Ozark
7.3
Ozark

Série Netflix (2017)

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Vous êtes en manque de récits au long cours dans la pure lignée de « Breaking Bad » ou « The Americans » ? Vous pouvez vous lancer dans le visionnage d’Ozark, la série Netflix qui reprend peu ou prou les mêmes ingrédients. Mais y trouverez-vous les mêmes saveurs ?

Dès le début de l’histoire qui se déroule à Chicago, on sait que Marty Birde blanchit de l’argent au profit de narcotrafiquants mexicains. Tout se passe pour le moins pire jusqu’à ce que l’organisation découvre que les personnes avec qui Marty travaille volent de l’argent au passage. Il ne doit alors la vie qu’au pari risqué que celui-ci évoque avant de se faire liquider : blanchir une quantité d’argent considérable à proximité des lacs Ozark dont il vante les mérites en terme d’implantation. Il a carte blanche pour exécuter son plan avec toutefois un ultimatum temporel drastique. En cas de retard, lui et toute sa famille mourront. Un départ de Chicago houleux qui l’obligera à dévoiler ses activités auprès de sa fille adolescente et de son fils plus jeune ce qui ne sera pas sans conséquence. Situation d’autant plus compliquée donc que sa relation de couple est plus que tendue.

Nous sommes donc dans une situation où la famille Birde va continuellement risquer sa vie devant les défis qu’elle aura à accomplir : trouver des investissements possibles, lutter contre la concurrence locale (en particulier le couple Snell qui dirige la production locale d’héroïne), résister à la convoitise des Langmore, famille « white-trash » avide de mauvais coups et à l’intrusion du FBI qui trouve le comportement des Birde suspect. Des intrications complexes entre tous ces personnages, des coups-fourrés, des difficultés familiales, de la violence… On est en présence d’une production proche des grandes sagas d’un temps révolu.

La suite de cette chronique est à retrouver sur ce lien https://seriephiledudimanche.jimdofree.com/2021/11/04/ozark/

Critique de la saison 4 (final)

Une ascension involontaire

La famille Byrde a eu chaud. Durant 3 saisons, elle est parvenue à rendre caduque chacun des ultimatums adressés à son encontre par Omar Navarro, un parrain de la mafia mexicaine. Car en se lançant dans le blanchiment d’argent sale, Marty Byrde s’était rapidement retrouvé sous la tutelle de criminels aussi prompts à se débarrasser de potentiels concurrents que de partenaires à la fiabilité incertaine. Ainsi, quand son « collègue » avait été surpris à voler ses redoutables employeurs, il avait obtenu un sursis en proposant d’implanter son activité illégale aux abords des Monts Ozark. Une pirouette efficace qui a néanmoins contraint Marty à mettre sa femme Wendy dans la confidence. Puis ses enfants, Charlotte et Jonah. Dès lors, vivant au milieu des billets de banque, chacun n’aura d’autres choix que d’apporter sa contribution à la survie de la famille. Ce faisant, elle n’évite malheureusement pas les dommages collatéraux, provoquant la chute d’individus ayant eu le malheur de croiser leur chemin. En soi, Wendy et Marty n’ont pourtant pas l’apparence de criminels. Il ne leur viendrait d’ailleurs pas à l’idée de se servir d’une arme intentionnellement. Toutefois, dans l’écosystème mafieux, la compétition est rude et le nombre de places, limité. Alors, c’est eux ou les autres. En devenant ainsi des meurtriers passifs, ils finissent par gravir à leur insu les échelons de la pyramide du pouvoir. Par là même, à force de leur glisser éternellement entre les doigts, le désir qui les anime de retrouver une vie « normale » nous apparaît de plus en plus illusoire. Mais en ont-ils encore réellement envie ?


Une question à sens unique

Cette quatrième saison d’Ozark constitue donc le final d’une saga où des personnages ordinaires se retrouvent embarqués dans une histoire extraordinaire. Ainsi, à l’instar de Walter White dans « Breaking Bad », chaque membre de la famille Byrde endosse un rôle à contre-courant de son statut social. Cependant, là où la mythique série de Vince Gilligan était parvenue à réinventer ses enjeux narratifs au fil des saisons, « Ozark » s’est toujours contentée de parier sur un seul et unique ressort pour tenir le spectateur en haleine. Et c’est peu dire que celui-ci a fini par s’user. Pour schématiser, la famille Byrde se voit investie de missions à priori impossibles à remplir. La mort semble donc au bout du chemin. Mais grâce à de sempiternelles manœuvres financières et politiques, elle parvient systématiquement à s’en sortir. Alors oui, les conséquences s’avèrent souvent aussi cruelles que douloureuses. Mais elles se trouvent justifiées par une rhétorique implacable : « C’était pour sauver notre famille, nous n’avions pas le choix ! ». Cette position de principe est censée mettre le spectateur dans l’embarras : les Byrde sont-ils d’affreux malfrats dans le déni ou des gens respectables contraints de mal agir aux vues des circonstances ? Le problème, c’est qu’à force de nous poser toujours la même question, on n’a plus forcément envie d’y répondre. Surtout qu’à certains moments, le choix, ils l’ont eu mais ont délibérément choisi de poursuivre la voie du pouvoir…

