Murderbot
6.1
Murderbot

Série Apple TV+ (2025)

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Ceux qui sont avaient au moins quinze ans à la fin du XXème siècle se souviendront sans doute que les frères Weitz avaient connu le succès populaire dès leurs débuts, avec le pourtant assez peu brillant American Pie, ce qui leur avait valu une bonne réputation auprès des financiers d’Hollywood, et une beaucoup moins bonne chez les cinéphiles. La suite de leur « carrière » les avait vus s’atteler, ensemble ou séparément, à tout un tas de projets à l’intérêt variable, certains comiques, d’autres beaucoup moins. C’est quand même une petite surprise que de retrouver leurs noms aux commandes d’un objet aussi singulier que la série Murderbot, qui conjugue humour et SF de manière inhabituelle, qui plus chez Apple TV+, une plateforme qui se différencie la plupart du temps par ses ambitions thématiques et formelles. Et puis, en relisant la filmographie de Chris Weitz, on réalise qu’il a été co-scénariste sur Star Wars – Rogue One et sur The Creator, ce qui le positionne comme quelqu’un de crédible dans le domaine de la SF…

Murderbot nous raconte les aventures de « Sec-Unit », un « robot-guerrier », destiné à la protection de ses "clients" êtres humains, qui a réussi à s’affranchir de son système de commande l’empêchant justement de tuer des humains, et qui est donc devenu potentiellement une machine de destruction inarrêtable. Mais quand il part avec une bande de hippies bienveillants explorer une planète, il se sent de plus en plus touché par - et proche de - ces drôles de bipèdes pleins de défauts qu’il méprisait cordialement jusque-là.

Murderbot est en fait l’adaptation du livre All Systems Red (2017), premier tome d’une suite de romans intitulée The Murderbot Diaries, de Martha Wells. Vu l’excellente réputation de ces livres, on peut donc penser que les frères Weitz ont vu leur travail facilité par la participation de l’autrice à la conception de leur série… On se lance avec enthousiasme dans le visionnage des 10 épisodes de… vingt à vingt-cinq minutes… soit une durée franchement inhabituelle pour ce qui est malgré tout une histoire complète, complexe même, puisqu’elle mêle action (la petite équipe est sujette à des attaques répétées d’un groupe hostile mystérieux), comédie (les interactions entre le robot et ses drôles de « clients », aux opinions pour le moins originales – très « woke » en fait) sur la nature humaine, et introspection psychologique pas si simpliste que ça (quelque part, « Sec-Unit » cherche le « sens de la vie »…).

Les qualités de Murderbot sont très vite évidentes : il y a tout d’abord la performance d’Alexander Skarsgård (qu'on avait déjà apprécié dans Succession), son jeu discret, non démonstratif, et surtout sa voix remarquablement placée pour refléter l’ambiguïté de ce robot en quête d’identité et de « sens » (même – et surtout – dans les médiocres séries TV qu’il visionne dès qu’il a quelques secondes de libres…) ; il y a l’esthétique soignée des personnages, des décors « SF », et même l’efficacité des effets spéciaux, certes modestes (on peut imaginer que le budget de la série n’était pas celui d’une mégaproduction) mais convaincants. Et puis il y a cette atmosphère, drôle et pourtant, quelque part, mélancolique, reflétant bien cette angoisse existentielle du robot, mais aussi de ses compagnons humains.

Malheureusement, plus les épisodes défilent, plus les défauts de Murderbot deviennent visibles. Et plus la frustration s’installe… Comme on le craignait, la durée des épisodes, surtout quand on a visionné la série au rythme d’un épisode par semaine, « fracture » littéralement la continuité du récit, et l’artificialise, avec ces cliffhangers répétés, sonnant de manière trop systématique pour nous embarquer. Murderbot a un problème fondamental de rythme, semblant paradoxalement à la fois trop lent et trop haché, et la fatigue gagne vite le téléspectateur. Le mélange – certes difficile – entre comédie, drame et action, ne fonctionne pas bien, et l’on se dit alors qu’il aurait fallu des showrunners ou des réalisateurs d’un autre calibre que les frères Weitz pour relever ce type de défi. Et puis, pire peut-être encore, les thématiques queer et poly-amoureuses, que l’on soupçonne d’avoir été ajoutées aux livres (pas encore lus, malheureusement), se révèlent gratuites, superficielles, voire ambigües : s’agit-il ici de moquer le wokisme ou au contraire l’anti-wokisme ?

Bref, Murderbot était une promesse alléchante, qui est loin d’être tenue. Si Apple TV+ décide malgré tout de poursuivre l’expérience, il conviendra de redresser sérieusement la barre. Et peut-être de changer de showrunners ?

[Critique écrite en 2025]


https://www.benzinemag.net/2025/07/18/apple-tv-murderbot-de-chris-weitz-et-paul-weitz-promesse-non-tenue/

EricDebarnot
5
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le 18 juil. 2025

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Eric BBYoda

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