• SAISON 1 (7,5/10)
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[Critique du 12 octobre 2022]
L'adaptation télévisuelle du comics de Neil Gaiman offre une plongée dans un univers sombre et fascinant, toujours propice à porter une réflexion sur l'humanité. L'histoire de ces entités anthropomorphes - Morpheus, particulièrement, maître du royaume des rêves (et cauchemars) - nous est présentée sur un rythme plutôt lent, qui nous enveloppe alors d'une mélancolie rêveuse et surréaliste. L’esthétique de la série est excellente, ce qui lui permet de rendre son atmosphère plus prenante, quand bien même les visuels hors fantastique apparaissent trop propres et peinent à retranscrire la folie artistique pour laquelle le comics est connu - compliqué, à moins de passer par l'animation.
Malgré tout, on constate plusieurs représentations visuelles surprenantes et originales, grâce à des VFX généralement bons et osés. Cependant, ils sont loin d'être infaillibles (épisodes 4 et 7), notamment dans l'intégration des fonds verts. Il y aussi cette photographie un peu hâlée qui confère l'aspect cheap des plans numériques que l'on essaie de cacher. On peut être tolérant au vu des incartades fantastiques souvent bluffantes, et terrifiantes ; conséquence également d'une mythologie bien introduite et étayée, jusqu'à avoir tout un nouvel univers à chaque épisode, sans pour autant abandonner la trame principale. La série embrasse sans mal la folie narrative de Gaiman, nous faisant parcourir des univers envoûtants, à la découverte de personnages marquants - les épisodes 5 et 6 sont sublimes et touchants - et regorgeant de surprises, et clins d’œil à l'univers DC Comics.
Il faut dire, aussi, que les principaux acteurs sont captivants. Que ce soit Tom Sturridge qui fascine par son immobilisme autoritaire en interprétant cette entité magique qu'est Morpheus, ou bien David Thewlis qui livre une incroyable représentation de la folie passive. On peut ajouter le Corinthien, auquel Boyd Holbrook prête ses traits, qui est un psychopathe distingué, collectionneur de plaisirs sadiques mortels. On doit d'ailleurs à ces deux personnages la plupart des accents gores horrifiques de la série. Dans cet ensemble bien harmonisé, il manque juste une bande-son plus mémorable, qui soit aussi fascinante et travaillée, à l'instar des endings de chaque épisode, tous différents, et dessinés par l'illustrateur de covers du comics. On note qu'il y a encore un gros potentiel à exploiter autour de la mythologie de The Sandman, alors que la série a déjà été très généreuse en 10 épisodes.
Petite note finale pour l'épisode 11, bonus, qui est un aparté en deux temps, adaptant des histoires indépendantes, avec le rêve au centre du récit : on a d'abord un court-métrage animé, qui mélange 2D et 3D avec un effet de peinture à l'huile pour une atmosphère palpable et la noirceur de l'univers bien présente. Puis la deuxième partie voit intervenir le Seigneur des Rêves et nous en apprend un peu plus sur son passif et ses pouvoirs.
• SAISON 2 (9/10)
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[Critique du 2 septembre 2025]
Retrouver l’univers de The Sandman suite aux accusations envers Neil Gaiman, et trois ans pour mettre ces 12 nouveaux épisodes en boîte, laissait à craindre une série vite clôturée et expédiée de la part de Netflix, pour se dissocier de l’auteur. Il n’en est rien, grâce au réalisateur Jamie Childs qui semble avoir totalement saisi l’ambiance onirique habitant le comics et a souhaité la transposer au plus fidèle que lui permette ce médium “réaliste”. Avoir un seul réalisateur sur l’ensemble de cette saison est bénéfique et permet d’unifier l’ensemble de cet univers pluri-mythologique. Childs a majoritairement tourné en décors réels et cela ancre davantage la beauté de cette multitude d’environnements fantasques. La photographie y est parfaitement exploitée pour composer ces différentes ambiances surréalistes, entre les mondes ; c’est un spectacle visuel dans la représentation des divers mythes et folklores. L'esthétique émane d’une palette de couleur adéquatement réfléchie pour maintenir une aura éthérée prégnante, ce qui élève la grâce et l’émotion des séquences.
L’univers de The Sandman est extrêmement vaste et richement exposé au cours de ces deux saisons, avec une pléthore de personnages servant leur juste partition au sein du grand œuvre. C’est un mélange incongru de mythologies où les personnages sont plus que leur propre écriture et personnifient des concepts sommes. Au cœur du récit, les entités de la famille des Infinis dégagent une prestance et une éloquence saisissantes. L’interprétation charismatique et poignante de Tom Sturridge, dégageant simultanément sérénité et autorité, rend la figure titre de The Sandman particulièrement mémorable et alignée avec sa contrepartie affabulée des planches dessinées. La prestation de Jacob Anderson se montre également mémorable pour la grandeur du rôle à endosser. Revoir Boyd Holbrook et Jenna Coleman en variations de leurs personnages de la première saison est plaisant, au sein d’un large casting hétéroclite finement dirigé. Ces 11 épisodes (+ 1 spécial en fin de saison) proposent une continuité de récit mieux contenue et plus homogène, prenant davantage place du côté fantastique du fait de déboires entre toutes ces entités. Avec un focus sur l’humanité de Morpheus et sa rédemption, le scénario évite le manichéisme et se dénoue implacablement, assurant une parfaite compréhension des personnages et soulignant la mise en scène impeccable de cette œuvre inadaptable.