère, à son plus grand secret, c’est une prostituée vengeresse. Sur l’île, il sera le seul survivant à ne pas parler anglais. Il ignore – encore un secret - que son épouse Sun maîtrise la langue de Shakespeare, apprise lors de ses escapades avec son amant (défénestré).

John Locke

La palme d’or des personnages subissant l’extrême opprobre du paternel est décernée à John Locke. Un père abandonnique, escroc qui n’a jamais connu son fils. Lorsque celui-ci tente d’établir un lien, alors qu’il a déjà la quarantaine bien tassée, le père manipule John Locke pour lui voler son rein, rien que ça..(Saison 1) . John Locke, ayant la confiance d’un oiseau tombé de son nid, revient à la charge (malgré l’amour que lui porte sa future femme) et cherchera son père inlassablement pour le questionner. Son père fidèle, à lui-même le défenestrera, le rendant paraplégique (Saison 3). A son grand étonnement, il est confronté à son père dans l’île, capturé par le sadique Benjamin Linus. Il doit porter le fardeau de son père sur l’île alors qu’il s’en croyait enfin débarrassé. John Locke, trop naïf, meurtri par son père, a tout de suite compris que l’île est miraculeuse (elle lui redonne ses jambes).

Benjamin Linus

Tout proche de remporter le championnat des fils les plus meurtris par leur père, Benjamin Lunis, personnage central et énigmatique, à la fois hyper intelligent et manipulateur, serial tueur et menteur pathologique est confronté dès sa naissance à un père haineux. En effet, à sa naissance prématurée, sa mère meurt en couche, laissant un père dans le désœuvrement et la dépression. Des agents de la secte Dharma propose à son père d’immigrer sur une île secrète. C’est là-bas qu’il exercera le métier de nettoyeur. Désabusé, ne trouvant pas de sens à son existence, il continuera à maltraiter son fils Benjamin. Pour échapper à son père, il ne commettra, ni plus ni moins un génocide en gazant son père sous ses yeux, et de toute sa communauté dans le but de rejoindre les autres. Par la suite, Benjamin Linus n’aura de cesse d’éliminer toutes personnes qui le gênera, jusqu’à faire tuer sa propre fille (adoptive) pour régner sur son île. Désigné comme le messie, son ego l’empêchera de rencontrer Jacob. Il sera supplanté par un autre fils abandonné, John Locke.

Hurley Reys

Hurley Reys surnommé Hugo est le personnage le plus jeune de la série – excepté l’enfant Walt, autre enfant privé de son père à cause de sa mère ! Adolescent mal dans sa peau (l’obésité étant une des conséquences), à cause d’un père abandonnique qui le quitte alors qu’il lui a avait promis de réparer une prestigieuse voiture de collection.

Hugo est touché par la malédiction du gagnant à la loterie. Multimillionnaire, sa nouvelle fortune engendre une succession sans fin de malédictions, qui envoient à trépas toutes les personnes de son entourage. De retour à Los Angeles, son père, comme par hasard, réapparaît et semble renouer un semblant de relation avec son fils. Malgré ses doutes et ses hospitalisations en psychiatrie (Saison 4 et 5), Hugo semble renouer un lien probant avec le paternel.

Miles Straume

Miles (Saison 5) apprend que son père est le grand gourou, le Dr Cheng, cinéaste à ses heures ; celui qui diffuse des explications pour les générations suivantes quant au bon fonctionnement (les fameux chiffres à taper toutes les 108 minutes) des différentes stations en vue des générations futures. Miles, personnage antipathique à souhait semble retrouver le lien avec son père après un voyage dans le futur (passé), en 1977. Observant son père derrière la vitre, s’occupant avec affection de lui alors qu’il n’était qu’un bébé, Miles semble revoir son jugement sur son père. A noter l’amitié que porte Hugo à Miles, omniscient et partageant le même pouvoir de communiquer aux défunts, l’encourage à communiquer avec son père. Soit dit en passant, le clin d’œil au futur épisode de Star Wars, relaté par Hugo à Miles à propos de L’Empire contre-attaque, à la fin duquel Dark Vador déclare à Luke Skywalker qu’il est son père.

