Sherlock
8.1
Sherlock

Série BBC One (2010)

Sans chapeau, mais avec un portable

Saison 1 (7/10) :


Il était presque logique qu'après s'être attaqué à la modernisation de « L'Étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde », Steven Moffat s'intéresse au mythe Sherlock Holmes, et ce avec un certain succès. Le premier épisode ne nous fait pas mentir tant celui-ci est innovant, dynamique, créatif et totalement dans l'esprit des romans de Sir Arthur Conan Doyle. C'est que l'ami Steven est sacrément doué pour l'écriture, le suspense et les rebondissements, sans parler de personnages vraiment attractifs, à commencer bien entendu par le duo Holmes - Watson, renouvelant avec talent et panache celui imaginé en 1887. Hélas, alors que cette introduction était un véritable régal à tous points de vue, voilà que le niveau baisse assez nettement dès le second épisode.


Rassurez-vous, rien de catastrophique, mais déjà une histoire moins captivante, malgré un second degré toujours réjouissant et une écriture ciselée faisant plaisir à entendre. Le troisième se situe lui un peu entre les deux, plein d'excellentes intuitions et assez malin, à l'image d'un dénouement introduisant (enfin) un personnage culte de l'univers (suspense!), sans retrouver la fraîcheur et le bonheur qu'avait été le nôtre en découvrant « Une étude en rose ». Reste que ce Sherlock aussi fier de sa personne qu'accroc aux SMS n'en demeure pas moins une belle tentative de modernisation et une jolie réussite de plus pour la BBC : malgré la légère frustration, on suivra la deuxième saison avec plaisir.


Saison 2 (8/10) :


Si la première saison de « Sherlock » démarrait en boulet de canon pour terminer plus sagement, c'est ici tout le contraire. Après un début éminemment plaisant sans être totalement abouti, Steven Moffat et Mark Gatiss redoublent d'efforts pour nous offrir une montée en puissance trouvant son paroxysme lors du troisième et dernier épisode. C'est clairement celui-ci qui fait la différence pour nous offrir un moment de télévision captivant, redoutablement efficace et terriblement intelligent, à l'image d'un affrontement Holmes - Moriarty d'anthologie.


Leur opposition finale est à ce titre un modèle du genre, permettant ainsi à une série dont on sentait l'immense potentiel d'entrer enfin parmi la cour des grandes, d'autant que nombre de questions restent encore en suspens. Bref, si on eût aimé un ensemble plus homogène niveau excellence, c'est aussi la force des grands créateurs de savoir conclure brillamment une œuvre déjà très riche : c'est clairement le cas ici.


Saison 3 (7/10) :


C'est drôle : à la fois je l'aime beaucoup cette série et je ne peux m'empêcher d'être un peu frustré à chaque saison. La raison est simple : il y a toujours un épisode inférieur aux deux autres. Situation « aggravante » ici : c'est le dernier. Le méchant est intéressant, a un fort potentiel mais s'avère sous-exploité, si ce n'est lors d'une ou deux scènes vertigineuses où l'on sent à quel point il aurait pu être inoubliable, le scénario s'avérant lui aussi un cran en-dessous de ses prédécesseurs. Maintenant, ne faisons pas trop la fine bouche non plus : non seulement « Son dernier coup d'éclat » reste très regardable, mais il ne faudrait nullement occulter l'excellence des précédents.


Peut-être encore plus alerte, malin, créatif et savoureux que d'habitude, ils sont l'illustration parfaite de l'intelligence et la modernité du duo Steven Moffat - Mark Gatiss pour nous offrir un spectacle d'excellente qualité, avec les avantages de la télévision moderne associés à une vivacité d'écriture et de réalisation confirmant le pouvoir d'attraction du détective privé et de son cher Watson (toujours aussi bien interprétés par Benedict Cumberbatch et Martin Freeman). Bref, si ça aurait pu être encore mieux, cela n'empêche pas le réel plaisir et la régulière inventivité des récits (voir l'évolution de la trame du « Signe des trois » est un pur régal) : largement suffisant pour se plonger dans ces trois nouvelles aventures, en attendant (longuement) la suite d'ici une petite année...


