Maigret
5.4
Maigret

Série France 2 (1991)

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Une critique qui n'en est pas une.

Cette critique n'en est pas une, et ne peut pas en être une, tant je suis enthousiasmé de retrouver cette série !


Déjà, comme dans mon souvenir, de mon point de vue, elle est bien au dessus du lot de toutes les séries policières que je connais, y compris les séries américaines à gros budget (du genre True Detective). Et elle est surement la meilleure adaptation de l'œuvre classique du roman policier français (ou devrais-je dire "franco-belge" ?) de George Simenon, en tout cas elle donne très envie de lire l'écrivain belge !


Le propos y est social et naturaliste, comme dans une nouvelle de Maupassant ou un roman de Flaubert, il est bien plus intelligent et réaliste que ce que l'on peut retrouver ailleurs, car il se glisse par-ci par-là des commentaires délectables sur la société de l'époque, sur la lutte des classes, comme sur le racisme local contre les flamands (il existe aussi un racisme équivalent chez les flamands contre les wallons), sur la collaboration et sur la résistance (la série se déroule juste après la guerre), ou sur l'alcoolisme, la religion, la famille, le statu social, la fortune, etc, sans jamais faire d'exagérations grotesques (comme prendre des airs graves et froncer les sourcils très très fort en croisant les bras pour montrer qu'on est très très concerné par tout ce qui se passe autour), d'actions palpitantes ou d'humour bouffon comme c'est la mode aujourd'hui, le monde de Maigret évolue aussi autour de lui, fourmillant de vie et de détails, sans jamais prendre le pas sur la progression de l'enquête, sans, non plus, nous donner un jugement moral péremptoire en pâture et succomber au prêt-à-penser aliénant propre à notre époque. Comme dans un roman de Dostoïevski, c'est à vous de vous faire votre propre opinion. Ici, il n'y a donc pas de mal absolu à combattre, les criminels sont des personnages crédibles, en nuances, comme vous et moi.


Bruno Cremer, qui porte la série sur ses épaules sans que cela n'empêche aux autres acteurs d'y être tout à fait hors normes, est fantastique en Commissaire Maigret, et il faut dire qu'il a le physique imposant nécessaire pour donner de la voix et pour être l'incarnation crédible d'une justice humaine, réfléchie et flegmatique, mais implacable et inéluctable..., son visage est paternel et sympathique, quoi que teinté de mélancolie, mais l'on sent que son sens du devoir est bien plus grand que lui-même, qu'il en est même écrasant...
Aussi, Jules Maigret (et ça je l'ai lu dans une autre critique et c'est très vrais) est un personnage très intelligent, mais ce n'est pas "un surdoué" ou un Sherlock Holmes; en homme patient et prudent, fin psychologue, Maigret prend du temps pour démêler ses affaires et arriver à ses conclusions, il n'y a donc pas l'eurêka irritant coutumier des séries d'investigation policière ou médicale.


La musique y est en parfait accord avec l'ambiance des épisodes, que ça soit le thème du générique (d'une simplicité absolument géniale), ou son emploi discret mais toujours efficace, non pas pour meubler, ou vous indiquer quelles émotions vous devriez ressentir à un moment donné, mais pour relever le propos ou rendre l'angoisse plus palpable encore (car c'est bien d'une angoisse immédiate terrible - comme celle d'un Alfred Hitchcock-, ou plus larvée et écrasante -comme celle d'un Albert Camus-, dont il s'agit ici, celle d'une société hésitante entre déclin et devenir, revenue du drame, soudainement assourdie par le calme inquiétant d'après la tempête..., mais j'interprète...), chose qui est possible en littérature par la description des lieux, des ambiances et des personnages...


Le rythme y est lent sans jamais être poussif et ennuyeux, il est parfaitement adapté au style de la série, le travail sur l'ambiance -comme la photo ou la reproduction de l'époque, des costumes aux voitures, en passant par les détails historiques comme les photos de René Coty en fond ou le mobilier-, sur les dialogues, la construction des personnages et de leur psychologie, le jeu des acteurs, tout ça est fait avec une conscience professionnelle rare pour une série de l'époque, franchement, je doute de retrouver aussi bien ailleurs. Les gens qui ont travaillé sur la série aimaient visiblement leur métier, et cela transpire à l'écran.


En plus de ça (ou grâce à ça), la série n'a pas vieillit, elle a toujours autant de gueule.


C'est une série excellente que je vous invite à regarder !

AXEL-F
10
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Créée

le 29 sept. 2021

Critique lue 539 fois

25 j'aime

30 commentaires

Axel

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25
30

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