Stranger Things
7.6
Stranger Things

Série Netflix (2016)

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Lorsque la madeleine cache une forêt de délices...

EDIT : cette critique a été écrite après la première saison. J'ai aimé la seconde et la 3eme m'a un peu déçu, mais bon, c'est pas le propos, je tiens juste à préciser d'où je parle, chronologiquement parlant
Lorsqu'une série réussit à marier avec autant d'élégance des références pourtant normalement envahissantes, étouffantes même, sur lesquelles on se casse généralement les dents de devant, que ce soit Poltergeist, E.T., Silent Hill, ou encore le plus confidentiel Les Yeux de la Forêt, quand une série réussit à invoquer la magie qui habitait ces productions au moment où nous les avons découvert, nous, les vieux, avec nos yeux d'enfants, à se l'approprier et la retranscrire avec une telle justesse, difficile pour l'amoureux de fantastique de ne pas tomber sous le charme.


Ces dernières années, les moyens investis dans certaines séries sont tels que le clivage avec le cinéma s'adoucit, tant en terme de moyens stricts que de jeu d'acteur. Mieux, la série est en train de trouver ses propres modalités d'expression, se soumet de moins en moins à la dictature des 24 épisodes par saison.
Ca peut avoir l'air anodin, mais pourtant, je trouve que ça en dit long sur l'évolution du paysage télévisuel. Moins d'épisodes "filaires" (comme dit mon collègue), de remplissage crasse, (même si le modèle 24ep/saison n'a pas disparu, évidemment, et s'avère adapté pour certains type de séries, quand bien même on notera une proportion plus ou moins marquée d'épisodes qui casseront les burettes au revisionnage des dites-séries), et surtout l'apparition de formats atypiques comme les irrégulières saisons de Sherlock, Black Mirror, ou encore la série avec Idris Elba dont l'oublie momentanément le nom (EDIT : Luther)
par opposition au modèle "américain" des 24 eps, les anglais pérennisent le modèle des 6 épisodes par saison, que l'on retrouve de plus en plus souvent, comme l'excellente série Utopia, dont les deux saisons représentent le haut du panier du thriller conspirationniste dansant avec des éléments de SF.
Et il pose d'autres questions, ce modèle. On pourrait, à juste titre, dire qu'on bascule plus sur un long métrage coupé en six que sur une série à proprement parler. C'est l'un des reproches récurrents que l'on fait à ces séries made in GB.


Bref, c'est un débat intéressant, qui questionne notre relation à la télé, à la série, au cinéma, mais ce n'est pas le propos ici. Non, parce que quand même, on est sensé causer de Stranger Things, quoi!!


Mais cette intro n'était pas anodine non plus, vous pensez bien!
Car Stranger Things réussit à esquiver avec grâce l'écueil du long métrage découpé (en 8, ici), pour revendiquer haut et fort son statut de série, de par une utilisation rien moins que magistrale du cliffhanger final, toujours au top dans chaque épisode, et de scène d'ouverture pré-générique qui nous offre toujours plus que ce qu'on était en droit d'attendre.


Et me voilà obligé de refaire une parenthèse, une petite digression, pour causer de cliffhanger, de ce qui différencie le bon du mauvais.
Un mauvais cliffhanger joue sur la frustration, la privation artificielle, pour s'assurer du retour du spectateur qui veut juste une réponse! (l'exemple par excellence dans les séries récentes reste Under The Dome, qui même en fin de saison usait de ce même artifice).
Un bon cliffhanger, par contre, donne les réponses, mais celles-ci redéfinissent les enjeux, ouvrent sur des territoires insoupçonnés, d'autres questions, d'autres implications qui donnent le vertige, le frisson! Le spectateur ne revient pas juste parce que l'épisode coupe avant la fin ("eh bien le tueur, c'est..." A SUIVRE), mais parce que l'univers de la série a su le passionner.


C'est ce qui m'a peut-être le plus marqué dans Stranger Things, cette maîtrise du tant du rythme interne à chaque épisode que de la série en tant que tout, marqué par une générosité de tous les instants.
Dès le générique, mariage d'amour entre les BO marquantes de Big John Carpenter et la mélancolie péchue de DisasterPeace (It Follows, mais aussi la BO envoûtante de FEZ, l'un des meilleurs jeux de sa génération), avec une apparition du titre que ne renierait ni Cronenberg, ni les productions Amblain, centre de gravité de Stranger Things, l'ambiance est posée, mystérieuse, magique, inquiétante, effrayante peut-être.
L'affiche évoque tout de suite ET, Explorers, Les Goonies, L'Histoire Sans Fin, toute bonne production de l'époque ayant droit à sa scène de vélo... Mais l'enfant est manquant. Les lampes torches évoquent une battue, les brumes une menace. Dès l'affiche, des promesses sont faites, toutes tenues haut la main. Dès la musique de générique, une ambiance est posée, elle aussi pleine de promesses, et là encore, c'est avec brio que celles-ci sont tenues, la série ayant autrement plus à offrir qu'un simple patchwork de références 80's jetées au hasard.


C'est une véritable relecture de la magie des 80's, une relecture toute contemporaine de cette magie, jouant juste ce qu'il faut sur la fibre nostalgique sans jamais abuser sur le name-dropping ou se reposer sur cette ambiance si particulière (à un seul moment, ce qui est peu sur la durée, j'ai trouvé qu'ils glissaient peut-être dans la référence pour la référence, mais à peine étais-je en train de me faire la réflexion que la série passait à autre chose) (sens du rythme, qu'on disait, plus haut!).


Retrouver le frisson que j'avais éprouvé à la découverte des Yeux de la Forêt étant enfant, avec sa magie intacte, ressentir l'angoisse et l'émerveillement ressenti en regardant Poltergeist, la beauté mélancolique de Silent Hill (je ne rentrerai pas dans les détails de peur de spoiler), la beauté d'ET dans un contexte plus adulte et plus sombre, de voir une série qui avait tout compris (contrairement au scolaire Super 8, dernière tentative en date de recapturer cette ambiance si singulière, si difficile à capter au vol), ça n'a littéralement pas de prix.


Si en plus, le jeu d'acteur frôle l'excellence

Créée

le 1 août 2016

Critique lue 1.2K fois

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toma Uberwenig

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