Cette critique ne prend en compte que la saison 1
Sword Art Online est un véritable phénomène de l’animation japonaise. Comptant actuellement 3 saisons de 25 épisodes chacune ainsi qu’un film et une série live en cours de production par Netflix. L’anime tente de lier l’univers du mmorpg à la réalité comme en rêveraient des millions de joueurs. Quand on sait à quel point les mmo possèdent en général une histoire démentielle et particulièrement étendue, difficile de se dire qu’une adaptation animée parviendrait à couvrir l’étendue des éléments intrinsèques du jeu vidéo. D’autant que des animés sur ce sujet, il y en a eu quelques-uns qui ont plus ou moins bien fonctionnés, comme Ragnarok The Animation ou Wakfu pour ne citer que les plus connus. Mais ici, il s’agit non seulement de recréer un univers de RPG inexistant en y insérant les éléments de base du style vidéoludique en question dans un premier temps. Puis en y ajoutant une dimension dramatique inattendue qui permettrait de ne pas juste avoir le sentiment de regarder un jeu vidéo sans pouvoir y jouer.
Pour ceux qui ne connaissent pas trop le principe du mmorpg, il est assez simple. Transcrit littéralement, cela signifie Massivement Multiplayer Online Role Play Game (Jeu de Rôle en Ligne Massivement Multijoueur). Le but est de se créer un personnage que l’on fait combattre contre des monstres afin d’améliorer les statistiques (physiques, magiques, intelligence, dextérité etc) de ce dernier pour accéder à des instances de plus en plus puissantes. Au départ on entraîne son personnage, puis au fur et à mesure qu’il devient fort il est en capacité de s’équiper d’armes et armures toujours plus efficaces avec différentes caractéristiques. Puis il rejoint d’autres joueurs de son niveau pour former des alliances, voire se réunir en guilde, dans le but, dans un premier temps, d’accéder à des quêtes et des instances de groupes pour, à terme, se mesurer aux autres joueurs. Voici le principe de base de ce style de jeux, mais évidemment, tous les joueurs n’ont pas les mêmes attentes, les mêmes envies ou les mêmes principes. Cela implique forcément une multitude de réaction ou de situations inattendues entre les joueurs. Les plus anciens joueurs de WoW pourront vous en parler pendant des mois.
En résumé, le mmorpg est un style de jeu très libre et extrêmement chronophage qui est certainement l’un des plus aboutit pour vivre une expérience de joueur hors du commun, pour peu qu’on se laisse amadouer. Par conséquent, la question sur l’intérêt de créer un animé sur un tel jeu vidéo plutôt que de créer ce dernier pour y jouer se pose et devient même cruciale, d'autant plus lorsqu'après coup, plusieurs jeux décliné sur de multiples plateformes furent édités. Pourquoi s’emmerder à subir une histoire sans en être le héros alors qu’on pourrait la vivre et influencer le cours du récit ? Difficile à dire mais il s’avère que des animés comme Log Horizon ou la saga .hack// sont parvenus à se frayer une place dans le monde des animes. Et qui en est le maître ? Sword Art Online qui a véritablement fait l’effet d’une bombe au Japon et dont la réputation l’a très largement suivi en France.
Il faut avouer que le premier épisode de cette série commence en fanfare sur les chapeaux de roue. Oui, des chapeaux de roue dans une fanfare, carrément. Lorsque l’anime commence, nous voyons Kirito (pseudo du futur avatar de Kazuto Kirigaya) faire l’acquisition de la nouvelle console de réalité virtuelle et du jeu qui va avec en tant que beta-testeur. Ainsi, il se retrouve presque physiquement dans le jeu et doit y vivre pendant que son corps reste inerte dans le vrai monde. 10000 joueurs se retrouvent donc en même temps dans le jeu jusqu’à l’intervention du GM (Game Master, ou Guild Master dans certains cas) qui leur explique qu’ils sont bloqués dans le jeu jusqu’à ce qu’ils atteignent le niveau 100 et qu’ils terminent le jeu. Surprise peu appréciée mais pas mortelle diront nous. Détrompez-vous car une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule. En prime, si leur avatar meurt dans le jeu, le corps succombe également; si le corps est débranché dans la réalité alors le personnage meurt et donc le joueur aussi; si le corps n’est pas soigné et nourris (il est considéré dans le coma) alors il meurt également. Bref, il devient très difficile de rester vivant après cela. Tout bonnement, ce premier épisode est du pur génie scénaristique. Lorsque l’annonce est faite, la vie dans le jeu devient complètement anarchique mais c’est aussi le cas pour la vie hors du jeu.
En fait, cette annonce pousse les joueurs à révéler leur vraie nature. Quelque soit leurs attitudes naturelles, ils sont voués à survivre jusqu’à la fin. Moins il y a d’autres joueurs, plus les chances de survies sont élevées, mais moins il y a d’alliés, plus les chances de survie faiblissent. Ainsi, on se retrouve avec des joueurs qui vont se donner à fond, d’autres qui vont se suicider ou sciemment tuer les autres, vont se planquer dans les endroits sûrs etc. Mais du côté de la réalité, toutes les suppositions sont possibles. Les joueurs ayant compris qu'ils ne pourraient rien faire depuis l'intérieur, c'est donc à l'extérieur que tout va se jouer. Il faut également savoir que Sword Art Online est sorti à une époque où le groupe hacktiviste Anonymous faisait beaucoup parler de lui. Ainsi on s'attend à ce que les maîtres du jeu revendiquent des choses folles, proposent une expérience sociale grandeur nature (comme l'ont déjà vécu de nombreux joueurs de WoW à leur insu), que des hackers s'infiltrent dans le jeu et plus encore. Les idées sont nombreuses. En sommes, une telle introduction offrait tellement de possibilité psychologiques, critiques, sociales et satiriques, des choses que même les meilleurs films de science-fiction n'ont pas explorer. Et le problème est bien là, Sword Art Online n'approfondi strictement RIEN de tout cela, il reste inexorablement à la surface des choses. Tout ce qu'intéresse les scénariste de cet animé est la volonté de développer le caractère de Kirito, qui passe, certes, par de nombreuses étapes psyhologiques courantes chez les joueurs mais qui n'a aucun autre impact concret que sa philosophie, ses relations et sa manière de jouer.