James Ford

James Ford, surnommé Sawyer, perd ses deux parents à l’âge de 8 ans ! Son père apprenant coup sur coup l’escroquerie et l’infidélité de sa femme la tue et se suicide.

Sawyer est alors en quête de vengeance. En Australie, sur les traces de l’escroc en question, il est à son tour manipulé et tue la mauvaise personne. Sur l’île (Saison 4) Sawyer est confronté à son bourreau, qui n’est autre que le père biologique de John Locke. Ce dernier se sentant incapable de le tuer, confronte Sawyer à son père dans un huis-clos particulièrement oppressant. Le père de Locke, ayant pris le surnom de Sawyer, n’éprouvant aucun remords (encore plus psychopathe qu’escroc) finit par être tué par James Ford, au grand soulagement de son fils John Locke.

Daniel Faraday

Daniel est le fils de Charles Widmore, l’ennemi juré de Benjamin Linus, banni de l’île et richissime entrepreneur, et d’Éloïse Hawking (le même nom que Stephen Hawking).

Sa mère lui cache l’identité de son père. Sa mère est une femme manipulatrice, exigeante, qui exploite son don pour les sciences, détourne sa passion pour le piano et méprise sa petite amie de l’époque. Fragile psychologiquement, il sombre dans une dépression. Son père, sans dévoiler son identité le force à se rendre sur l’île. Il tombe amoureux de Charlotte qui succombera aux voyages successifs dans le temps. De nouveau en dépression, il quitte l’île à l’aide d’un sous-marin vintage pour continuer pendant 3 années des études scientifiques. Voulant sauver l’île d’une destruction massive, il revient, mais cette fois, en 1974 ! Il se heurte à la tragédie grecque, revoir Charlotte, enfant de 5 ans sur la balançoire et surtout sa mère enceinte de lui, qui l’abat avant qu’il ne puisse convaincre les autres à renoncer à leur projet. Il parvient in extremis à dire à sa mère qu’il est son fils.

Voilà encore un enfant et un adulte manipulé par ses parents, qui plus est sa mère tyrannique, qui impulsivement finira par le tuer alors qu’il voulait la sauver…

Michael Dawson

Enfin, comment ne pas évoquer l’amour d’un père pour son fils, en la présence de Michael. Père meurtri dans sa chair (l’accident de voiture dont il est victime le laissant handicapé, Saison 1). Sa femme l’ayant abandonné lâchement, partie sur un autre continent (Australie, Sidney), il est privé de son fils unique, Walt, pendant des années. Ne cédant rien au chantage, il le récupère après que son ex a succombé au crabe et que son père adoptif veuille s’en débarrasser. Avec son fils Walt, et son chien Vincent, ils se retrouvent sur l’île avec les autres rescapés ( Saison 1) La relation père-fils n’ayant quasi pas existé, Walt a du mal à accepter l’autorité de son père. Il finira malgré lui à construire un radeau de fortune (Saison 1) dans le but naïf de retrouver la civilisation. Malgré sa capture par les autres, il réussira à se défaire- non sans assassiner Anna Lisa et la seule copine de Hugo pour arriver à ses fins : sauver son fils. Benjamin Linus leur permet de quitter l’île sur un bateau.

A New-York, hypersensible, Michael ne peut faire face à sa culpabilité des deux meurtres de son camp, confiera son fils à la grand-mère et tentera de se suicider. Infiltré sur le cargo, il trouvera la rédemption en se sacrifiant afin de retarder le plus possible l’explosion de ce dernier.

L’amour qu’il porte pour son fils, dans un destin contrarié et tragique montre le sacrifice et le dévouement de ce personnage écorché à vif. Pour la petite histoire, c’est bien Walt, qui a, premièrement mis le feu au radeau de fortune. Les enfants ont cette intuition que les adultes ont perdue. L’île serait devenue leur lien à tous les deux s’il avait compris ce signe.

