Reset
7.8
Reset

Drama Tencent Video (2022)

Là où beaucoup de séries sacrifient la cohérence de la boucle à un artifice scénaristique, Reset construit patiemment sa sortie sur des indices concrets. La vérité émerge de la répétition.


Une étudiante, Li Shi Qing, se retrouve piégée dans une boucle temporelle après l’explosion du bus qu’elle emprunte. À chaque redémarrage, elle revit inlassablement les mêmes instants et entraîne malgré elle Xiao He Yun, un concepteur de jeux vidéo, dans ce cycle infernal. Ensemble, ils tentent de comprendre l’origine afin de trouver une issue à ce cauchemar répétitif.


L’enjeu est clair : empêcher que le bus explose et sauver tous les passagers. Mais plus la série avance, plus il s’élargit. Surtout, la sortie reste crédible. La résolution n’est pas magique, ni un tour de passe-passe scénaristique (comme dans Une Famille Atypique) : elle s’appuie sur les indices accumulés au fil des boucles (détails visuels, paroles des passagers, micro-éléments du décor).


Comme la bille d’un flipper (en référence au très joli opening), les héros rebondissent sans cesse dans un circuit fermé : ils échouent, recommencent, apprennent. Reset est autant une mécanique de suspense qu’un récit sur la persévérance et l’apprentissage. On ressent leur lassitude, leur angoisse et leur panique à force de revivre le même accident. Et leur relation évolue peu à peu, de la méfiance initiale au soutien, jusqu’à une complicité profonde.


Là où beaucoup de boucles temporelles se concentrent sur un seul protagoniste, Reset propose un duo particulièrement attachant. Deux jeunes ordinaires, forcés de coopérer, de se faire confiance et de s’épauler. Ils sont même liés par leurs prénoms, comme le rappellent les traductrices de Viki (toujours attentives à donner des pistes). Ces prénoms viennent d’un vers du poète Liu Yu Xi : « Une grue fend les nuages et entraîne l’élan poétique vers le ciel clair. »

He Yun est la grue, Shi Qing l’élan créateur. Dans l’iconographie chinoise, la grue symbolise noblesse et longévité, les nuages la confusion, tandis que l’élan renvoie à l’inspiration et au sens. La composition de leurs noms éclaire ainsi la dynamique du duo, proche du Yin et du Yang.


Et puis il y a Lu Di, le jeune otaku asthmatique, qui perçoit très bien pourquoi ces deux-là sont liés dans la boucle. Son prénom même, Lu (route), Di (flûte), sonne comme un messager. Mais surtout, il interagit avec eux comme un joker de la boucle, à la manière d’un compagnon de jeu vidéo qui fournirait un indice manquant pour avancer.


Xiao He Yun, de son côté, applique aux boucles une logique de gamer : chaque redémarrage est un nouveau niveau, il teste des options, observe les patterns, accepte l’échec pour progresser.


Au-delà du suspense, la série aborde des thèmes humains comme la responsabilité, la compassion, le harcèlement sexuel et le cyberharcèlement. La boucle devient une enquête sociale mais aussi un voyage intérieur : derrière l’enjeu de départ se cache une tragédie humaine. En ce sens, la série rappelle que tant qu’on n’affronte pas la vérité, l’histoire continuera de se répéter. Il ne s’agit pas seulement d’empêcher physiquement une catastrophe, mais de rompre une chaîne de douleur.


La série est très addictive, bien écrite tant dans la forme que dans le fond, et découpée en trois arcs de cinq épisodes d’une quarantaine de minutes. Ça ne traîne jamais : parfois on revoit la boucle entière, parfois seulement des fragments, parfois des échappatoires offrant des pauses ou de l’émotion. Le rythme est maîtrisé. En négatif, on pourrait reprocher peut-être des passagers un peu trop caricaturaux et pas suffisamment nombreux. Et puis la censure veille.


Le duo principal fonctionne à merveille. Bai Jing Ting confère à Xiao He Yun une humanité désarmante, entre pragmatisme bourru et fragilités sensibles qui se révèlent au fil des boucles. Zhao Jin Mai incarne une Li Shi Qing à la fois vulnérable et déterminée. Ensemble, ils forment un duo touchant, équilibré et totalement crédible. Je les ai adorés : j’y ai retrouvé l’alchimie qui existait déjà dans le duo de Strong Girl Do Bong Soon, mais avec une tension plus dramatique, puisque nous ne sommes pas dans une comédie.


La galerie de personnages secondaires est également soignée. Chacun, même s’il ignore la boucle, garde une humanité et n’est jamais figé. Côté police, Zhang Cheng (Liu Yi-jun) frappe par sa capacité à écouter, douter et remettre en question ses propres certitudes plutôt que de se retrancher derrière son autorité. À ses côtés, Xiao Jiang Feng (Li Gan) incarne une loyauté sombre et magnétique. Quant à la commissaire (Liu Dan), rare figure féminine à la tête d’une enquête, elle impose par son silence et son regard analytique une aura à la fois autoritaire et ambiguë. Difficile de ne pas penser à Signal (Corée), où Kim Hye-soo campait déjà une cheffe de brigade brillante et tenace.


Pour finir, la réalisation est très belle, les cadrages soignés et judicieux. L'OST est bien adaptée. Le générique de début est très beau ainsi que la chanson de la fin (My Only de Zhou Shen

https://www.youtube.com/watch?v=A6LWXZsLj5o&list=RDA6LWXZsLj5o&start_radio=1

Je pourrais encore développer sur d’autres aspects symboliques (le choix de la ville, par exemple), mais je m’arrête là. Reset reste une pépite, trop méconnue du public occidental, qui offre l’une des boucles temporelles les mieux construites de ces dernières années. Une série chinoise qui marie suspense, émotion et critique sociale avec une rare justesse.

AliceJeanis
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le 22 août 2025

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AliceJeanis

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