Salut les geeks
6.1
Salut les geeks

Émission Web YouTube (2011)

Je dois avouer que je ne pensais pas écrire un jour une critique sur Salut les geeks, et cela pour la simple et bonne raison... qu'après avoir suivi de loin en loin l'émission pendant quelques années, mon opinion à son sujet n'a cessé de changer. Le plaisir de la découverte s'est estompé lorsque SLG s'est mis à confondre humour noir et cruauté gratuite. Cette phase passée, la croissance progressive de la partie "commentaire" des vidéos a réveillé mon intérêt (quand What the Cut prenait le parti de se focaliser uniquement sur un humour de qualité aléatoire), intérêt qui a baissé au fur et à mesure que les intrigues d'introduction et de conclusion, pas spécialement intéressantes ni d'une qualité époustouflante, ont commencé à gagner de l'importance. Quelques années plus tard, durant un blocus qui n'en finit pas, je suis retombé sur SLG, et j'ai pris le parti de regarder l'ensemble des épisodes par ordre décroissant de popularité, expérience intéressante que j'avais tentée peu avant avec WTC. Plusieurs constats se sont imposés : le premier, c'est que l'ordre de popularité coïncidait plus ou moins (et sauf accidents) avec la qualité de réalisation des épisodes (avec également une mise en exergue des vidéos contenant un propos sociétal), chose plutôt étonnante en comparaison avec WTC chez qui la popularité semble plutôt liée avec la viralité des vidéos présentées. Un deuxième constat fut que, comme je l'ai déjà mentionné, SLG évolue énormément, suivant une logique qui lui est propre (j'en toucherai un mot). Enfin, mon troisième constat... Bah c'est qu'un boulot énorme était fourni, et que, qu'on aime ou pas, SLG avait atteint un niveau de qualité moyen supérieur à la plupart de ce que j'ai vu sur le Youtube francophone (à l'exception de ténors à la Chroma).


Je rappelle brièvement le concept : Mathieu Sommet présente à chaque épisode généralement deux à trois vidéos virales, qu'il recontextualise et traite avec un certain humour noir, aidé de ses personnalités dédoublées : le Geek, enfant innocent soumis au harcèlement du Patron, pervers pansexuel et amoral, tandis que le Hippie, parodie de Duke dans Las Vegas Parano (c'est quand même moins chiant à taper que le titre anglais... comment ça, "ironique"?), tente globalement de rester conscient pour la durée de l'émission. Quelques personnages annexes gravitent autour de ça, comme le Professeur ou le Panda, qui ont animé chacun une partie d'émission plus participative, ou Jeanne, intelligence artificielle qui a coprésenté SLG en fin de vie. Y a eu aussi des parties narratives sur SLG, mais bon, c'est le bordel habituel : schizophrénie, monde virtuel, dans la continuité de plein d'autres trucs.


Je crois que la chose qui m'a marqué personnellement le plus en termes de contenu quand j'ai revisionné l'émission, c'est la part importante consacrée à la contextualisation et au commentaire de la vidéo présentée. Si WTC, par exemple, abordait un peu ces aspects de temps à autres, ce n'est pas au point de SLG, où le souci d'informer spectateur est perceptible. S'il est difficile d'être 100% d'accord systématiquement avec Mathieu Sommet (ce qui parait normal en démocratie), force est de constater qu'il attache une importance considérable à permettre à son spectateur de faire agir son esprit critique.


Cela dit, il me parait important, sinon essentiel, de revenir sur l'évolution de SLG. J'ai aimé au départ le ton léger et l'humour noir qui caractérisaient les premiers épisodes, avant de déchanter devant ce qui s'apparentait de plus en plus à de la méchanceté gratuite. Attaques sur le physique, réponses violentes aux fans... ça sentait l'ego surgonflé aux likes tout ça. J'ai donc très vite véritablement eu un sentiment de nausée qui m'a empêché de continuer. Fastforward d'une durée indéterminée, redécouvrant la chaine, malgré tout le mal que je pensais de SLG, j'ai fait taire mes préjugés, et j'ai constaté des changements de taille : Mathieu Sommet ne se permettait plus d'attaques gratuites, plaidait pour une consommation responsable du contenu web, et se positionnait même contre le harcèlement de vidéastes maladroits, référençant sans le dire clairement ses propres jugements passés. En outre, formellement, l'émission avait plutôt bien évolué, avec une maitrise de plus en plus apparente des possibilités de montage, jouant avec bonheur du plan fixe emblématique de l'émission. Malheureusement, mon intérêt baissa de nouveau relativement vite, le gimmick des multiples personnalités s'étant déjà essoufflés depuis un bout de temps (malgré les efforts apparents de Sommet pour donner du corps à ses personnages), mais de temps à autres un épisode meilleur que les autres surgissait.


Cette rétrospective me paraissait importante pour comprendre quelque chose d'essentiel sur SLG : c'est une émission qui évolue sans cesse. Je vais refaire le parallèle avec WTC, mais pas pour descendre cette émission (je conserve beaucoup de plaisir à revoir les épisodes malgré les critiques que j'ai pu formuler dans la critique correspondante), juste parce que c'est extrêmement pertinent, les deux émissions partageant leur concept et leur ton (à peu près), mais lorsqu'on regarde les derniers épisodes de WTC, certes les introductions étaient longues et d'une ambition sans cesse plus grande... mais le coeur de l'émission, le traitement des vidéos, n'a que peu évolué. SLG, par contre, est un concept qui s'est remis en question et s'est cherché sans cesse, avec plus ou moins de bonheur selon les moments.