L'une des raisons pour lesquelles le style mmorpg fonctionne si bien, c'est en grande partie car il est possible, en tant que joueur, de créer ta propre personnalité, t'en découvrir une, t'en forger une nouvelle à travers ton avatar. L’autre avantage de cet avatar est la possibilité de changer de sexe, une pratique très courante chez la plupart des joueurs que de se créer un avatar du sexe opposé. Avec ce genre de jeu, comme son nom l'indique, il s'agit de jouer un rôle, donc les joueurs peuvent faire tout ce qu'ils veulent jusqu'à oser agir comme jamais ils ne le feraient dans la vraie vie. Car ici les règles sont directement programmées, donc impossible de faire quelque chose d'illégale et vous n'êtes qu'indirectement responsable de ce que vous faites. Or ici, l'histoire se contente de reproduire de manière extrêmement basique les principes fondamentaux du mmo. Même Log Horizon, sorti quelques temps après, offrait une vision plus intelligente en s'attardant sur l'aspect économique du jeu et en proposant un nouveau système pour rendre l'univers crédible. SAO est affreusement pauvre dans ce qu'il développe. Les joueurs ne parlent jamais de leur stuff (équipement), lors des instances le personnage principal est capable de les terminer seul, la vie en guilde est simplement inexistante (de toutes manières Kirito veut se la jouer solo, c'est plus facile à écrire comme histoire du coup), la magie n'est tout bonnement pas présente (c'est une honte) et on ne sait quasiment rien de la faune et de la flore du jeu. Aucun élément intrinsèque et vibrant des mmo n'est représenté et il est considéré comme LE manga référent du mmorpg. C'est comme si la saga du Seigneur des Anneaux n'avait eu qu'un seul film de 2h et qu'on n'avait suivi uniquement Aragorn du début à la fin et personne d'autre.
Un autre point particulièrement désagréable de ce manga, c'est son manque absolu de divertissement. L'idée en s'investissant dans un tel univers fantastico-médiéval (comme souvent d'ailleurs), est de s'évader, de découvrir un autre monde, de suivre des histoire folles et improbables. Pourquoi faire un foutu personnage blasé h24 qui donne juste envie de mettre fin à ses jours? Absolument inintéressant et désagréable à suivre, il fait la même tronche de 6 pieds de long que les gens font au quotidien. Par ailleurs, certes c'est de notoriété publique de draguer, ou du moins séduire, dans ce genre de jeux, surtout lorsque les joueurs sont adolescents car ils ne cernent pas encore bien la différence entre virtuel et réalité, mais ce n'est pas pour autant que c'est intéressant de suivre un mec qui couche avec la moindre fille qu'il rencontre et qui les fait toutes tomber par terre. C'est Sword Art Online, pas les Feux de l'amour... La vie de foyer omniprésente du manga est également agaçante, si c'est pour voir Kirito faire à manger non stop et ranger ses affaires, on a tous autre chose à faire de nos journées.
En fin de compte, la "référence ultime" du genre en animé est l'histoire qui représente le moins le-dit genre... Pas crédible, extrêmement superficiel, en deçà complet des attentes qu'il crée et développant des éléments totalement aléatoires et inutiles, on se retrouve avec un animé fondamentalement ennuyeux. La deuxième partie change énormément puisqu'elle s'attache plus à la vie réelle. Souvent décriée par les fans comme inintéressante, elle l'est pourtant bien plus que la première partie (du moins dans les épisodes de transition vers le deuxième arc). Lorsqu'on parlait précédemment de satire et de critique sociale, on peut aisément penser à des gens (comme Laure Manaudou qui devrait se contenter de nager et de ne pas parler de ce qu'elle ne connaît pas) qui ne comprennent pas l'intérêt de se plonger dans un univers fictif. Psychologiquement, c'est un thème intéressant, même si ce passage termine en semi-inceste, on est confronté à une fille vivant dans les plus pures traditions de sa famille et grande adepte du Kendo, elle finit par être curieuse des jeux vidéos dans lesquels son "cousin" est tombé dans le coma. Malheureusement ce passage reste succinct pour de nouveau repartir vers les fioritures que nous avons déjà vécu durant les 13 premiers épisodes.
Toujours est-il que Sword Art Online est un parfait mystère qui a réussi à s'imposer avec le néant. Certainement créé à la bonne période puisque reprenant le concept de réalité virtuelle qui n'en était encore qu'à ses prémices à l'époque. Aujourd'hui, beaucoup d'animés offrent des histoires éminemment plus complète et poussées, comme Log Horizon pour ne citer que lui. Au final SAO s'accroche malgré qu'il soit oubliable. On lui accordera une bonne idée de narration en faisant des ellipses de différentes durées entre les épisodes, ceci afin de montrer que les jeux en ligne continuent d'évoluer, même sans nous. Suite à cela, un film est sorti et a fait vibrer les fans, sans pour autant avoir relevé le niveau, d'autant qu'il annoncait déjà une saison 3 dans la foulée... Saison dont on se serait largement passé.
Critique disponible sur Rétro-HD