Stalk
6.5
Stalk

Série france.tv Slash (2020)

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Se veut réaliste... mais ne l'est pas

Quand j'ai appris que France Tv Slash sortait une série sur le hacking, j'ai sauté de joie. Déjà parce que je venais de finir Mr Robot, qui restera -je le pense- une référence en la matière, et une des meilleures séries que j'aie jamais vu. Et aussi parce que je travaille dans l'informatique et je je déplore l'absence de bonnes séries sur le sujet. France Tv Slash avait produit Preview fin 2018, ce qui s'était avéré être une excellente surprise, et amenait un vent de fraîcheur dans les web-séries françaises, j'avais donc un réel espoir dans la réussite de Stalk, à s'affranchir des clichés de l'informatique et présenter une bonne fiction parlant de hacking.


Cependant... eh bien on peut dire que j'ai été déçu. Et je vais vous expliquer pourquoi.


Comme la critique sera majoritairement négative je vais expédier les quelques points positifs, ce qui ira assez vite :
Déjà, on ne peut pas le nier, pour de la production web c'est très bien produit. On l'a déjà vu avec d'autres séries de France Tv Slash (Preview, Dark Stories, Skam...) la photographie est assez bien soignée. C'est un plaisir qu'on retrouve ici : la photo est plutôt belle, les scènes de soirées rendent assez bien, les couleurs servent aussi réellement la direction de la série. D'ailleurs dans tous les aspects de réalisation c'est réussi : les acteurs ont beau être jeunes, ils livrent des performances assez réalistes la plupart du temps, et la musique est excellente (meilleur bonus de la série selon moi).


Là où la série échoue lamentablement c'est sur son scénario.
Alors je vais le préciser tout de suite : si vous n'y connaissez rien en informatique vous allez probablement passer un bon moment devant la série. Si vous avez aimé les scènes de hack de NCIS, vous apprécierez celles là aussi. Cependant, gardez bien en tête que tout ce que vous allez voir n'est absolument pas réaliste. Et c'est probablement ce problème que j'ai avec la série : on m'avait vendu un projet qui mettait en lumière des hackers, qui avait des vraies bases techniques... on m'avait vendu un Mr Robot en somme.


Pour expliquer le problème, le mieux est que je décrive quelques épisodes :
À peine on commence la série, on a immédiatement le gros cliché du hacker sociopathe brillant mais un peu par magie. Ça fait pas plaisir forcément mais bon passons. On apprend que Lux (pseudonyme de Lucas, le protagoniste principal) vient d'intégrer l'ENSI : l'Ecole Nationale des Sciences de l'Informatique. Selon lui l'école la plus prestigieuse au monde devant polytechnique et Centrale Paris. Bon un rappel vite fait pour expliquer comment on intègre Polytechnique pour ceux qui ne sauraient pas : après le lycée on peut intégrer des "classes préparatoires" dans lesquelles on travaille d'arrache pied (facilement 12/13h par jour voire plus) pendant deux ans avant de passer des concours et avoir une chance d'intégrer les écoles les plus prestigieuses. Intégrer Polytechnique en France c'est un peu le Graal de tout étudiant en prépa : beaucoup d'appelés, peu d'élus. Dans tous les cas on peut considérer que les étudiants qui parviennent à l'intégrer sont tous sans exception brillants. Et ça aura son importance pour la suite...
Pour revenir à l'épisode, Lux rencontre son professeur Abel Herzig et réussit son test d'entrée, qui (bien évidemment) n'a jamais été réussi, à l'aide d'un passe-passe informatique en modifiant le driver d'un robot. Après avoir réussi le test de Herzig, Lux trouve une manière de pirater une webcam sans que la diode de la webcam ne s'allume, afin de se venger de Alex, un membre du BDE qui l'avait humilié au week-end d'intégration de son école.
On commence à toucher le problème du doigt : le scénariste est allé piocher quelques mots spécifiques sur Wikipédia, les a assemblés dans un fouillis quelconque et il a obtenu sa scène de hack. Pour comparer avec l'incomparable Mr Robot de Sam Esmail, ce dernier a réellement étudié l'informatique, et chaque scène de hack était réalisée en vrai avant d'être reproduite (cette fois en trucages) lors du tournage.
Du coup pour faire court : Lux qui trouve un moyen de pirater une webcam avec une adresse mail, une adresse IP et un mot de passe (comme il le fait avec Alma dans le second épisode) c'est impossible. Pour hacker un ordinateur il faudrait avoir une porte dérobée sur l'ordinateur de la victime, ce qui est autrement plus complexe à obtenir. Déjà les ports des ordinateurs sont généralement fermés pour la plupart par défaut, alors dans une mesure générale, on peut supposer que comme ça, "par magie" son hack est impossible à réaliser. Autrement dit... tout le scénario de la série qui est basée sur ce principe s'effondre.
Dans la suite, Lux développe une application pour le BDE, Alexandrie, qui servira de bibliothèque virtuelle pour l'ensemble du campus. Il la code en C++ afin que personne ne puisse comprendre ce qu'il fait. Il en profite ainsi pour y ajouter un virus qui lui permettra d'accéder à tous les téléphones des personnes qui auront téléchargé l'appli. Ça aurait été une bonne idée... seulement voilà Loïc, un des membres du BDE, apprend le C++ et en profite pour rajouter un formulaire de commande de drogue. Et donc le spectateur peut se poser légitimement la question : pourquoi n'a-t-il pas vu le virus ? Eh bien... le spectateur n'aura jamais la réponse.