Mister Ecko, jeune enfant africain, doit faire face à la guerre civile, qui gangrène son pays. Orphelin, il endosse la responsabilité, alors qu’il n’est qu’un gosse de devenir un enfant soldat, tuant à la demande pour épargner son jeune frère de cœur d’une mort atroce. Sa relation au Père des Chrétien est antinomique. Sa vocation de prêtre se conjuguera avec une série de meurtres afin de lutter contre la corruption. Quand bien même tuer est pour la bonne cause, la prêtrise de Mr Ecko sera tâchée de sang et de larmes.

Quant au tortionnaire Sayid, son père avait testé la virilité de l’enfant en exigeant qu’il égorge de ses propres mains des poules. Pour ne pas être déshonoré par le père, il se pliera à son dictat patriarcal, contrairement à son petit frère, incapable de faire le moindre mal.

Les femmes ne sont pas en reste.

Kate Austen

Ses parents divorcent quand elle est enfant. Mal dans sa peau, elle se met à voler dans un magasin, mais elle obtient la rédemption grâce à un personnage mystérieux, nommé Jacob qui lui offre un jouet, venu du futur : un avion (futur crash).

Kate Austen a un rapport hyper violent avec sa mère. Voulant la protéger d’un homme (beau-père) la violentant, elle décide de mettre le feu à la ferme familiale, le tuant par négligence. S’ensuit une longue cavale, car sa mère n’y voit qu’un homicide, qui ne se trouvera que des réponses à son retour de l’île (Saison 4).

Après son procès elle sera condamnée avec sursis et pourra, enfin, communiquer avec sa mère mourante. Le rapport de la mère est compliqué pour Kate. Lorsque Claire Huttington, qui n’est autre que la demi-sœur du Dr Jack Shepard, abandonne son fils Aaron pour rejoindre son père qu’elle n’a jamais connu, à savoir le Dr Christian Shepard, dans une cabane miteuse, Kate s’empare du fils de Claire. En manque d’amour, car larguée par Sawyer, elle ne trouve sens dans sa vie qu’en la maternité volée. De retour à Los Angeles, elle affirme à qui veut l’entendre qu’elle était enceinte sur l’île et que ce bébé est son fils. Cette appropriation du fils de Claire et les mensonges qui en découlent illustrent le terrible lien qu’elle n’a pas tissé avec son père et surtout avec sa mère, qui ne lui a jamais pardonné d’avoir éliminé un beau-père, pourtant toxique.

Pénélope Widmore Hume

Pénélope, surnommé Penny par Desmond, a, tout comme Sun avec son père une relation très malsaine avec son père, qui n’est autre que le numéro 1 de l’île.

Nouant une relation passionnelle et amoureuse avec un nanti romantique, nommé Desmond, rencontré à la sortie d’un monastère, alors que son futur mari venait de se faire virer de la vie monacale (d’une certaine manière, Desmond s’est fait virer par Dieu !), la relation entre Desmond et Penny sera contrariée par le père, lequel abhorre les mésalliances. Il exige qu’il la quitte fissa. Le romantisme est porté à son paroxysme quand Desmond fait irruption chez Penny pour lui demander son numéro de téléphone, lui jurant qu’il l’appellera dans seulement huit ans ! Promesse tenue, Desmond et Penny font le tour du monde en voilier. Ils en profitent pour concevoir un fils (pas de fille dans cette série !). Mais le méchant rôde toujours, incarné par Benjamin Linus, qui tentera d’assassiner Desmond, mais celui-ci survivra. À noter la symbolique du prénom Pénélope, celle qui demeure pure et disponible au fil des années, en attendant son Ulysse (Desmond), perdu dans les cyclades (l’Île) métaphasiques.

Sun-Hwa Kwon

L’épouse de Jin-Soo, fille unique d’un magnat de la finance. Afin de se libérer d’un père tyrannique, Sun choisit l’exil américain. Les époux en cavale embarquent avec des liasses de billets et des rolex comme bagage, juste avant de survivre dans l’île après le crash.