Saison 4 (7/10) :


Il était écrit que jusqu'au bout le constat serait le même avec « Sherlock ». Cette (très probablement dernière) saison n'échappe donc pas à la règle : dès que je suis prêt à m'enflammer, il y a quelque chose qui coince. Cela écrit, ici cela va plutôt en s'améliorant : si le premier épisode est bon et livre quelques surprises, il n'est pas exceptionnel non plus. Le second monte en puissance, avec un personnage de tueur en série original et séduisant, excellemment interprété par Toby Jones : réussi, malgré quelques légères facilités et faiblesses, notamment sur la fin. Non, ma frustration vient vraiment de la conclusion.


Je vais être clair : pendant 90% du temps, cet épisode est génial, sans doute le meilleur jamais écrit et réalisé depuis le début de la série : le suspense est dingue, le récit parfois vertigineux, rappelant (en plus développé et nettement plus cruel) un épisode culte de « Chapeau melon et bottes de cuir » (« Jeux », pour être précis), avec une méchante d'anthologie comme il m'a été peu permis de voir à la télévision comme au cinéma ces dernières années : un régal d'intelligence, de sophistication et de décors presque « high-tech » du plus bel effet. Mais cela était trop beau, et le duo Steven Moffat - Mark Gatiss vient (presque) tout gâcher en


optant pour un dénouement psycho-lacrymal malvenu, venant mettre à mal toute la perversité développée jusqu'alors


pour un résultat pas loin d'être vertigineux.


Quelle frustration alors que l'on semblait, ENFIN, assister à un épisode génial de bout en bout. Du coup, la frustration est là, clairement. Elle n'éclipse pas pour autant (fort heureusement) les qualités d'écriture, le talent des créateurs pour avoir su moderniser avec intelligence et audace un héros légendaire, des scénarii offrant toujours mystère et suspense. La conclusion laisse à penser que cette quatrième saison sera donc aussi la dernière, même si cela n'a pas été confirmé. Si c'est le cas, Moffat, Gatiss, Cumberbatch, Freeman et les autres pourront partir la tête haute, même si je continue d'être persuadé que cette série aurait pu atteindre des sommets avec plus de constance et d'aboutissement narratif. Maintenant, « bien » c'est déjà bien. Non ?


Critique globale (7/10) :


Même si ça n'est pas officiel, il y a de grandes chances pour que la quatrième saison de « Sherlock » soit la dernière pour notre duo Benedict Cumberbatch - Martin Freeman. Pourtant, j'aurais assez envie de vous écrire que si vous souhaitez mon avis sur le sujet, regardez chacune de mes critiques par saison car chacune a vraiment sa vérité : démarrage canon pour finir moyennement, démarrage poussif pour terminer en boulet de canon... À chaque fois que je suis prêt à m'enflammer ou à m'agacer vis-à-vis de cette série, un élément, un épisode, un rebondissement me fait changer d'avis, ce qui peut être aussi stimulant par moments que frustrant à d'autres.


Maintenant, et même si je persiste à penser que « Sherlock » aurait pu être une vraie merveille, saluons chaleureusement le travail de Steven Moffat et Mark Gatiss (également interprète de Mycroft) pour ce rajeunissement 2.0 et fort sophistiqué du héros imaginé par Arthur Conan Doyle il y a plus de 130 ans, avec ce qu'il faut d'enquêtes joyeusement tordues et de comédiens charismatiques, même si, Andrew « James Moriarty » Scott excepté, on peut regretter l'absence d'antagonistes réguliers, même si cette réflexion n'engage que moi. Inégal, donc, clairement, mais suffisamment habile et bien pensé pour qu'on y prenne du plaisir, à l'image d'un suspense parfois intense. Du beau boulot.

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le 24 juin 2018

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Caine78

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