Raising Hope
6.9
Raising Hope

Série FOX (2010)

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Pourquoi Raising Hope, Malcolm etc, en fait, c'est de la daube.

Je n'ai jamais pigé pourquoi Fox, caricature de la multi chaîne américaine de propagande républicaine extrémiste, produisait des satires sociales de plus en plus white trash comme Marié deux enfants, Malcolm, ou My name is Earl. Je n'ai jamais trop cherché en fait, m'amusant juste de leurs blagues acides. En regardant le premier épisode de Raising Hope j'me suis dit "tiens ça à tous les coups c'est du Fox" et en voyant que c'était le cas la question est revenue sur le tapis.

Alors j'ai commencé à creuser pour comprendre déjà d'où venaient ces comédies. Elles démarrent dans les années 20/30 sur les radios et sont déjà ultra formatées, l'attrait permettant une grille publicitaire lucrative, les histoires sont écrites en incluant les pages de publicité dans leur temps d'antenne. Elles définissent vite un genre, les comédies de situation (sitcoms) ce qui veut dire en gros qu'on met en place une situation environnementale (une famille vivant en banlieue par exemple), et qu'on chie des épisodes à tire larigot en ajoutant à chaque fois une situation événementielle : le petit a un chien pour noël mais il casse un vase, le père veut une nouvelle voiture, la mère voit son four tomber en panne, etc. On rigole bien tout du long (quitte à enregistrer les rires pour ceux qui comprennent pas) et au final on finit bras dessus bras dessous dans un happy end familial.

Avec l'arrivée de la télévision les sitcoms passent vite sur ce support et des shows comme I love Lucy définissent un peu plus le genre en confinant la situation environnementale à la cellule familiale blanche qui poursuit le rêve américain, permettant de vendre des soupes campbell, des frigidaires etc. Leave it to Beavers, Ma sorcière bien aimée et bien d'autres série enfoncent le clou : une bonne sitcom c'est une famille blanche, apolitique qui vit en banlieue, cela dure 30 mn, dont 8mn de pubs. Dans les années 80 le rêve américain commence à prendre du plomb dans l'aile. Les banlieues ne sont plus les mêmes, le rêve américain fait de la résistance mais ne se suffit plus à lui même. Il faut commencer à y introduire des situation plus déroutantes comme l'intégration de classes inférieures avec Madame et servie ou "raciale" avec le Cosby show. Pourtant le problème n'est pas tant la réussite de familles non blanches que la déstructuration des banlieues qui à coup de crises et de matériaux de construction non durables, se délabrent. Les bourgeois partant à la périphérie de la périphérie les suburbs des sitcoms ne collent plus avec celles de la réalité, il faut trouver autre chose car le public se lasse de ces univers qui ne ressemblent plus à leur quotidien.

Cet autre chose c'est la resucée de deux shows des années 70 qui avaient tenté une percée subversive dans le milieu policé des soap opéras (synonyme de sitcom mais évoquant plus leur vocation à servir d'attrape couillon pour vendre du savon) en les caricaturant pour flinguer leurs histoires gnangnans et conservatrices : Mary Hartman, Mary Hartman et Soap. Leur liberté de ton inspirent de nouvelles caricatures de sitcoms : Mariés deux enfants, Roseanne et les Simpsons qui ouvrent le bal. Le principe c'est un peu : le public ne croit plus dans un avenir radieux, à défaut de leur en fournir un moquons nous des séries qui leur promettent. Les sitcoms white trash sont nées. Elles deviennent de plus en plus acerbes mais ne remettent pas fondamentalement en cause le système.

Mais même les bourges craquent, Desperate Housewives commence par un suicide dans ce monde si parfait, Weeds crache à chaque générique sur la dépersonnalisation des banlieues cossues et démontre que le rêve américain se poursuit à coup d'illégalités, Dexter et Breacking Bad n'en parlons pas. La comédie a bien du mal à retrouver sa place sans s'associer au drame. Certains comiques essaient tout de même de la mettre au cœur de leurs productions. Avec Arrested Developement Hurwitz saute sur les nouveaux pauvres qui ne peuvent vivre dans une baraque de sitcom classique qu'en squattant une maison témoin d'un lotissement qui ne verra jamais le jour, moins banlieusard car New Yorkais Louis CK déboite le genre "appartement" (Punky Brewster, Friends, etc) avec Louie, la bande de The Office dynamite la gestion même des banlieues avec Park and Recreations. Mais le mal est fait, les personnages ne peuvent pas s'évader de leurs névroses, avant elles étaient niées, aujourd'hui elles s'étalent.

