Pour seul bagage
6.7
Pour seul bagage

Drama Netflix (2024)

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Ce drama est, pour l’instant, mon plus joli retournement de veste : je l’avais commencé puis abandonné sans regret, avant de le reprendre, et de finalement l’aimer pour ce qui m’avait découragée au premier visionnage. Comme quoi, le cœur a ses raisons que la raison ignore... Et c’est d’ailleurs le contrepied que prend Pour Seul Bagage en explorant la raison plutôt que le cœur.

No In-ji est une mariée contractuelle, c’est-à-dire qu’elle est affectée à un mariage par une entreprise, NM. Les relations sont définies par un manuel, tout est cadré, pro, et il n’y a pas de place pour les sentiments, les déchirements juridiques, ni pour les chagrins amoureux. Ça lui va bien, elle qui a été abandonnée par son fiancé quelques années auparavant, une semaine avant le mariage. Ayant mis ses rêves au placard, elle s’est reconvertie en épouse contractuelle, et excelle dans cette nouvelle carrière.

Son nouveau mariage lui ayant été attribué, elle se retrouve cette fois avec Han Jeong-won, un producteur de musique richissime et esseulé. Celui-ci, divorcé mais toujours amoureux de son ex-femme a été contraint à ce mariage arrangé par... son ex-femme justement. Oui, c’est un peu tordu. Mais l’ex-femme en question a une revanche à prendre sur Han Jeong-won, et ce mariage arrangé, c’est une manière de le punir et de le faire languir : s’il arrive à rester marié à No In-ji pendant un an, alors ils pourront se remettre ensemble. Oui, c’est toujours tordu. Quoi qu’il en soit, Han Jeong-won et No In-ji se retrouvent mariés, et la relation ne démarre pas exactement sur les chapeaux de roues. Distant, froid, cinglant, Han Jeong-won ne réserve pas un accueil chaleureux à sa nouvelle épouse. Et de son côté, celle-ci, qui en appelle au manuel pour régir leur relation, a d’autres chats à fouetter : un homme, qui la harcelait depuis des années et qui était interné dans un centre, en est ressorti. Or, et elle le sait, il la cherche, et il est prêt à tout pour la retrouver et la garder près de lui...


Voilà, comme vous pouvez le constater, l’histoire est un brin embrouillée, et c’est une des raisons qui m’avait poussée à mettre ce drama sur pause. Ajoutez des personnages tortueux, une ambiance sombre, lourde, pesante, un rythme lent, peu de dialogues, et de nombreux allers-retours entre différentes temporalités, tout cela avait eu raison de ma persévérance.

Mais finalement, au deuxième essai, et une fois familiarisée avec l’intrigue, j’ai vraiment apprécié ce drama. Les lumières froides, bleutées, le rythme lent, viennent appuyer la solitude et la détresse des personnages. Les décors sont splendides, avec une maison à l’image de la série : complexe et écrasante. La réalisation est superbe, et on sent que la production a mis le paquet.

Car c’est une production Netflix, et bien que je ne sache pas dans quelle mesure la chaîne est impliquée dans le développement et le scénario, j’ai tout de même l’impression qu’elle y a laissé sa patte. L’avantage, c’est que le drama peut se targuer d’une mise en scène somptueuse, et de superstars à l’affiche (à commencer par Gong Yoo, vu dans Squid Game, mais qui pour moi reste surtout le papa de Dernier Train pour Busan), mais d’un autre côté, cette série, étiquetée “drama” ne répond pas vraiment au cahier des charges du genre. Pas de rupture de jeu, pas d’humour ni de burlesque pour aérer les scènes intenses, et surtout, quelques scènes un peu crues, qui surprennent quand on s’attend à regarder un k-drama “classique”. Bon, des scènes crues, on en a tous vu dans des films américains, français... Mais dans des k-drama, moi, je n'en avais encore jamais vu. Et je comprends que ça puisse surprendre.


Nous sommes, en définitive, face à un objet étrange, sorte de thriller psychologique qui nous transporte hors des codes attendus du drama. Les comédiens réussissent parfaitement à tenir leurs personnages, bien qu’il soit difficile de s’attacher à eux ou d’éprouver de l’empathie tellement ils sont taiseux et froids (du moins, durant la première partie de la série). Le scénario peut sembler bancal par moments, ou certains personnages pas assez creusés, mais cela n’altère pas la curiosité d’aller au bout de l’histoire.


Et la fameuse malle, me demanderez-vous ! Eh bien, j’avoue que ce bagage, même s'il ouvre l’intrigue (l’histoire commence avec la découverte d’une malle en bordure d’un lac, et d’un cadavre) reste plutôt anecdotique tout au long du drama. C’est un fil rouge, car chaque épisode est ponctué d'interrogatoires de police pour essayer d'élucider le mystère autour de cette malle, mais qui passe rapidement au second plan.


Pour Seul Bagage est l’adaptation de la nouvelle 트렁크 (The Trunk), de Kim Ryeo-ryeong. Publiée en 2015, cette nouvelle traduite en anglais en 2024 a été écrite alors que le taux de mariage et de natalité étaient en chute libre en Corée du Sud (taux qui n’a d’ailleurs pas cessé de chuter jusqu’en 2023). Et effectivement, elle met en scène des relations maritales basées sur un contrat encadrant clairement les attentes des deux parties, qu'elles soient sentimentales ou financières, et peut se lire comme un reflet poussé à l'extrême des difficultés des Sud-Coréens à se projeter dans des relations. Comme nous pouvons le voir dans le roman Kim Jiyoung, née en 1982 de Cho Nam-joo, les inégalités homme/femme qui subsistent dans la société sud-coréenne, ainsi que l’abandon ou la démission quasi-systématique des femmes de leurs études ou travail dès lors qu’elles deviennent mères, ne semblent plus coller avec les envies ou aspirations actuelles de la population. Cette baisse des mariages se comprend bien entendu au travers d’une variété de facteurs - bien souvent économiques (l’accession à la propriété est difficile, le coût de l’éducation des enfants a grimpé en flèche depuis quelques années,...), elle n’en est pas moins bien réelle, et The Trunk semble avoir voulu en présenter une vision exacerbée, où l'amour et le mariage sont réduits à de simples transactions.


Bref, avec ce drama, et au-delà de ses qualités propres, j’ai, comme vous pouvez peut-être le déduire, aimé découvrir un pan de la société sud-coréenne que je ne connaissais pas.

Je trouve que c’est d’ailleurs l’une des choses les plus appréciables avec les dramas : ils nous permettent d’ouvrir des fenêtres sur la culture sud-coréenne, et elle est à l’image de toutes les cultures, contrastée. Aussi fascinante que déroutante, parfois enchanteresse, parfois violente, certains pans en sont plus sombres que d’autres, et, avec Pour Seul Bagage, c’est un peu la malle de Pandore que nous ouvrons.

QuoiCoree
9
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le 21 sept. 2025

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