Into the ghetto

2 ans avant The Wire, la série qui est considérée à juste titre comme l'une des meilleures de la télévision, David Simon et Ed Burns qui avaient écrit un livre s'intitulant The Corner: A Year in the Life of an Inner-City Neighborhood, décident de faire de ce roman une adaptation télévisuelle : The Corner. Le scénariste David Mills, les rejoins pour coécrire cette mini-série. Les 6 épisodes nous entraînent dans la ville de Baltimore et plus précisément dans le quartier ouest là ou sont entassés la classe pauvre de la ville, là où pour certains la drogue est un commerce et pour d'autres le moyen d'échapper à leur quotidien en la consommant. Bienvenue à l'angle de Monroe et La Fayette, là où se trouve une partie de l'Amérique que l'on préfère ignorer.

Sous forme de docu-fiction, la structure narrative de la série se découpe de la façon suivante :

• Interview d'un habitant du quartier


• Déroulement de l'épisode


• Interview d'un autre habitant

L'histoire étant basé sur des faits et des personnages réels, les scénaristes et le réalisateur ne s'en servent jamais pour surenchérir le propos ou pour rendre le sujet plus attractif, il conserve cette logique de documentaire en ne prenant jamais position pour ou contre ces différentes personnalités, il n'y a pas de bonnes ou mauvaises personnes, il est simplement montré au spectateur la réalité de la situation a laquelle elles sont confrontées tous les jours.

Les interviews permettent de donner un caractère réaliste à l'œuvre, et de nous immerger totalement dans cet environnement. C'est le réalisateur de la série, Charles S Dutton, un natif du quartier qui se charge des interviews, n'hésitant pas dû à sa proximité envers la population de La Fayette Street, à poser des questions qui gênent, voir même qui blessent pour tenter de comprendre la détresse dans laquelle ces personnes sont enfermées.
Les épisodes s’attardent non seulement sur le quotidien de ces laissés-pour-compte, mais aussi sur une famille dont la consommation de drogue à fini par faire exploser. C'est là qu'est toute la force de cette série, mais aussi de toutes celles dont David Simon est le créateur, elles ont ce caractère authentique de par les portraits qu'elle expose. Chaque personnage est important, car ils ont une histoire, un background, effectué des choix qui ont influés leurs vies et qui les ont entraînés là ou ils en sont aujourd'hui.

La famille qui est au centre de The corner, est dans ce qui la compose, représentative de la plupart des habitants du quartier : des dealers et des junkies.

Gary, le père n'était pas destiné à cette vie de drogué, lui qui avait une situation confortable a vu la drogue détruire son mariage. La solitude s'ajoutant à l'épidémie de crack (*) qui a eu lieu entre les années 80 et 90 ont eu raison de lui et l'ont poussé à devenir accro.
Son ex femme, Fran élève seule ses deux garçons, et tente tant bien que mal d'assumer quotidiennement son statut malgré sa dépendance à l'héroïne.
Avec des parents junkies, DeAndre le fils aîné, a choisi une voie légèrement différente mais toute aussi destructrice, celle de dealer des coins de rue. Une vie qui lui permet de gagner de l'argent rapidement pour essayer de vivre "normalement" au détriment de son éducation scolaire.
La vie quotidienne dans le ghetto de Baltimore est rythmée entre les junkies qui cherchent n'importe quel moyen pour se procurer de l'argent pour acheter leurs doses et les dealers qui traînent pour vendre leurs cames. Chaque jour est un combat constant pour survivre, éviter d'aller en prison, mourir d'une overdose ou tomber sous les balles d'un gang adverse. Arriver à se réveiller le lendemain matin est une victoire pour ces habitants
Au milieu de cette déchéance dont tout le monde se fou royalement, le centre de loisirs est le seul endroit qui permet aux jeunes de respirer, il représente le peu de bonheur au milieu de ce chaos urbain, il représente l'espoir.
Ce que l'on tente de nous faire comprendre, c'est l'impact de la rue sur ses habitants, elle est comme un trou noir qui aspire toutes leurs vitalités, c'est la loi de la jungle par conséquent, chacun pour soi. Celui qui tentera de s'en sortir prendra le risque de se faire rattraper par la rue.

The corner est une série coup de poing, un pur chef d'œuvre du petit écran, magistralement bien écrit. Il fait office d'une bonne mise en bouche pour se préparer à The Wire. Son rythme très lent pourra rebuter certains d'entre vous, mais chacun de ses plans respire profondément la rue. On s'imprègne très rapidement de son ambiance, qui elle-même nous pousse à s'attacher à ses personnages et donc à nous questionner. Finalement, le coin de Monroe et La Fayette est une drogue qui pourrait facilement vous rendre dépendant.

(*) Afin d'avoir un complément d'information sur l’épidémie de crack et ainsi tenter de comprendre l'une des causes du problème, je vous recommande de regarder Secret d'État qui relate les investigations du journaliste Gary Webb