Un acteur = toutes les voix. Les doubleurs québecois sont efficaces.

Vous en connaissez beaucoup, vous, des comiques tellement célèbres qu'ils ont donnés le nom à un dessin-animé ? (Ne me citez pas Carlos, merci.)

Alors, je vais couper cours à deux remarques en y répondant tout de suite.
- Oui, les québécois parlent pas comme nous. (Mais arrête de faire semblant d'imiter Céline Dion, en disant "tabarnak" tous les deux mots, c'est nul.)
- Non, c'est pas aussi bien que les deux Minutes du Peuple (version audio.) Mais ça reste quand même assez sympathique à regarder.

Il faut dire que passer de sketchs radiophoniques de 2 minutes random à l'écriture à celle d'une série d'épisodes de 20 minutes avec des personnages récurrents, demande de sacrés changement. On perd d'un seul coup le condensé qu'avaient les petites "capsules" ainsi que le côté "très cartoonesque" qui s'en dégageaient : quand il était obligé de faire comprendre les choses par le son et non par l'image, il devait plus exagérer. Ceci dit, si Pérusse Cité repose un peu sur le gag visuel, on garde la formule originale : les jeux de mots, les approximations verbales, l'absurde.

Pérusse reste dans son cadre : le fait que les deux personnages principaux travaillent, l'un pour le ministère de l'environnement et l'autre pour la publicité lui permet de rester dans ses ressorts comiques préférés : l'absurdité du langage politique, les décisions catastrophiques et les fausses pubs. A cela on peut ajouter que la blonde du personnage principal, est coiffeuse, ce qui rajoute un côté "parodie des médias" et on retrouve assez souvent de fausse interview télé. (Dont le personnage de Tristan Direct, déjà utilisé pour le JourNul.)

Techniquement, la série fait quand même pale figure comparé à ce qui se fait maintenant : son pitch principal ressemble un peu à un ersatz de Spin City (la vie d'un conseillé obligé de coatcher un politicien gentil mais un peu nul) et graphiquement, le style rondouillard des productions Oasis font parfois ressembler à ces avatars facebook tout fait faussement "cartoon". (Toutefois, soyons honnête, la série fait un sérieux bond technique entre la première et la deuxième saison.) Malgré cela, le chara-design reste bien trop générique (certains personnages ressemblant littéralement à ceux qu'on trouverait dans un guide de type "le cartoon pour les nuls") et Ben et Guy ressemblent vaguement à des personnages de CTRL ALT DEL. De même leur personnalité est relativement "plate" : Le jeune héros avisé, le politicien gaffeur, le playboy, la fille, la ménagère, etc...

Toutefois, ce Perusse Cité est loin d'être inintéressant. D'abord, c'est l'un des rares dessin animé adulte à parler d'écologie. Pas dans le sens "holalala, tuer les bébé phoques c'est pas bien les enfants" mais en abordant des sujets aussi divers que l'enfouissement des déchets, le gaz de schiste, la signature des protocoles sur le gaz à effet de serre, etc... D'ailleurs la série aborde certains problèmes de société : l'engorgement des hôpitaux, les smartphones et la vie privée, le business des franchises, etc.... C'est parfois un peu simpliste dans sa résolution, mais le fait d'avoir pour toile de fond des véritables problématiques est assez couillu.

D'ailleurs, le mélange de sérieux et de cartoonesque a tendance à être un peu bizarre : parfois ça assied la série dans son côté bizarre (l'indice crucial qui va résoudre un épisode sur les baleines est donné par un lave-linge hanté) mais ça fait perdre de la force au message. Toutefois, la série possède de nombreuses punchlines réussis : ("On peut pas parler, les murs ont des oreilles." "Les murs ont ptet des oreilles, mais moi j'ai un trou-du-cul dans mon bureau.") Sans parler de certains running gags assez marrant (les montages sur Léopold après chaque moment où Ben dit un petit mot amoureux à sa copine me font hurler de rire.) Chose étrange : des storyline entamées au début de certains épisodes ne trouvent pas vraiment de résolutions à la fin. (Et ceux-ci se terminent de façon abrupte, sans épilogue.)

Et puis, si les français détestent la référence à la pop culture dans leur production, Perusse adore ça et rajoute des tonnes de gags là dessus. Alors, très souvent ça fait référence à des stars typiquement québecoise, mais quand ça tombe sur des gags sur la France ou sur une star connue aussi à l'étranger ça fait pouffer de rire. (Voir un dessin animé dans laquelle on voit sur un journal "Garou : mon prochain album ne sera pas mieux" j'aime bien.) De plus, il a foutu de l'eau dans son vin : plus de gags graveleux à base de "va t'asseoir sur mon visage" ou "je voudrais pas vous visser une ampoule électrique dans le cul", plus d'homosexuel caricaturé en folle extrême et plus d'accents racistes pour les noirs ou les asiatiques. Ce qui était, je dois le dire, parfois un peu gênant.

A vrai dire, j'ai regardé cette série parce que j'étais dans une situation bien stressante (la perte d'un téléphone portable, sa localisation et les formalité qu'il faut refaire) et que j'avais envie de me trouver un truc à regarder qui soit méga divertissant et accessible. Il faut dire que la série depuis son annulation il y a 5 ans a été repostée en intégralité sur la chaine YouTube de François Pérusse, avec des sous-titres pour les maudits français comme moi, qui ont du mal avec l'accent québecois. Non seulement elle a rempli son office, mais j'aime bien l'accent québecois et les petites subtilités de langage entre eux et nous (le fait qu'ils disent "mon beau" pour qualifier un de leur ami par exemple.) Et apprendre des trucs sur nos amis d'outre atlantique, a fait aussi pas mal pour mon appréciation personnelle de ce dessin animé.