Dans l'épisode 4 on aura droit à une scène extrêmement malaisante : la première relation sexuelle de Lux et Alma. Jusque là pas de problème, sauf que Alma lui demande, comme un jeu sexuel : "explique moi comment tu code". Et Lux de lui répondre, pendant qu'ils font l'amour, qu'il code en C, que c'est le langage le plus proche de la machine (visiblement Lux ne connaît donc pas l'assembleur, pour un expert informatique c'est étonnant...), etc. Non seulement cette scène est gênante de base, mais en plus elle véhicule un nombre de clichés incroyables sur les développeurs qui prouve que la production n'a même pas essayé de demander l'avis d'un expert en cybersécurité. On dirait juste un boomer qui se moque d'un jeune en le traitant de "geek" quand il travaille sur son ordinateur...


Episode 5 on arrive à une partie où le scénariste a probablement bien été inspiré de Death Note : les stalks de Lux se font remarquer, et l'enquêteur (qui se révèle le prof Herzig) le confronte en lui demandant comment lui aurait fait pour hacker le campus. Le problème c'est que durant l'entretien le professeur donne une idée des compétences des étudiants : "ils savent à peine coder en Python". Pour une école qui se veut bien meilleure que Polytechnique, intégrée par des élèves qui ont fait deux ans de cours de Python (qui est au programme de prépa), ça semble un peu étrange non ? Eh oui : la compétence des élèves varie en fonction des besoins de l'histoire. Mais encore c'est un problème mineur. En effet, Herzig explique avoir consulté le code source. Comme Lux a planqué un virus il aurait dû le trouver non ? Eh bien... non. La suite de l'interview c'est juste Herzig qui tente de faire avouer Lux en... lui demandant "Avoue !" (ce qui marche pas des masses).
Au milieu de l'interview, on apprend par un flash-back que Lux a piégé Herzig en mettant un virus sur sa clé USB et en la laissant tomber en amphi. Ce faisant il a appris que ce dernier était impliqué dans un projet de vol de compte bancaires en cours. Le problème... c'est que si Herzig était le hacker aussi fameux que nous présente la série, il aurait crypté son disque dur, et ce hack aurait donc été impossible. Bon sauf qu'une fois encore, les personnages sont cons au bon moment.
A la fin de l'épisode 5 on apprend que Alex (qui est pourtant présenté comme une brêle en info) a hacké la messagerie de l'école et trouvé un mail de Lux où il balançait un dossier de Alma à sa prof d'anglais afin de l'empêcher de partir au Canada. Cette fois c'est l'inverse : un protagoniste con devient brillant pour faire rebondir l'intrigue. Il donne en justification "même moi j'y suis arrivé" pour faire croire que c'est simple, alors que... bah non, hacker une adresse universitaire c'est pas à la portée de tout le monde. Surtout sur le campus de la meilleure école d'informatique au monde (il faut le rappeler).


Episode 6 on voit Lux cacher un virus dans un meme en modifiant les informations cachées du meme (les exif). Ce hack est théoriquement possible, sauf que les données exif ne sont pas lues sans raison. Dans ce genre de hack, les pirates ont généralement le contrôle du serveur qui "lit" l'image et rajoutent des instructions dans son code afin de le forcer à lire les données exif (en utilisant la fonction exif_read_data en PHP par exemple). Du coup en l'envoyant par Whats App, il ne va littéralement rien se passer. Et même si on suppose que ça marche, la plupart des antivirus détectent ce genre de problèmes. Encore une fois : le hack n'est pas crédible.


Bon sinon pour le reste... déjà épisode 6 Lux commence à stalker en plein cours ce qui amène à penser "pourquoi donc personne ne le remarque alors qu'il regarde des vidéos de gens en plein cours avec ses écouteurs ?". Encore une question qui restera sans réponse.


Par souci de préserver la fin à ceux qui ne l'auraient pas vu (même si j'ai bien spoilé la moitié de la série) je met la fin de ma critique en "spoiler".


A la fin de la série les autorités se mettent à rechercher activement le stalker. Herzig force donc Lux à trouver une solution à ce problème. Lux décide donc de piéger Alex, qui aveuglé par son arrogance lui demande de créer pour lui un moyen de stalker toute la ville sans son aide. Lux efface ses traces et relie la callback du meme vérolé à l'ordinateur d'Alex. Il fonde ensuite un groupe pour arrêter le stalker, et les manipule pour qu'ils trouvent Alex à sa place. Alex se fait donc arrêter, et tout est bien qui finit bien.
La fin est honnêtement pas trop mal, on se demande juste pourquoi Alex ne balance pas Lux à la police après s'être fait arrêter.
Et ensuite on finit avec un petit cliffhanger en voyant la caméra de Lux s'allumer sans qu'il s'en aperçoive, indiquant qu'il est en train de se faire stalker.


Au final j'ai re-regardé toute la série en écrivant la critique. Je voulais mettre un note très basse initialement car elle m'avait pas mal frustré sur certains points (caricature du geek, pas de cohérence scientifique), mais je ne vais finalement pas mettre une note si basse, car ça reste un divertissement correct, et avec de grandes qualités de production.

Selxis
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le 4 août 2020

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Selxis

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