Sur l’île, elle tombe miraculeusement enceinte. Miracle, car Jin, son mari, est stérile, bien qu’il ne sache pas la vérité. Son obstétricien a menti pour sauver la réputation masculine de son mari, en désignant la fautive, la femme. C’est plus tard, que l’obstétricien apprend à Sun la vérité : c’est bien son mari qui est stérile ! Lorsqu’elle échappe in extremis de l’île, abandonnant à son insu son mari sur un bateau explosif, elle refait sa vie en donnant naissance à un fils. Indépendante financièrement, grâce aux indemnités de la compagnie aérienne, elle ose se mesurer à son père en lui rachetant ses parts. Elle parvient, les yeux dans les yeux (en Corée du Sud, c’est une provocation sociale) à dire à son père qu’il est responsable de la mort de son mari. L’île lui a permis de se défaire des fers de son paternel et de s’affirmer. Elle part vivre à Los Angeles dans le projet de tuer celui qui est responsable de la mort du père de son fils, à savoir un certain Benjamin Linus

Claire Huttington

La survivante, enceinte de 8 mois, fille d’une mère de la classe moyenne australienne, élève seule sa fille à Sydney. La mère ne révèle pas l’identité de son père, à l’instar d’Éloïse Hawking à son fils Daniel). A la suite d’un grave accident de voiture, sa mère sombre dans un coma profond. Claire, en convalescence reçoit la visite d’un homme qui se propose de payer les frais médicaux de sa mère. Il s’agit de son père, le Dr Christian Shephard, le père de qui on sait.

Sur l’île, après moult péripéties, Claire finit par retrouver une relative sérénité avec son bébé, prénommé Aaron et grâce à l’appui sincère de son compagnon, le regretté Charlie.

Puis, dans la saison 4, Claire abandonne mystérieusement son fils, en pleine nuit, et va se réfugier dans une cabane auprès de son père-fantôme, Christian Shephard. Pensant rencontrer Jacob, John Locke découvre dans la pénombre le père Shephard qui lui confie que sa fille Claire est en sécurité auprès de lui.

Commentaire

Il ne faut pas être sorcier pour affirmer que tous les personnages de la série, de près ou de loin, ne tissent pas de rapports apaisés avec le père. Si Freud a affirmé qu’il faut tuer (symboliquement) le père pour exister, les scénaristes que sont les Américains J.J. Abrams, Damon Lindelof et Jeffrey Lieber se sont donnés à cœur joie pour exploiter la problématique freudienne en profondeur !

Tuer le père signifie être libre, signifie posséder une voix qui compte, autant que le père. Avoir sa reconnaissance, tout en étant légitime dans ses choix. Pouvoir se donner l’autorisation de se fâcher avec le père sans rompre définitivement. C’est aussi pouvoir se marier avec qui on veut et vivre dans un autre pays que celui de son père.

Mais tuer le père, c’est aussi devoir assumer la culpabilité de ses actes. Se libérer de son père, c’est indubitablement assumer de briser le lien univoque des valeurs transmises explicitement ou tacitement par le père.

Prenons le cas de Jack Shephard. Si son père, Christian, est le berger qui guide son fils, il est vraisemblablement un berger dans la lune.

Son fils Jack possède des valeurs morales plus hautes que son père, se montre plus doué ( il crée des miracles en opérant des paralysés). Jack est confronté dès la Saison 1 à un dilemme hautement éthique. Dois-je dénoncer mon père ou pas ?

Rappelant que son père, lors d’une opération à haut risque, à cause de son alcoolisme, tue une patiente sous les yeux de son fils. Son père le suppliant de ne rien dire après que son fils était sous le point de révéler son addiction à l’alcool. Jack abdique pour rester dans le rang, son père étant le boss de l’hôpital. Sans lui, je ne suis rien, je lui dois tout.