Un épilogue bien ficelé

Cette logique, on se doutait qu’on la retrouverait une nouvelle fois lors de cette ultime saison. Et en effet, sur ce plan, nous sommes en terrain connu. D’ailleurs, visiblement satisfaits de leur procédé narratif, les auteurs nous gratifient cette fois-ci de 14 épisodes contre 10 précédemment. La mécanique, déjà répétitive, traîne alors considérablement en longueur. A tel point qu’à moins d’être soi-même comptable, on en oublie de questionner la crédibilité des solutions apportées par Wendy et Martin pour s’extirper des impasses dans lesquelles ils se sont fourrés. On accepte ce qui nous est proposé et on attend le dénouement. Pour le dire autrement, cela tourne copieusement en rond et on espère que le final atteindra une tension dramatique propre à nous faire réviser notre jugement. Et qu’il justifie à lui tout seul la construction rébarbative du scénario. Il semblait évident qu’à force de jouer avec le feu, certains se brûleraient les ailes. On partir de là, il faisait peu de doutes que la tragédie viendrait gâcher la danse. On était cependant impatient d’en connaître la teneur. Cet épilogue paraît donc aussi cohérent que convenu. En revanche, il débouche sur une sorte de « second effet Kiss Cool » qu’on n’avait pas vu venir. Et là, rien à dire, on remercie les auteurs d’avoir enfin réussi à nous surprendre et à boucler ainsi leur histoire sans avoir laissé quiconque sur le bord du chemin.

Des personnages solides

Mais quid des émotions censées accompagner ces dernières scènes ? Reconnaissons que cet aspect n’a jamais été le point fort d’ « Ozark ». Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir correctement traité ses personnages. Laissons de côté les nouveaux venus, plus là pour donner du grain à moudre à la narration qu’à l’humaniser, mais concentrons-nous sur les pivots de cette histoire. Certes, Charlotte, la fille Byrde, paraît toujours aussi accessoire. Mais pour les autres, ce serait mentir que d’affirmer qu’ils n’ont aucune consistance. Ruth est assaillie par des émotions que Julia Garner parvient cette fois-ci à transmettre. De son côté, si Marty reste aussi impassible et pragmatique qu’à l’accoutumée, la relation complexe qu’il entretient avec cette dernière constitue le véritable axe sensible de la narration. Malgré la froideur qui semble tous deux les habiter, voilà des êtres sensibles embarqués dans des luttes aux conséquences si néfastes qu’il leur est impossible d’exprimer la vraie nature de leurs sentiments, qu’il s’agisse de rancœur viscérale ou de profond respect. Jonah, quant à lui, entretient avec sa mère une relation conflictuelle qui donne lieu à des revirements scénaristiques plus ou moins habiles. Mais le fait est que Marty lui-même éprouve bien des difficultés à gérer le despotisme naissant de sa femme Wendy. Portée par une formidable Laura Linney, celle-ci constitue sans nul doute le personnage dont l’évolution aura été la plus notable au cours de ces quatre saisons. Qu’elle paraît loin la femme en déshérence qui subissait la situation plus qu’elle n’essayait de la contrôler ! Dorénavant, son machiavélisme nous glace le sang sans que le spectateur puisse remettre en cause la logique de cette transformation.


Conclusion

Hormis la relation Marty/Ruth, les rapports entre les personnages manquent tout de même de finesse et de profondeur. Que ressentent-ils les uns pour les autres ? Ils ont beau répéter que leurs actes sont conditionnés par l’amour qu’ils portent à leurs proches, ils tendent à adopter des postures presque « survivalistes » qui laissent peu de place aux sentiments. Alors, est-ce pour cette raison que l’on a bien du mal à s’attacher à eux ? Est-ce dû à la nature peu louable des activités auxquelles ils se livrent ? Ou plus simplement à la tristesse qui se dégage des paysages des Monts Ozark et de ses lacs (tristesse décuplée par cette photographie bleutée que la lumière du soleil ne parvient pas à réchauffer) ? Quoi qu’il en soit, l’épilogue d’ « Ozark » a beau être tragique, il ne parvient pas à nous émouvoir totalement. En effet, il découle d’une histoire qui a tenu à confronter ses personnages pourtant bien campés, à des dilemmes moraux vite mis de côté dès lors qu’il s’agit de sauver sa peau. Bien qu’agréable à regarder et bien interprétée, il en résulte une série un peu froide qui aura jusqu’au bout eu toutes les peines du monde à diversifier la forme de ses enjeux narratifs.

vosarno
6
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le 16 oct. 2022

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vosarno

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