Chez Fox on s'arrête en 1980. La chaîne ne peut pas laisser passer sur ses ondes les raisons de cette déliquescence sociale car elle ne peut pas mordre la main de son maître qui est à l'origine du problème. Elle ne peut pas non plus ignorer que si elle passe à côté des réalités ses shows se casseront la gueule, elle tente bien la diversion avec une sitcom vintage comme le '70s Show pour éviter de se frotter au présent. Mais ça ne peut pas durer éternellement. Alors elle s'enferme dans du sarcasme social contemporain sans controverse qu'elle avait initié avec Marrié deux enfants. L'exercice est un véritable grand écart qui l'oblige à renforcer son talent d'écriture. A défaut de fond elle parie sur la forme et comme elle sait choisir les auteurs / réalisateurs / acteurs qu'il faut, ça marche.

On mange du sarcasme sous des airs d'engagement social mais il n'en sort absolument rien. A part peut-être un arrière goût de "nous sommes pauvres et incultes mais ça nous va" qui sonne comme un anti dépresseur. Ces séries sont un bon opium permettant à la masse white trash de se sentir mieux dans ses pompes sans remettre en question le système qui génère leur condition, et aux autres communautés de se foutre de leur gueule.

C'est très bien fait, on devient vite accro à Al Bundy, Malcolm, Earl et Hope. Ici pour les voir on devait principalement passer pas M6 qui n'est pas une chaîne qui diffuse les mêmes saloperies intellectuelles que Fox. Ce sont donc des divertissements tout à fait bénins dans un environnement tout aussi bénin. Mais pour les américains elles conduisent à rester sur Fox un peu avant (les infos du soir), un peu après... et là dans le contexte ce n'est plus du tout la même chose. Voilà des séries addictives qui servent d'hameçon à la propagande immonde de Fox.

Je continuerai à les regarder pour rigoler mais sans doute moins maintenant que je suis conscient de leur superficialité et de la profondeur de leurs concurrents. Comme je risque me farcir l'intégralité de Raising Hope, qui est un pur produit de cette veine sarcastique mais totalement creuse. Je sais, j'ai pas vraiment parlé de la série en elle même, mais fondamentalement il n'y a rien d'autre à en dire. En tout cas j’achèterai pas de DVD parce que c'est comme acheter du shit dans la rue : ça scotche sur le canapé et ça fait rire, mais ça contribue à armer et financer le terrorisme.



Au départ 5 parce que Raising Hope est assez bien foutu et ne mérite pas moins que la moyenne (quoi que), mais finalement ne mérite pas davantage non plus. Et du coup je sais même comment noter tout un tas de production Fox du même tonneau.

Je rabaisse à 3 à cause de l'épisode 2 de la saison 2 qui est une caricature absolue du concept Fox. On y apprend que ceux qui critiquent les riches le font parce qu'ils ont un complexe d'infériorité vis à vis d'eux masquant un complexe de supériorité vis à vis du reste du monde. Qu'un pauvre qui a tout comprit à la vie ferme sa gueule et accepte sa condition et notamment son inculture. On observe clairement dans cet épisode ce que Fox avait réussi à masquer dans Malcolm et autres produits white trash : sa volonté de se servir de ces séries pour endormir toute contestation d'une société de classe dont les plus hautes s'enrichissent avec mépris sur les plus basses. Raising Hope est clairement un outil d'abrutissement de la middle "lower lower" class.

PS: Fox n'a quand même pas pu s'empêcher de coller dans le générique :
"Birth control, no no no"
Chassez le naturel.... e_e
doppler
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le 4 mars 2015

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doppler

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