1-Wind Gap, une ville aux apparences trompeuses
Marqueur culturel et social, la petite ville de Wind Gap est l’archétype parfait de la petite ville du sud des Etats-Unis dans laquelle tout le monde se connait et se jauge. Véritable panier de crabes, elle renferme de nombreux secrets et une violence sous-jacente récemment marquée par la disparition de deux jeunes filles – Ann et Nathalie.
Un élément déclencheur qui permettra l’avènement de deux regards « extérieurs » : celui d’un jeune lieutenant et celui de la jeune Camille (Amy Adams), originaire de Wind Gap. Le retour de Camille marque la petite communauté et l’interroge sur sa capacité de résilience, sa possible construction commune et son éternelle loi du silence. Un voyage dans le temps autant que dans l’espace pour Camille qui redécouvre, à travers ses souvenirs enfouis, les démons de son passé. A Wind Gap, les grandes demeures semblent figées dans un lointain passé et sont confrontées à la saleté la plus vile (la ville est connue pour ses abattoirs porcins). Une communauté solidaire, singulière et propre à l’Amérique, telle que l’avait déjà dépeinte David Lynch dans Twin Peaks.
2-La cellule familiale comme une toile d’araignée qui se referme
A l’intérieur même de cette communauté, une autre plus intime encore semble se tisser. La cellule familiale de Camille, empreinte de nombreux faux-semblants cachés sous une apparence douce et tranquille où la si belle Adora (impressionnante Patricia Clarkson), membre incontournable de la communauté, règne comme une reine-mère, apparait ici comme le noyau dur de la série. La famille et plus particulièrement la figure de la mère, semblent ici révéler la noirceur de l’âme humaine et l’impossible pardon. Un foyer tissé comme une toile d’araignée où règne Adora qui s’étend sur l’ensemble de la communauté et révèle, au fur et à mesure des épisodes, de bien sombres secrets. (Jusqu’à la révélation finale qui fait froid dans le dos…)
3-Amy Adams, sublime Camille, noyée dans un monde de femmes
Tout comme Big Little lies du même réalisateur, Sharp objects est le portrait sans concessions de quelques figures féminines dont la très nuancée Camille interprétée par la talentueuse Amy Adams. Dans le sombre rôle de Camille, elle incarne tout à la fois la fuite, la détresse et la force. Chacune des femmes présentes dans l’oeuvre révèle différentes facettes de l’âme humaine laissant apparaitre l’ombre derrière la lumière. Une figure féminine qui prend corps à travers plusieurs générations et dévoile l’influence grandissante de l’environnement sur l’individu. En effet, rien n’est jamais uniforme à Wind Gap et aucun de ses protagonistes ne peut être appréhendé sans nuances. Une vraie force pour cette série à la fois subtile et dérangeante.
4-La peau comme toile d’expression
Marquée par les non-dits, Sharp objects utilise de nombreux autres modes d’expression pour mettre en lumière les maux dont souffrent ses protagonistes. Ainsi est-ce le cas de Camille qui, souvent bridée dans ses pensées et étouffée dans cette ville qu’elle a fuit, se tourne vers le journalisme et donc les mots pour se défaire de ses propres souffrances.
Des mots qu’elle extériorise par son travail mais qu’elle a également peint comme une toile sur son corps. Dès lors, c’est sa propre peau qui devient le terrain d’extériorisation de ses maux et la carte permettant au spectateur d’explorer son insaisissable psychisme.
5-La musique autre moyen d’évasion
Les moyens d’évasion dont dispose Camille pour se sauver du cauchemar de son enfance sont nombreux : des mots gravés sur sa peau à ceux couchés sur le papier, elle se noie également dans les sons. Une bande son ultra présente qui donne à la série une véritable identité sonore et plonge le spectateur tout entier dans un univers sombre et d’une impressionnante richesse.
Difficile dès lors d’en dire plus sans dévoiler l’intrigue principale. Je ne peux que vous encourager à découvrir cette mini-série. Une plongée dans les méandres du psychisme humain, sombre et brutale, impossible de rester indifférent.