Attention, spoilers nombreux.
Enfermé dans un rythme de vie que même les adeptes de la nuit ne souhaiteraient pas, je décide afin de me recaler (traduire par « faire une nuit blanche pour enchaîner sur 9 heures de cours », étudiant de prepa oblige) de lancer la nouvelle série Netflix à la mode. Cette fois-ci, pas de série d’action hispanophone s’étirant à l’infini ni d’énième déclinaison du triptyque études-sexe-drogues dans un bahut américain, mais un drama coréen.
La base du scénario est simple, voire même enfantine : on nous présente des Séoulites un peu idiots et donc complètement endettés (apparemment le lien de cause à effet est obligatoire), on leur propose de participer à un jeu afin de gagner de quoi rembourser leurs dettes et de bien vivre sur une douzaine de générations. Mais horreur, le jeu est très dangereux et si on perd, on meurt.
Entrons maintenant dans le fond de la série. Si j’ai trouvé la série extrêmement lente à démarrer (on suit le « héros » dans sa vie de merde tout le long du premier épisode puis, à un moment, on pense que c’est parti mais non, en fait, on se remange un méga filler de 50 minutes dans la gueule qui est totalement dénué d’intérêt et qui a pour seul but de faire gagner de l’espérance de vie à la série), on est très vite happé dès que nos protagonistes rentrent dans le jeu.
Tiens, parlons-en des protagonistes. Et bien, c’est très bien joué, ce qui fait qu’on ressent de l’empathie pour ces pauvres citoyens devenant les pions de milliardaires très très riches et très très méchants, si méchants qu’ils tuent des centaines de pauvres juste pour rire (tout en faisant des blagues tah Bigard). Seul petit reproche, certains personnages secondaires sont purement et simplement des caricatures complètes (le méchant qui est vraiment très méchant, les sbires du méchant qui sont vraiment très cons, le gentil qui, en fait, est vraiment très méchant…), ce qui a causé, dans mon cas, un désintérêt total vis-à-vis des arcs narratifs dans lesquels ils sont importants.
Au niveau des jeux composant cette œuvre mortuaire, je trouve que certains sont en droit d’être un peu déçus : ça reste très basique, les personnages principaux sont toujours accompagnés de leur fidèle bouclier scénaristique (notre « héros » qui finit systématiquement les épreuves à 0,1s de la fin, le grand méchant qui s’en sort miraculeusement plusieurs fois), les adversaires sont complètement idiots et il y a un cruel manque de psychologie alors que c’est plutôt censé être au centre de ce genre de survival. Malgré toutes ces critiques (non exhaustives), j’ai plutôt apprécié ces phases, notamment l’épreuve des billes (j’y reviendrais).
Sinon, on a l’arc secondaire typique de la série d’action : un personnage extérieur super intelligent et super fort qui fait des trucs sur le côté et qui va tout démanteler. Et en plus, c’est le frère du maître du jeu, wow, vraiment c’est fou tout ce qui va se passer avec lui. Mais non, finalement, il sert pas à grand-chose (pour ne pas dire à rien) et meurt comme un con à la fin de la saison (sauf qu’en fait, on sait déjà, grands intellectuels que nous sommes, qu’il est pas vraiment mort et qu’il va revenir tout détruire dans la saison 2).
Le dernier paragraphe est l’introduction parfaite pour le point qui arrive, qui est la faiblesse de la fin. On nous build up (effectivement, je suis bilingue) pendant 7 épisodes un final de malade avec plein d’arcs scénaristiques (j’adore ce mot) qui se recoupent, ohlala, ça va être fou. Et bien, non. On nous expédie tout ça en 25 minutes, montre en main, et on nous laisse avec un épisode final extrêmement poussif, où on nous montre que notre « héros » ressort transformé de cette expérience et va enfin vivre sa vie, mais, en fait, non parce qu’il faut faire une saison 2, du coup, il prend des décisions bizarres et injustifiables. Niveau plot twist, on est pas au max, même si ça aurait pu être cool si le grand méchant mourrait pas en plein milieu du dialogue au cours duquel on est censé tout apprendre et si on se mangeait pas une leçon de morale à la con pendant 20 minutes.
Dernier gros problème, outre la première moitié de l’épisode 1 et l’entièreté de l’épisode 2, pour un série d’action, c’est vraiment très lent. Il y a pas mal de moments où on s’amuse bien, on est dedans, mais, putain, qu’est-ce qu’on se fait chier dans un nombre incalculable de scènes. En vrac, la scène des toilettes avec les deux filles, la liaison amoureuse entre le méchant et la conne, les repas (et Dieu sait qu’on les voit bouffer souvent), les phases avec le médecin qui joue au trafiquant d’organes… Dites-vous que j’ai regardé (disons bingewatché pour être à la mode) plusieurs épisode en x1,5, et que j’ai tout de même trouvé ça très long et lent à de nombreux moments (le comble !).
Après, ça reste un survival assez classique : tout le monde meurt, c’est très sanglant, c’est très violent, bref, pour beaucoup, c’est génial.
Arrivé à ce moment de votre lecture, un paradoxe devrait apparaître (ou est déjà apparu) dans votre esprit : pourquoi ce con a mis 7, alors que ça fait 43 paragraphes qu’il défonce la série.
Tout simplement, parce que la série fonctionne bien, malgré ses lourdeurs et facilités scénaristiques, et ce, grâce à deux points principaux :
1) L’esthétique
C’est simple, tout est beau : les décors, les acteurs, les plans, les musiques.
On a envie de regarder, parce qu’on a envie de savoir la fin mais aussi parce que, visuellement, c’est vraiment bien. Et c’est assez rare pour une série Netflix (comme ils aiment à la souligner au début de chaque épisode), donc autant bien le souligner.
Un exemple qui me vient en tête, c’est le salon dans lequel les milliardaires suivent le « match » : une véritable beauté tout en dénonciation.
2) Les personnages
Les personnages principaux sont bien écrits et encore mieux développés, et en plus, les acteurs jouent bien. Evidemment, du coup, on devient mièvre, on a envie qu’ils survivent tous et qu’ils réalisent tous leurs rêves. Mais non, bien sûr, à un moment, ça doit mourir et c’est là qu’est, selon moi, la plus grande force de la série.
A force de suivre ces atypiques naïfs, on s’y attache et quand ils meurent, bah, on lâche tout. D’où ma première référence à l’épreuve des billes et la scène de mort du vieillard, qui m’a mis les larmes (fragile blanc cis hétéro que je suis) puis plus tard, la mort de la jeune Nord-Coréenne. Et c’est pour ces moments-là que j’ai, au final, plus apprécié que déprécié cette série. Donc, en gros, passez votre tour si vous êtes un gros sans-cœur (ou alors regardez juste les gens mourir pendant les épreuves et régalez-vous).
En conclusion, le contrat est rempli : il y a des longueurs, des erreurs mais on s’amuse quand même bien, on lâche même un petit larme (ou deux), c’est très beau et ça m’a permis de me recaler sur le rythme que la société veut que j’ai.
Donc merci bien Squid Game (on regardera pas la saison 2 néanmoins, #CelaDitRespect) !