J'en viens à ma note. Il m'arrive de baisser ma note à mesure qu'une série évolue, au fur et à mesure que sa nature change et qu'il me parait donc important de la redéfinir dans son ensemble. Avec SLG, je me trouve devant un cas fort différent. Je pense qu'il est important de tenir compte de l'évolution du concept. On est quand même passé de clashs avec Cortex à un commentaire de plus en plus explicite sur la banalisation de discours radicaux sur internet, notamment à travers le personnage du Redneck. On ne peut pas vraiment considérer que les 50 premiers épisodes appartiennent à la même émission que les cinquante derniers. Pour cette raison, je veux évaluer SLG sur ses meilleurs moments, sachant qu'il s'agit d'une oeuvre qui a cherché sans cesse à s'améliorer.


Avant de conclure tout cela, j'aimerais revenir sur deux points que je n'ai traités que superficiellement pour le moment : le gimmick des personnages et la communauté.


Pour ce qui est de ce fameux gimmick... difficile de se faire une opinion tranchée. Si le concept n'est pas en lui-même original, force est de reconnaitre que Sommet s'est beaucoup investi dedans, au point de se réapproprier la réplique "t'en as trop pris, gros", désormais définitivement associée au Hippie. Testez donc vous-même autour de vous, je suis certain que l'association d'idée est immédiate pour énormément de gens. Les gens qui ont vu l'émission ont tous en tête les intonations du Geek, du Patron et du Hippie (peut-être même du Professeur et du Redneck, ce dernier reprenant à son compte le "Ils nous volent notre travail" de South Park... citons aussi le trop vite défunt Stéphane Burne, dont le nom si poétique constitue en soi une invitation au voyage), parce que oui, au sein du Youtube français, Sommet fait partie des vidéastes qui jouent correctement (la plupart du temps), et qui sont capables de donner de la personnalité à leurs personnages. SLG a pris une véritable dimension culturelle (au même titre d'ailleurs que WTC, que j'ai entendu citer régulièrement depuis un paquet d'années), et ça mérite d'être signalé.


Concernant la communauté... je prends la peine d'en parler parce que ça m'a déjà un peu fatigué avec WTC et que ça n'a pas manqué avec SLG. Alors OUI, je peux concevoir qu'on trouve Antoine Daniel ou Mathieu Sommet attirant (bien qu'ils ne soient pas personnellement particulièrement à mon goût), mais je trouve ça fatigant de lire en permanence dans les commentaires Youtube à quel point le Patron émoustille les jouvencelles (et certains jouvenceaux sans doute, mais là n'est pas la question), et comme Sommet en Panda est sexy... Parce que oui, le bougre a clairement conscience de l'effet qu'il produit et en joue, ce que je trouve un poil malhonnête mais surtout très agaçant au niveau communautaire. L'effet pervers que cela produit, c'est l'explosion du nombre de défenseurs (seuses?) de la série pour de mauvaises raisons, qui produit à son tour l'explosion du nombre de détracteurs de SLG... toujours pour de mauvaises raisons. Perso je m'en balec que Sommet soit bien foutu, et je m'en balec tout autant qu'il ait de l'ego et qu'il joue à titiller sa fanbase, mais au bout du compte, le résultat c'est qu'il est difficile d'avoir une conversation intéressante sur SLG parce que beaucoup de gens fondent leur opinion sur ce sujet sur de mauvaises raisons.


J'en arrive de façon assez filée (étonnamment, parce que j'improvise un peu n'importe comment) à ma conclusion : comme j'ai déjà pu le dire dans une critique déjà plus toute jeune du Point Culture, je pense qu'il est important de dissocier une oeuvre de son auteur (j'ai rien inventé à ce sujet, mais c'est important de le repréciser je pense). Je n'aime pas ce que je sais de Links, et ne le cache pas, mais je n'aime pas non plus le Point Culture, ce qui a motivé mon avis sur le sujet. Avec SLG, le problème est un petit peu différent. Je suis passé par des phases d'appréciation très différentes aussi bien de l'émission que de ce que je voyais de son auteur, il a donc été essentiel de dépassionner le débat. Le résultat est le suivant : j'aime le caractère évolutif de SLG, même si je n'apprécie pas tout à son sujet (son humour jamais complètement satisfaisant notamment), et, quant à son créateur... je ne le connais pas. Il joue un personnage (bah oui, même quand il se joue lui-même, il joue), et même si je prête à celui-ci des traits que je n'apprécie pas (narcissisme et attitude moralisatrice entre autres) parmi d'autres que j'apprécie (engagement et souci d'engager le spectateur, de nouveau entre autres), il ne s'agit que d'un personnage. Je m'en tiens donc à distinguer les deux, ce qui m'amène à la conclusion de ma conclusion : SLG fonctionne et suscite des réactions. Et ça, ça démontre une valeur qui mérite d'être soulignée.


(désolé pour la prose biscornue)

Antevre
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Créée

le 9 juin 2018

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Antevre

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