C’est ce que signifie, entre autres, la célèbre parabole de Jésus, le fils prodigue. L’hyper attitude respectueuse du fils vis-à-vis d’un père fortuné, qui lui offre du travail- sans qu’il ait besoin de le créer, mais aussi un toit, une femme, et surtout la sécurité, empêche ce fils trop respectueux de tuer le père. Être dans l’ombre du père ne lui offre pas la liberté, ne lui permet pas de faire face à l’insécurité, ne lui permet pas de mobiliser ses ressources et sa créativité pour vivre sa propre vie. A l’opposé, l’autre fils qui exige un héritage avant l’heure, décide de prendre des risques et de tenter sa chance. Tout le monde connaît l’histoire, il n’y arrivera pas à cause de son inexpérience et des tentations qui lui font de l’œil tout au long de son errance. Néanmoins, quand il revient, après avoir longtemps galéré, lui, ce fils dépensier, qui a dilapidé la totalité de l’héritage du père, pensait, au mieux, qu’il allait partager la couche des bêtes de somme mais il découvre le plus merveilleux des cadeaux, l’amour inconditionnel du père pour son fils, qui non seulement lui pardonne ses fautes et égarements, mais qui s’en fout, puisque le voici de retour, ce fils qu’il pensait mort.

C’est grâce à sa morale, que Jack parvient à dénoncer son père (apprenant que cette femme était enceinte, son père a ôté deux vies). Alors il tue le père, car il ne peut plus supporter le fardeau de l’immoralité S’il n’avait pas dénoncé son père, il serait resté ce fils soumis à un père délétère, certes charismatique, mais dont la puissance castratrice l’aurait empêché d’accomplir toutes prouesses chirurgicales et tous beaux gestes humanistes. La parabole de l’enfant prodigue signifie donc l’affirmation de ses propres valeurs vis-à-vis d’un père qui prend la liberté de dévier moralement parce que, paradoxalement, il se croit protégé par son fils.

Dans la série LOST, les secrets de famille sont légion. L’identité du père est souvent cachée à l’enfant.

Walt, à qui la mère cache les lettres envoyées par son père de New-York, n’apprend son existence uniquement quand son beau-père lui révèle la vérité sur son ex-femme et sa mort imminente.

Daniel Faraday ne connaîtra jamais l’identité de son père, bien qu’il soit intervenu pour l’inciter à joindre le projet d’infiltration. Claire ne connaîtra l’identité de son père que dans des circonstances dramatiques, au moment où sa mère est condamnée dans un coma profond.

Aussi, ce n’est qu’au retour à Los Angeles, que Jack apprend que son père a eu une fille illégitime, prénommée Claire, restée sur l’île. Secret qu’il ne partage pas avec Kate, qui le somme d’adopter son présumé fils Aaron. En effet, le malaise de Jack est compréhensible, car il y a quelque chose de malsain que de vouloir construire une famille avec celle (Kate l’ignore) qui s’est accaparée le fils d’un autre, Aaron, qui n’est autre que son neveu.

Si tuer le père est une expression dans le langage courant, et qu’elle se comprend symboliquement, il y a un personnage qui a usé de cette formule littéralement, c’est Benjamin Linus. Son père étant si abandonnique, tellement frustré de travailler comme esclave pour le projet Dharma, qu’il s’attire les foudres de son fils. Cela dit, la sociopathie de Benjamin s’explique par une intelligence hors norme, un don pour la manipulation mais surtout une absence d’empathie pour autrui effarante. Tuer son père et par ricochet tuer sa fille c’est digne de l’empereur Caracalla ! Soit dit en passant, Benjamin, à l’instar d’un célèbre dictateur allemand, est asexué. Il chosifie les femmes mais ne les touche pas.

Les liens délétères avec le paternel et par ricochet avec la mère rendent nos personnages sans repères sécurisant dans la vraie vie C’est pour cela que l’île symbolise un divan psychanalytique bien plus exaltant, divertissant, dangereux, viril, miraculeux, exaltant, cruel, et doté parfois du don d’amour que ne le serait, un risible et banal divan de cabinet dans la vie ordinaire.