Depuis longtemps, « Good Docteur » puis « New Amsterdam », je ne m’étais pas replongé dans une série hospitalière. Or il faut bien l’avouer, cela réconforte de suivre les péripéties d’un hôpital plein de malades où de brillants docteurs bataillent dans l’urgence pour sauver des vies, surmonter leurs difficultés personnelles et nous offrir une lueur d’espoir dans un monde déshumanisé.
J’ai craint, dans le premier épisode, de m’embarquer dans une télénovela insipide, le genre de feuilleton produit au kilomètre où les dialogues et la réalisation ne servent qu’à garnir l’écran d’images. Un fond bariolé que l’on regarde d’un œil distrait pendant que l’on vaque à ses occupations. Et puis, au fur et à mesure, les personnages attachants, le rythme endiablé, l’originalité des situations m’ont convaincu du contraire.
Ici, point de diagnostics brillants ou de médecins surdoués capables de résoudre les énigmes qui terrassent leurs collègues. Les cas sont à peine effleurés et très vite traités. Un diabétique en surpoids, un alcoolique victime d’intoxication alimentaire sont expédiés à toute allure. Ce qui compte ce sont les relations humaines, les instants d’empathie, les doutes du personnel médical. La série se concentre sur le mal être de l’hôpital et non sur celui des patients.
Ce choix transparaît dès le début, une ouverture chaotique sur un mouvement de grève générale provoqué par le manque de moyens des services de santé. En cela, la série, très espagnole (à regarder en VO si vous le pouvez, car émaillée d’expressions savoureuses) devient universelle. Le service des urgences de cet hôpital valencien ressemble, à s’y méprendre, à ceux de nos contrées. En outre, le scénariste a eu l’intelligence de confronter au meneur de la grève non pas un faire valoir sans charisme mais une personnalité forte. Il l’oppose au gouverneur de la province, une femme battante convaincue qu’une privatisation des soins constitue la seule solution. Leur relation, ambigüe, ne manque pas de sel.
Bien sûr, toutes les cases sont soigneusement cochées : il y a le cancérologue brillant mais syndicaliste, les couples homos et héréros sexuels, les problèmes de drogue, les relations mère-enfant difficiles, les opérations chirurgicales de la dernière chance, les politiciens obsédés par le budget … Mais ce kaléidoscope est abordé de manière décomplexée, à l’image de la société espagnole qui, une fois extraite des griffes du franquisme, a su aborder la modernité sans les pudeurs et le conservatisme d’autres peuples, dont le nôtre.
« Respira » n’est sans doute pas la meilleure série de tous les temps, elle s’accorde quelques excès et ne convaincra pas ceux que le genre hospitalier laisse indifférents. Mais rares sont les séries (« Hippocrate » l’a fait de belle manière) qui savent ainsi poser le problème d’une société malade de sa Santé tout en nous offrant un divertissement trépidant et aussi haut en couleur.