Un élève peu doué
Warning, spoil spoil spoil, jusqu’au dernier épisode. à ne lire que si vous n’avez pas vu la série, ou si vous n’en avez rien à foutre (mais alors, pourquoi lire ça ) J’ai un problème avec Stranger...
le 26 juil. 2016
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En cette triste journée de rentrée scolaire, et histoire de bien pourrir jusqu’au bout la journée des lycéens de SensCritique, je m’attaque à un monument de la culture borgne et juvénile. La sacro-sainte série Stranger Things, envoyée directement des Dieux et disponible à la fois au fond de Netflix et au sommet du Mont Sinaï.
Mais avant tout, et puisque c’est la pierre angulaire de la série, il faut se pencher sur ce que sont les années 80’. Décennie énigmatique, extrême et chaotique – aussi jouissive qu’elle est affreuse : l’ère de la démocratisation des institutions politiques, du synthétiseur, et du SIDA. Un moment d’histoire, ou l’on pouvait regarder à la télévision PPDA nous expliquer que la guerre froide bat encore son plein, que les supporters de Manchester se sont encore battus contre un énième club adverse à grands coups de chaînes et de santiags cloutées, pendant que votre père battait sa nouvelle femme en lui ravalant la façade comme si elle avait insulté votre descendance – et ce, en toute impunité, pas de changement jusqu’ici. Le temps du nuage de Tchernobyl, du vent de Sibérie qui souffle sur la Bohème et du nucléaire polynésien ; En bref, un désordre parfaitement organisé.
Et c’est dans ce paysage de contrastes plaisants que se dresse Stranger Things, dans ce non-lieu qu’est Hawkins, c’est-à-dire nulle part, quiché au milieu de l’Indiana – entre le soleil lourd de Californie et les plaines laborieuses du Kamtchatka. Une ville qui n’évoque rien, à l’image de la série et de ses deux réalisateurs : stricts inconnus au palmarès douteux (qui se résume à Wayward Pines, avec une première saison correcte et une seconde qui ressemble à une mauvaise journée).
On le comprend dès le début, l’important ce n’est pas la géographie mais l’époque. Et nos deux amis n’auront de cesse de nous le rappeler, la série cumule les références – un véritable gavage d’oie culturel qui me ferait presque me devenir membre de L214, ou d’Al-Qaïda. Elle nous étouffe de pop-culture pour geeks désabusés, et va jusqu’à dévorer sa propre intelligibilité : car la série peine à sortir du cadre de ses références, cloîtrées comme un archaïsme dans un temps qui n’est pas le sien. Si les années 1980 étaient une huître, les frères Duster auraient mangé l’intérieur et la coquille – à la limite que l’on crache de la culture populaire, bon, mais ils vont jusqu’à pomper les clichés de l’ère reaganienne. Pour prolonger une analogie déjà longue, si les frères Duster adorent les fruits de mer, les Russes, eux, mangent toujours des enfants et se font des tartines de fœtus.
Les références ne sont jamais ingénieuses, jamais pensées, jamais réfléchies : on a du fan-service dans ce que cela peut avoir de plus laid. C’est dommage parce que la BO est fournie, composées par de vrais nostalgiques et accompagne par moment une photographie qui sait où se placer pour saisir de véritables instants, créer des affects. Le tout étant en plus sublimé par l'excellente Winona Ryder, choisie pour le clin d'oeil grossier mais qui est un véritable plus à la série.
Stranger Things est marqué par un pattern : celui du cercle. Le temps est cyclique, traînant, il fait se répéter les intrigues avec nonchalance, saisons après saisons. La trame narrative est automatiquement la même, hormis à quelques détails près (des protagonistes qui ne servent qu’à faire pleurer Chloé -14 ans- lorsqu’ils décèdent, et des sous-intrigues niaiseuses aussi fun qu’un kantien avec Alzheimer).
Mais cela ne s’arrête pas la, ce pattern découle sur l’univers diégétique même de la série. Il nous fait découvrir un « monde à l’envers », vulgaire ersatz faussement mystérieux du nôtre : qui suscite la curiosité des protagonistes, et fait l’oublier l’ensemble des questions et des problèmes du monde « à l’endroit ».
Puisque le principal reproche que l’on peut faire à Stranger Things est une problématique de corps. Avancée, jamais traitée et toujours évacuée : le corps, qu’il soit social ou physique, est l’Arlésienne. Les adolescents grandissent, dans un milieu socio-culturel parfaitement identique mais profondément inégalitaire. Cette « pastorale américaine » de corps et de situations n’aura pas lieu, trop peu manichéenne pour cette série – et pour ne pas prendre le risque de critiquer le divin du divin. Les frontières de genres, pourtant au départ constamment remises en question à travers la figure d'011, se referment sur les personnages de la série. Et notre chère 011 n'aura d'autres choix, pour reconquérir son identité, de s'affirmer à travers la consommation, une consommation "de fille". Tout cela pour ça.
Choisir, c’est renoncer (et je choisis de renoncer à Stranger Things).
En espérant, de tout mon cœur cette fois, que cela vous déplaira.
Bizou.
Créée
le 6 sept. 2022
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